Goxwa – Galerie Felli
Scène originaire
Fascinée depuis l’enfance par la couleur miel des murs de Malte, ces « témoins silencieux » qui sont comme des masques dissimulant et révélant tout à la fois les êtres vivants derrière eux, Goxwa balafre chacune de ses toiles pour en dévoiler le fond. Une déchirure de la matière, devenue signature, cica-trace d’un style mature, qui précipite le vieillissement de la peinture, en approfondit les teintes ocre jaune et rouge, la rendant alors semblable à une fresque de Pompéi. Cette rature vient signer le bas de la toile comme pour signifier non seulement le passage mais aussi le passé du temps, son être révolu, le chemin à jamais barré qui biffe la possibilité d’un retour tout en libérant la voie du souvenir. Habitée par le souci de sauver ce qui disparaît, Goxwa fissure sa toile comme on ouvre une brèche dans le temps pour le tenir en suspens. L’espace de résonance ainsi créé, tendu entre l’appel du passé et le recueil du présent est propre à l’épanouissement d’un écho qui nous rappelle alors sans cesse au commencement où seul ce qui n’a pas cessé d’être peut revenir, nous revenir.
Descendue du ciel, rendue à la pesanteur des corps terrestres, c’est à l’art des grands maîtres dont Goxwa a reçu l’influence qu’Angel semble faire la révérence. À la croisée des madones russes et des icônes byzantines, enrubannées dans l’obscurité, les jeunes muses se tiennent en retrait de leur propre apparition. Précieuses présences, fragiles. Semblables à une constellation d’étoiles mortes dont la lumière court encore et dont la force de rayonnement survit à la disparition du corps, les jeunes muses, le teint clair, la mine brouillée, dévisagent leur absence. Vision scindée d’un être qui ne se donne que pour autant qu’il se retire, apparition survivant à sa propre disparition, où le revenant, au bord de l’effacement, sacrifie un instant son passé au présent. À travers le prisme de sa mémoire affective, la peinture de Goxwa est une vision débordant le visible, pénétrant le lointain. Voir loin, c’est voir dans le passé. Qu’est-ce qu’un écho sinon un appel jeté en avant de lui-même dans l’espoir de se survivre ? Le règne de tranquillité dans lequel séjournent avec grâce et majesté ces jeunes muses, filles du temps, figures virginales de l’éternel retour, laisse à penser qu’elles sont là chez elles de toute éternité et que c’est de là qu’elles nous font signe, tels les portraits du Fayoum qui comme l’écrit admirablement Jean-Christophe Bailly, « nous regardent comme d’un lieu neutre qui ne serait ni la mort ni la vie, depuis un très lointain passé qui atteint presque par miracle notre présent ».
Nora Monnet
A découvrir sur Artistik Rezo :
– Exposition de Goxwa à la galerie Felli (mai-juin 2009)
Exposition de Goxwa
Du 29 septembre au 27 octobre 2011
Du mardi au samedi, de 11h à 13h, puis de 14h à 19h
Informations : 01.42.78.81.27
Galerie Felli
127, rue vieille du temple
75003 Paris
www.galeriefelli.com
[Visuels : photographies de Jean-Louis Losi. Courtesy Galerie Felli, Paris]
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