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Sépànd Danesh – galerie Nivet-Carzon

8 février 2013
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galerie Nivet-Carzon

A l’époque de Kupka, de Kandinsky, les frères Lumière avaient déjà élaboré l’abstraction industrielle: l’art d’extraire d’une unité de temps des images, vingt-quatre par seconde. Mais ceux qui ont fait du cinéma avec de la pellicule se souviennent que chaque image d’un lm tourné en vingt-quatre images/seconde ne représente pas un temps d’exposition égal à un vingt-quatrième de seconde: c’est plus court, car il faut laisser à l’obturateur le temps de se fermer et de s’ouvrir pour impressionner une autre image, et il faudra laisser aux gries du projecteur le temps d’agripper les perforations de l’image suivante pour la placer devant le faisceau lumineux de l’appareil. Ce temps, entre chaque image est si court que l’oeil, ou plus exactement cette partie du cerveau qui travaille avec l’oeil, n’a pas la capacité de percevoir ce qui s’y passe. Pas le temps de voir le vide, le noir. Et c’est précisément de cette incapacité que nait la plus spectaculaire illusion du réel: le mouvement.
Ce n’est pas un hasard si Sépànd Danesh s’est saisi de cette gure mythique du bonsaï.
Sur son piédestal, la mort au travail. Autrement dit: ce réel insaisissable autour duquel l’artiste ne cesse de tourner.
Certes, le bonsaï incarne la cruauté du dépaysement, de l’immigration, de l’exil, et toute tentative biographique n’est pas à exclure dans l’organisation de ce martyre végétal. Mais ce qui doit nous éveiller ici, c’est la reconstitution du temps. En deux trajets:
D’abord ou ensuite, le rapport entre chaque tableaux et leur modèle dépéri: une bonne blague, le temps. En circulant autour du bonsaï, vous coupez le faisceau qui relie le bonsaï moribond à chaque image de son passé. Votre ombre se projette sur chacune de ces abstractions temporelles que sont chacune des représentations guratives de la plante. Ensuite ou d’abord, les «vides cinétiques» entre chacun des tableaux: espaces nécessaires à l’illusion, fractions de temps mécanique durant lesquels les gries de frères Lumière agrippent les perforations du tableau suivant. On cligne des yeux entre deux saisissements, et dans cette obturation, pensez que le peintre n’a plus peint, il a acheté ses pigments, monté son châssis, dormi, fait chauer l’eau de son thé, observé le bonsaï, il a été un humain ordinaire, avant de s’y remettre, peindre, puisque c’est son rêve. »

Christophe Donner

Sépànd Danesh est né à Téhéran en 1984. Il quitte l’Iran définitivement à l’âge de 12 ans. Il fait des études artistiques à Paris, BTS Design produit puis les Beaux-Arts où il fréquente les ateliers de Giuseppe Penone et Philippe Cognée.
Suite à l’immigration de ses parents vers la France, il a cherché d’autres moyens que le langage habituel pour communiquer, à un âge où sa curiosité atteignait des sommets. C’est dans ces conditions que le dessin lui est apparu comme une échappatoire et comme le territoire possible pour reconstruire son univers et pour tenter de mettre du sens dans sa vie, qui n’en avait plus beaucoup. La pratique du dessin devient alors pour lui l’outil de l’ouverture et du contact, un outil qu’il appréhende sous plusieurs formes. Celle du Design avec l’apprentissage de techniques objectives qui lui permettent de concevoir de nouvelles formes à partir d’éléments concrets (chiffres, statistiques). Et celle plus spécifique aux Beaux Arts où il apprend à traduire le réel. Il lui a cependant fallu beaucoup de temps pour arriver à affronter sa petite valise fondamentale issue de l’enfance, à savoir le climat de violence et guerre dans lequel il a passé ses dix premières années. C’est dans la peinture figurative qu’il trouve la forme à ses yeux la plus juste pour faire remonter cet imaginaire et ce vécu. Mais une figuration abstraite où il abstrait de son quotidien, qu’il représente, un détail du présent, de la vie “tout de suite” qui lui rappelle le memento mori de son enfance.
Lorsque des scènes de guerre vieilles d’un quart de siècle (Iran-Irak 1980-88) n’investissent pas la toile et que “la vie simple et tranquille” semble pour recouvrer ses droits, il s’y glisse un détail qui la menace ou la dément. Rien ne peut faire que ce qui été n’ait pas eu lieu et que la mémoire des vivants n’en soit pas hantée, lui écrit Pierre Bergounioux.

Sépànd Danesh a récemment été sélectionné pour le Salon de Montrouge 2013.

Sépànd Danesh

Du 22 février au 23 mars 2013
Du mercredi au vendredi 14h30 à 19h
Le samedi de 10h à 19h

Vernissage le jeudi 21 février 2013 à partir de 18h

Galerie Nivet-Carzon
2, rue Geoffroy l’Angevin
75004 Paris

www.nivet-carzon.com

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