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Entretien avec Starr Figura, commissaire de « Gauguin: Metamorphoses » au MoMA de New York

11 avril 2014
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Entretien avec Starr Figura, commissaire de « Gauguin: Metamorphoses » au MoMA de New York

Le 11 avril 2014

Dans le cadre de l’exposition « Gauguin: Metamorphoses » qui se déroule jusqu’au 8 juin au Museum of Modern Art (MoMA) à New York, AMA a rencontré la commissaire principale, Starr Figura, afin d’en savoir plus sur cette rétrospective, qui comprend environ 150 travaux et se concentre sur les gravures rares de l’artiste et ses transferts de dessins.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours et sur cette exposition consacrée à Paul Gauguin ?

Je travaille comme curatrice des dessins et gravures au Museum of Modern Art depuis plusieurs années. Je suis une spécialiste des œuvres sur papier, tout spécialement les gravures. Je cherche vraiment à mettre en contact ces travaux avec un public qui en est peu familier. J’aime penser que je peux les rendre aussi palpitants à leurs yeux qu’ils le sont aux miens. J’essaye toujours de les rendre aussi fascinants que possible. L’exposition est dédiée à Paul Gauguin, un artiste connu comme un peintre brillant. Mais, il s’est adonné à d’autres techniques, comme la sculpture, et aussi des travaux incroyablement expérimentaux sur papier. Je pourrais dire qu’ils sont encore plus radicaux et inventifs que ses toiles les plus célèbres.

Qu’est-ce qui vous semble particulièrement intéressant à propos des gravures de Gauguin et ses transferts de dessins ?

Je cherche continuellement des histoires majeures dans l’histoire des arts graphiques durant la période moderne. J’avais le sentiment qu’une de ces histoires n’avait pas été racontée par le MoMA, c’était celle de Gauguin et montrer à quel point ces œuvres importantes sont intrigantes et vraiment primordiales. Selon mon point de vue, ses estampes marquent un tournant pour les arts graphiques, tout particulièrement ses gravures sur bois. Cela a influencé des artistes tels que Munch, les expressionnistes allemands, et même Picasso. Mais, j’avais également connaissance des transferts de dessins inhabituels que Gauguin avait réalisés. Même en le sachant, je les avais vus très rarement. J’ai donc pensé qu’en plus d’être enrichissant de mettre l’accent sur ces œuvres, cela serait aussi inédit. Donc, j’ai proposé de monter une exposition mettant en lumière ces travaux. Plus je les regardais, plus je constatais que la fenêtre sur le processus créatif de l’artiste qu’ils formaient était plus significative que ce dont j’avais eu l’intuition dans un premier temps. C’est à ce moment-là que le titre « Metamorphoses » entre en jeu. La méthode de Gauguin était de se consacrer inlassablement aux mêmes motifs et sujets, dans de nouveaux travaux, à travers de nouveaux médias, qui lui permettaient d’évoluer et de se métamorphoser au fil du temps.

Qu’est-ce qui donne le caractère exceptionnel à ces travaux de Gauguin, outre le fait qu’ils sont si rares ?

Ils sont tous uniques, notamment les gravures sur bois. Gauguin a modifié sa manière de peindre pour chacun d’entre eux. Il a fait varier la pression, changé les couleurs. Cela explique pourquoi ses œuvres sur papier ne sont pas interchangeables, contrairement à la plupart des estampes. En règle générale, l’artiste les répète. Dans le cas présent, elles sont toutes singulières.

Comment avez-vous obtenu des pièces aussi remarquables ? Est-ce difficile d’obtenir ce type de prêts ?

C’était une véritable démarche de localiser les œuvres et d’obtenir les prêts. Évidemment, ses peintures et ses sculptures sont connues. Cela n’a pas présenté de difficultés particulières de les trouver. Néanmoins, étant donné leur fragilité et leur valeur, ainsi que le fait qu’elles sont très demandées, leur prêt n’a pas été simple. Dans l’ensemble, pour trouver ces œuvres, j’ai voyagé à travers les États-Unis et l’Europe, où j’ai visité un certain nombre de collections privées et de musées, examinant et étudiant les travaux avant d’en faire la requête. Nous avons aussi essayé de chercher quelques-uns des rares transferts de dessins et monotypes, qui n’avaient pas été présentés depuis des décennies, et qui portaient la mention : « localisation : inconnue » dans différents catalogues. Nous avons finalement été capables de trouver la trace de pièces qui avaient été tenues loin des regards depuis un long moment, c’était assez excitant.

Diriez-vous que la fin de la carrière de Gauguin, la plus tourmentée, est particulièrement mise en valeur au sein de l’exposition ?

Oui. Elle couvre les quatorze dernières années de sa vie, de 1889 à 1903, période qui a été l’apogée de sa carrière, qui fut relativement courte. Elle débute avec certaines de ces gravures réalisées en 1889, avant son départ pour Tahiti. Le reste de l’exposition se concentre sur les années polynésiennes. Le travail sur papier, et même les sculptures, pointe certainement une facette plus obscure de l’artiste. En fait, il émerge de l’exposition l’idée que Gauguin était un homme et un artiste beaucoup plus compliqué que ce que les gens pensent, en règle générale. Le mystère et l’obscurité transparaissent de ces œuvres. Elles dénotent une profonde dimension psychologique.

De quelle manière et dans quelle mesure, le travail de Gauguin exerce-t-il une influence à l’heure actuelle ?

Je crois réellement qu’il était un véritable pionnier. Ses œuvres ont été séminales pour la génération des modernistes (Picasso, Matisse, les expressionnistes, etc…), mais elles ont aussi résonné tout au long du XXe siècle et même au XXIe. L’exposition tend à démontrer que sa pratique, au travers des différents médias qu’il utilisait, semble extrêmement contemporaine. Je connais des artistes qui sont venus la visiter et qui y ont trouvé une source d’inspiration.

Est-ce que l’exposition va être proposée dans d’autres musées ?

Non, ce ne sera pas le cas, en raison de la fragilité et de la délicatesse des travaux.

Quels sont vos projets ? Y a t-il une exposition que vous aimeriez organiser ?

Je ne peux pas réellement répondre à cette question. J’ai certaines idées dans un coin de ma tête, mais rien de réellement défini pour le moment !

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