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Steve Suissa – interview

23 octobre 2012
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steve suissa

Steve, quelque chose vous a prédestiné à ce milieu ?

J’ai la culture du cinéma depuis toujours. Depuis ma naissance même puisque ma maman m’a accouché à 15 ans et demi dans le salon, alors qu’elle regardait un film avec Steve McQueen. C’est d’ailleurs pour ça que je m’appelle Steve. Enfant, j’étais toujours fourré dans une salle des grands boulevards. Ce que j’y voyais répondait aux questions que je me posais. Avec Il était une fois l’Amérique, par exemple, j’ai compris que le pouvoir dépasserait l’amitié et finirait par dépasser l’amour. Et je continue à regarder deux fois par an La Vie est belle de Frank Capra. Mais j’ai aussi aimé Gladiator, Rocky… comme La Boutique au coin de la rue. Les films m’ont aidé à vivre et à dépasser les moments de désespoir que j’ai eus dans ma propre enfance. Ils ont été mes vrais amis car j’étais renfermé, voire autiste. Hélas, j’étais voué à reprendre le métier de mon père, boucher et je pouvais pas avouer mon rêve, être acteur, à ma famille ! Alors, à 14 ans et demi, je suis parti de la maison. Ce fut un vrai clash mais aujourd’hui, mes parents sont fiers, les gens de mon quartier aussi, même si moi je sais que je suis à dix pour cent de ce que je peux faire.

Comment en êtes-vous arrivé au théâtre ?

Même si j’ai ouvert mon premier livre à 17 ans, j’ai su avant que j’allais m’orienter vers le théâtre. J’ai passé une audition pour entrer dans la classe libre avec Francis Huster. Je suis arrivé avec une scène du Parrain. Cristiana Reali me donnait la réplique, Francis parlait, pour me déconcentrer, avec François Florent. J’ai ressenti ça comme un manque de respect. J’ai donc sorti le flingue avec lequel j’étais venu et j’ai tiré deux balles par terre. Quand je suis sorti de l’audition, on m’a dit « tu es tricard, tu ne feras jamais de théâtre ni de cinéma »… et deux jours après on m’appelait pour me dire que je pouvais intégrer cette classe. Ce fut ma première rencontre avec Francis Huster. J’avais 16 ans et demi. Après, j’ai fait une dizaine de rôles au cinéma et à la télé. J’ai eu des rôles au théâtre assez importants. Puis j’en ai eu assez d’attendre le désir des autres. On était en train d’apprendre la patience à un impatient, preuves et avertissements à l’appui. Depuis, j’ai appris à prendre mon temps et suis mieux dans ma tête à 40 ans qu’à 30. J’alterne théâtre et ciné : j’ai fait quatre films, deux téléfilms que j’ai écrits et réalisés, mis en scène une dizaine de pièces et produit huit courts métrages dont un qui a eu la Palme d ‘Or à Cannes…

Qu’est-ce que cela vous apporte ?

J’aime raconter des histoires de gens ordinaires qui ont envie d’avoir des vies extraordinaires c’est-à-dire nous tous et travailler avec des êtres humains qui ont envie de vivre les personnages avant de les jouer. En général, je veux faire des choses vraies car j’ai besoin et envie de vérité. C’est ce qui maintient mon envie et me laisse connecté à ma foi en l’être humain, mon idéalisme et ma croyance que j’ai perdue et retrouvée maintes fois. Chaque fois que j’ai perdu cette dernière, j’ai vécu des années d’errance et de perdition. Quand je la retrouve, comme là depuis un an, je reçois des cadeaux de la vie au moment où je m’y attends le moins.

Comment avez-vous rencontré Éric-Emmanuel Schmitt ?

Je ne sais pas trop me vendre et je ne vais pas aux cocktails, mais je travaille. Je me lève à 5h du matin, comme au temps de la boucherie, et je travaille 20 heures par jour. Nous nous sommes donc rencontrés à travers mon travail. C’était il y a 17 ans. Cette rencontre improbable entre un intellectuel, auteur mondialement reconnu, et moi dont les parents ne savent ni lire ni écrire, fut magique. Après m’avoir vu jouer dans La Descente d’Orphée de Tennessee Williams, il m’a fait beaucoup de compliments. Puis il a vu mon premier film, mes mises en scène et, dans « Bronx » il m’a dit n’avoir pas reconnu ce que j’avais fait d’Huster. Nous avons quelques points communs, il a habité mon quartier et, même si n’avons pas la même religion, quand on parle de foi, on a tous les deux les yeux qui s’allument car on se dit que tout est pour le bien… même le mauvais !

Comment vous a-t-il présenté Le Journal d’Anne Franck ?

Il m’a envoyé le script un samedi, à 18h46, par Internet. C’était la première fois qu’on me proposait une mise en scène. J’ai été flatté et super fier mais, à 21h16 j’étais en larmes. J’ai tout annulé et me suis jeté dedans à corps perdu. J’y ai travaillé près d’une année et je continue à suivre les représentations

Ce fut le premier, dites-vous, à vous proposer une mise en scène. Mais les précédentes alors ?

Ce pays est très bizarre, on nous colle des étiquettes ! J’étais comédien mais depuis le jour où, parce que j’en avais marre d’attendre le désir des autres, j’ai ouvert ma boîte de production et écrit, réalisé et coproduit, avec Marc Esposito, mon premier film, L’Envol qui raconte mon histoire, on me propose encore moins de rôles. On pense que je suis un entrepreneur alors que je prends juste mon destin en mains. Je fais peur. J’ai beau dire que j’adorerais jouer, être dirigé, « m’oublier », on me sollicite seulement pour des pièces étrangères, dans le but que j’en achète les droits et monte le projet. C’est ce que j’ai fait jusqu’à présent.

Pourquoi cette pièce vous a-t-elle tant plu ?

A sa lecture, j’ai ressenti une énorme émotion. Or, pour moi, le théâtre, comme le cinéma, est fait pour partager des émotions, dans le noir, avec des gens qu’on ne connaît pas. Schmitt a eu le génie de prendre l’axe d’un père qui, deux ans après la mort de sa femme et de ses deux filles, découvre ce journal et s’aperçoit, comme tout parent, qu’il ne connaissait pas vraiment sa fille Sous cet angle, le public va pouvoir découvrir, ou redécouvrir, le destin de cette famille et la combativité de gens qui resteront dignes et courageux malgré cette époque d’horreur, Juif ou pas ce n’est pas le propos. Des gens qui se battent avec leur vie pour en faire quelque chose, c’est mon obsession dans mes films et dans ma vie. Je m’identifie à Ann. Elle me touche profondément par son courage et son talent. C’est l’auteur adolescent le plus vendu au monde. Chaque année, un million deux cents mille personnes font le voyage à Amsterdam pour voir le grenier. Comme elle a privilégié le fond et la forme, ça n’a pas vieilli d’un iota. Ce n’est pas l’histoire d’une fille pendant la guerre, c’est l’histoire d’une fille qui n’a pas tous les atouts et qui va se servir de tout ce qu’elle a dans le ventre, les tripes, le cœur pour faire de sa vie une œuvre avec tous ses défauts et ses complexes. Ce n’est jamais plombant. Éric Emmanuel Schmitt y amène des moments qui sont d’une drôlerie énorme. C’est plutôt une pièce à l’italienne qui passe du rire aux larmes.

Qu’attendez-vous de ce spectacle ?

J’espère que beaucoup de jeunes la verront car ils ne lisent plus beaucoup aujourd’hui. J’espère aussi que, le lendemain, en prenant leur douche, les spectateurs auront des images de la veille.Et enfin qu’un coursier rêvant de devenir artiste peintre sans espoir d’y parvenir se dira : je dois vivre ma vraie vie à moi. Je ne dois pas renoncer à mes rêves ».

Caroline Fabre

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