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Odilon Redon, prince du rêve – galeries nationales du Grand Palais

30 mars 2011
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Grand Palais

Il a fallu attendre 55 ans avant qu’une exposition soit entièrement dédiée à Odilon Redon  (1840-1916) : depuis la rétrospective de 1956, aucun musée parisien n’en avait pris l’initiative. Néanmoins, l’attente en valait la peine : plus de 180 peintures, lithographies, fusains, dessins et pastels ont été rassemblés pour l’occasion. Au fil de l’exposition, qui suit l’évolution de l’artiste, le visiteur redécouvre les œuvres exceptionnelles qui ont fait sa renommée auprès des Symbolistes, mais également des Nabis et des Fauves.

Le monde mystérieux des « Noirs »

Surnommé le « prince du rêve » par le critique d’art Thadée Natanson, Odilon Redon, initié à l’eau-forte par son maître Rodolphe Bresdin, s’est rapidement tourné vers la lithographie et le fusain. Entre rêve et cauchemar, ses célèbres « Noirs » ésotériques, créés entre 1879 et 1899, emmènent le visiteur aux confins de l’inconscient et de l’imaginaire, au cœur des méandres de l’âme. La fascination de Redon pour la science, notamment le darwinisme et la microbiologie, a donné naissance à des séries telles que Les Origines et Dans le Rêve, où des sphères affublées d’un œil flottent au milieu d’un univers désertique et angoissant peuplé de créatures hybrides et cauchemardesques, de têtes coupées, d’humains perdus dans de vastes étendues et de créatures mythologiques – cyclopes, chimères, satyres, centaures. La littérature est une autre source d’inspiration pour l’artiste, mais ses hommages aux histoires fantastiques d’Edgar Poe et à La Tentation de Saint-Antoine de Gustave Flaubert ne sont pas de simples illustrations, ni même des interprétations ; il s’agit plutôt de la vision personnelle de Redon, comme dans sa série Hommage à Goya, où on ne décèle aucune influence du maître espagnol. Sans percer le mystère de ces œuvres originales et insolites, l’exposition offre un éclairage technique sur les lithographies de l’artiste, réalisées en collaboration avec les imprimeurs. Redon a utilisé cette technique particulière pour diffuser ses « Noirs », comme en témoignent les frontispices des livres symbolistes prêtés par la BNF. La série « Songes », réalisée en 1891, marque la fin progressive de sa période noire et son passage à la couleur.

Le passage à la couleur

Redon n’a jamais abandonné la peinture, même pendant sa période noire, et à l’aube des années 1890, il s’y consacre davantage, comme en témoignent ses pastels rutilants rehaussés d’or et ses peintures à l’huile, d’une grande originalité. Le début des années 1900 marque son passage définitif à la couleur, qui éclate intensément dans chaque œuvre et les drape d’un voile spirituel et mystique : le Bouddha du Musée d’Orsay et le Christ du silence du Petit Palais en sont des exemples fascinants. Les visages sont empreints d’une douceur mélancolique qui annonce la fin de l’univers angoissant des « Noirs ». Redon revisite la mythologie gréco-romaine, et les fleurs deviennent l’un de ses sujets de prédilection : les bouquets s’épanouissent dans une profusion de couleurs. L’exposition se clôt sur des toiles mythologiques et bibliques très colorées et sur l’intérêt de Redon pour les arts décoratifs : le grand décor mural japonisant, exposé pour la première fois, commandé par Robert de Domecy pour son château est parfaitement reconstitué. Sa collaboration avec la manufacture des Gobelins est également évoquée à travers des exemples de motifs pour fauteuils et des paravents. Cette dernière période de sa vie est celle d’un « équilibre et un bonheur particuliers », selon les mots de l’artiste de lui-même.

L’univers onirique et poétique d’Odilon Redon a fasciné bien des artistes. Symbolistes, Nabis, Fauves et même Surréalistes ont été influencés par l’art unique de ce maître de l’imaginaire, de ce « prince du rêve » qui gagnerait à être davantage connu. Ses œuvres n’ont rien perdu de leur puissance suggestive et de leur intensité, et les voir rassemblées en un même lieu est un plaisir dont il ne faut absolument pas se priver, d’autant que la très belle scénographie d’Hubert Le Gall les met parfaitement en valeur !

Maureen Charlet

Odile Redon

Commissariat : Rodolphe Rapetti, conservateur général du patrimoine et chercheur associé à l’Institut National d’Histoire de l’Art, Marie-Pierre Salé, conservateur en chef au Musée d’Orsay, Valérie Sueur-Hermel, conservateur au département des estampes et de la photographie de la Bibliothèque Nationale de France et chargée des collections du XIXème siècle.

Du 23 mars au 20 juin 2011
Ouvert tous les jours de 10h à 20h, sauf les mardis et jours fériés.
Nocturne le mercredi jusqu’à 22h.

Plein tarif : 11 euros / Tarif réduit : 8 euros 
Gratuité pour les demandeurs d’emploi et les bénéficiaires du Rsa.

Grand Palais
Avenue Winston Churchill
75008 Paris
M° Champs-Elysées-Clemenceau (l. 1 ou 13) ou Concorde (l. 1, 8 ou 12)

[Visuel : Vue depuis la Tour Eiffel, le Grand Palais, Paris, (France). Auteur : Gérard Ducher (user:Néfermaât). Licence Creative Commons Paternité – Partage des conditions initiales à l’identique 2.5 générique]

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