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Il faut je ne veux pas – Théâtre de l’Œuvre

3 février 2012
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Il faut je ne veux pas - Theatre de l'Oeuvre

Il faut je ne veux pas - Theatre de l'Oeuvre::

Deux proverbes sur le thème du mariage

Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée reprend les thèmes chers à l’auteur des Caprices de Marianne et de On ne badine pas avec l’amour. La Marquise, tout comme Marianne, refuse le badinage dragueur du Comte, son voisin et amoureux transi. Elle demande qu’on s’adresse à son intelligence et exige la sincérité des sentiments.

A l’instar de la Camille de On ne badine pas… elle se méfie du désir et de l’inconstance des hommes, au risque de passer à côté du véritable amour. Et il y a un peu de Perdican dans le Comte, qui exalte la beauté et la grandeur de l’amour malgré les faiblesses de la gent masculine. Intelligence des réparties, joutes verbales, finesse des sentiments, humour, revendication féministe avant la lettre font de cet acte un instantané de l’état des mœurs parisiennes sur le mariage il y a deux siècles.

Je ne veux pas me marier est, sur le ton d’un proverbe à la Musset, une valse à trois temps, de nos jours à Paris. La veille de son mariage, Vivien, une jeune femme prof de maths, aurait préféré que son promis, Tigrane, un brillant jeune financier, ne lui rende pas visite. Leur discussion d’avant mariage tourne à la veillée d’armes. Elle voulait réfléchir seule, il la pousse dans ses retranchements. À quoi riment cette cérémonie et cette institution si anciennes, pour un couple d’aujourd’hui, moderne et libéré ? L’éducation et la refondation d’un homme par la femme qu’il aime.

Il faut je ne veux pas : de l’amour au mariage

Un homme tombe amoureux d’une femme.
Une femme tombe amoureuse d’un homme.
Ils décident de se marier.
Existe-t-il proposition plus banale, plus universelle, et qui concerne depuis tant de siècles autant de centaines de millions d’individus ?
Pourtant, au-delà des particularités culturelles, sociales, de la question « de quel homme et de quelle femme s’agit-il ? », la chose aujourd’hui ne va plus de soi, du tout.
Certes, si l’on examine les malheurs et difficultés des jeunes gens chez Molière par exemple, la chose n’est jamais allée de soi. Dans les sociétés traditionnelles, l’amour du couple était en butte au souhait des parents, aux intérêts familiaux et sociaux. Mais jamais pareil amour n’a été aussi menacé que maintenant de se dissoudre dans une figure du mariage rendue superflue, marginale jusqu’à l’absurde par une libération aussi totale et sans précédent des comportements.
La liberté des moeurs conquise depuis la fin des années 1960, avec les avancées décisives sur la contraception, l’avortement, l’homosexualité, le divorce, l’abaissement de l’âge de la majorité sexuelle, l’évolution même des mentalités sur la grossesse des femmes seules, les familles monoparentales, l’accessibilité à l’image érotique et pornographique, ont mis l’idée même de mariage en péril. Et si de nombreuses batailles restent à livrer ou font l’objet de controverses – définition des rôles homme/femme dans les tâches domestiques et l’éducation des enfants,
légalisation de l’usage des drogues, de la prostitution, mariage homosexuel, adoption par une personne seule… – on sent que ces nouvelles victoires sont à portée de main, ne sont plus que question de temps, inéluctablement.
Alors dans ce foisonnement de libertés, ce grand chaos où tous les coups sont désormais permis, quid de la durée organisée de la vie à deux ?
Chez Musset déjà, dans le dialogue du comte et de la marquise, on note une liberté sexuelle nouvelle, qui n’existe ni chez Molière, ni chez Marivaux, à peine chez Beaumarchais. Le comte a des aventures avec des danseuses de l’opéra. La marquise a trente ans, a déjà été mariée, c’est une jeune veuve à qui on reproche de coucher avec un certain M. Camus. On est loin de l’abstinence, de la vertu, de la peur du qu’en- dira-t-on qui caractérisent la dame et l’intendant des Fausses confidences. On est déjà dans un monde plus libre, moins entravé par le poids des conventions, où cette descendante d’Alceste fait le procès de la galanterie, condamne tout ensemble badinage, stratégie et discours amoureux, pour prôner la franchise et la simplicité qui vont droit au coeur.
Et pourtant, si la marquise de Musset se moque des hommes et condamne les dragueurs, c’est par une foi inébranlable dans le mariage. Foi absolue, pratique et théorique, raisonnée, résultat de son expérience et de ses convictions.

Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée n’est rien d’autre que la déclinaison de cette affirmation que hors du mariage, point de salut. La solitude ouvrant même chez la marquise sur une espèce de désarroi, d’angoisse existentielle : « J’étais comme cela pendant qu’on me coiffait. Je poussais des soupirs à me fendre l’âme, de désespoir de ne penser à rien »
Plus loin, elle précise cette idée que le bonheur ne peut pas se trouver dans la solitude, mais dépend forcément d’un autre : « Je vais vous dire un premier proverbe : c’est qu’il n’y a rien de tel que de s’entendre ».
Cent soixante dix ans plus tard, aujourd’hui donc, je reprends une femme du même âge, trente ans. Qui, comme la marquise, a une expérience de la vie à deux. Plus une jeune fille, mais encore une jeune femme. Enceinte. Je saisis un couple d’un milieu social équivalent à celui des aristocrates de Musset. La marquise et le comte n’avaient pas de soucis d’argent. Ils vivaient (cinquante ans après la Révolution) comme les privilégiés de leur milieu, sans états d’âme, d’âme économique en tout cas. Dans ma pièce, Vivien est enseignante en prépa, Tigrane a une position dans la haute administration et des idées de droite.
Je sors du ton de la comédie pour creuser ce désarroi particulier que Musset effleure à peine (« Raillez, raillez ! Vous y viendrez – C’est bien possible, nous sommes tous mortels »). Une femme prise de vertige au bord de son mariage. Un homme qui ne sait plus vraiment ce qu’une femme attend d’un homme aujourd’hui. Et qui perd pied, dans l’intime comme dans le familial, le social, et dans le monde au sens le plus large. Un homme qui va devoir trouver sa place, opérer un rétablissement. Qui va bon gré mal gré se laisser éduquer-refonder ?- par la femme qu’il aime.
Vieux refrain, orchestration nouvelle. D’où vient cette science qu’ont les femmes pour réformer les hommes qui les aiment ? Les adapter constamment à leurs besoins, à leurs désirs? Renouveler le lien du couple ? Repenser pour chaque époque cette forme ancienne du mariage ?

Jean-Marie Besset

Il faut je ne veux pas

Textes d’Alfred de Musset, Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée
et de Jean-Marie Besset, Je ne veux pas me marier

Mise en scène de Jean-Marie Besset

Avec Blanche Leleu, Chloé Olivères, Adrien Melin

A partir du 14 février 2012
Du mardi au samedi à 21h
Matinées samedi à 18h30 et dimanche à 15h30

Prix des places : 38 euros // 32 euros // 26 euros // 21 euros                                     
Le mardi à l’Œuvre : 21 euros   

Théâtre de l’Oeuvre
55, rue de Clichy
75009 Paris
M° Place de Clichy ou Liège

www.theatredeloeuvre.fr

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