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L’Arte Povera… et après ? Quel futur pour la scène italienne ?

31 octobre 2014
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L’Arte Povera… et après ? Quel futur pour la scène italienne ?

Le 31 octobre 2014

Alors que les deux capitales de l’art en Europe, Londres et Paris, célébraient le succès de leurs foires respectives, la Frieze et la FIAC, un nouvel acteur s’est glissé au premier rang du marché de l’art international : l’Italie. Avec un marché domestique relativement restreint, les galeries ita-liennes cherchent de nouvelles opportunités hors d’Italie, attirant l’attention du public au sein des autres places européennes.

Les œuvres italiennes bénéficient d’une immense popularité auprès des collectionneurs, totalisant respectivement 27,6 M£ et 41,4 M£ lors des deux ventes d’art ita-lien organisées par Christie’s et Sotheby’s à Londres au cours du mois d’octobre. De plus, un grand nombre de galeries consacre des expositions à l’art contemporain italien, profitant de la vague d’intérêt pour ce genre. Cependant, les strictes régulations sur les conditions d’exportation des œuvres d’art étouffent la croissance du marché domestique. Selon Katy Barnato de CNBC, le système « aurait besoin de changement de tout urgence » pour que l’Italie puisse continuer à profiter de sa production artistique.

La surreprésentation de l’Arte Povera

Bien que la production artistique italienne ait toujours été florissante au fil de l’histoire, le marché y est relativement restreint, à l’inverse d’autres marchés européens, Londres en tête ; les œuvres d’art considérées comme des « trésors nationaux » ne sont pas autorisées à quitter le sol italien de manière permanente et toutes les œuvres peintes créées il y a plus de cinquante ans requièrent une autorisation officielle afin de passer la frontière. Le Financial Times annonce qu’aujourd’hui « l’une des parts les plus fortes du marché de l’art italien est occupée par l’art italien des années 1950 à 1960 », représentée essentiellement par les très populaires artistes du mouvement de l’Arte Povera (de 1967 à 1972).

Leurs œuvres sont sur le point d’entrer dans la catégorie des pièces de plus de cinquante ans et seront bientôt frappées par les régulations évoquées plus haut, limitant leur liberté d’exportation, faisant ainsi largement baisser leur valeur. Selon The Art Newspaper, de telles œuvres perdent en moyenne 70 à 80% de leur valeur du fait qu’elles ne peuvent plus être vendues sur le marché in-ternational. Outre l’impossibilité de vendre de telles pièces, ces « trésors nationaux » sont proté-gées par des restrictions contrôlant leurs déplacements, si bien que les commissaires d’expositions internationales peinent de plus en plus à faire entrer des œuvres italiennes dans leurs expositions temporaires. Tout ceci laisse à croire que les œuvres d’Arte Povera toujours présentes sur le sol italien pourraient subir le même sort, limitant leur visibilité à ceux qui sont en mesure de voyager jusqu’en Italie pour les admirer.

Dans une récente interview accordée à AMA, Lorenzo Ronchini, galeriste italien basé à Londres, a exprimé ses inquiétudes quant au manque de foi et de confiance que les collectionneurs italiens placeraient dans leur marché domestique. Néanmoins, Barnato cite dans son article le pronostic de Philip Hoffman, directeur général du Fine Art Fund Group : « La libéralisation des lois d’exportation pourrait voir l’explosion du marché de l’art italien, jusqu’à plus de 10 milliards de dollars par an. »

Le marché de l’art contemporain ? Peut mieux faire.

En revanche, le marché de l’art contemporain italien (tout du moins pour ce qui concerne les œuvres d’art du XXIe siècle) connaît des régulations plus souples, plus libérales, mais pour le mo-ment ce marché n’a pas encore décollé. Alessia Zorloni explique dans un article de l’International Journal of Arts Management que « l’Italie a une tradition d’indifférence et de laisser-aller à l’égard de l’art contemporain », ce qui se traduit par le manque de jeunes artistes italiens représen-tés dans les ventes aux enchères ; « Alors que certains artistes italiens ont acquis une reconnais-sance internationale, les musées italiens ont fait bien peu de choses pour promouvoir leurs travaux, ou pour les aider à s’installer », continue-t-elle. Cela peut paraître surprenant pour le pays qui ac-cueille le plus célèbre événement international dédié à l’art contemporain, à savoir la Biennale de Venise. Cependant Chiara Repetto, de la galerie Kaufman Repetto, confirme que « pour les ar-tistes plus jeunes, nous manquons un peu d’organisation … en ce qui concerne l’art contemporain, on peut mieux faire. Si l’on prend Milan, d’où je suis originaire, par exemple, on n’y trouve pas de musée d’art contemporain à proprement parler. » Certains commentateurs évoquent ce qui serait en quelques sortes le revers de la médaille de l’importance historique de l’Italie en matière d’art et de culture. À l’inverse, on accorderait trop peu d’importance à la production contemporaine.

L’infrastructure du secteur contemporain laissant quelque peu à désirer, partout ailleurs en Europe l’attention se porte en conséquence sur les artistes d’après-guerre des années 1950 à 1970 ; pen-dant les susdites ventes londoniennes d’art italien, des ventes records ont été réalisées pour dix artistes chez Sotheby’s, avec 48 lots adjugés sur les 49 mis en vente. Cette vente représente la meilleure vente d’art italien de l’histoire pour Sotheby’s : « Les prix ont été multipliés par huit pour les ventes d’art italien du XXe siècle au cours des quinze dernières années» rapporte Blouin Art Info. Achrome de Piero Manzoni était la pièce qui s’est vendue le plus cher de toutes, cédée pour un total de 12,6 M£ (prime de l’acheteur incluse), tandis que son contemporain, Lucio Fon-tana, a vendu 20 lots sur 20 sur offre. Ces deux artistes, associés au mouvement spatialiste fondé en 1947, sont considérés comme les précurseurs de l’Arte Povera, deux genres qui jouissent ac-tuellement d’une grande popularité sur le marché de l’art.

L’importance renouvelée de ces deux artistes est sensible à travers les résultats obtenus lors de ventes aux enchères, mais aussi par le biais d’expositions célébrant les deux grands événements culturels auxquels ces artistes ont pris une part active, et même décisive, parmi lesquelles : « AZIMUT/H. Continuità e nuovo » à la Collection Peggy Guggenheim de Venise, « Zero: Countdown To Tomorrow, 1950s–60s » au Solomon R. Guggenheim Museum de New York, ou encore l’exposition dédiée à Fontana qui a recueilli un immense succès cette année au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris. Mollie Dent-Brocklehurst, la directrice de la Pace Gallery de Londres, a récemment expliqué à AMA que le goût actuel pour l’art italien s’est éveillé grâce à cette prolifération d’expositions dédiées à l’Arte Povera, rappelant en outre l’importance de Caro-lyn Christov-Bakargiev, spécialiste de ce mouvement et commissaire de l’exposition dOCU-MENTA (13) qui s’est tenue en 2012, qui a joué un véritable rôle initiateur en relançant cette ten-dance.

« La fièvre acheteuse » pour l’art italien d’après-guerre

Pace London soutient également cet engouement pour l’art italien avec leur exposition actuelle, dédiée au fondateur de l’Arte Povera Mario Merz. Cette rétrospective est à marquer d’une pierre blanche, puisqu’il s’agit de la première exposition organisée par une des premières galeries britan-niques à mettre à l’honneur le travail de cet artiste depuis plus de vingt ans. Les œuvres réunies dans cette exposition retraçant les travaux de l’artiste des années 1960 jusqu’à 2003 ; Dent-Brocklehurst déclare qu’il « était temps de ramener cet artiste à Londres. » Parmi les autres gale-ries qui affichent actuellement leur confiance dans l’art italien, on peut citer : la Luxembourg & Dylan gallery, qui accueille les travaux de l’artiste d’après-guerre Alighiero Boetti (1940-1994), dont sa série i Colori, qui comprend les monochromes fondateurs ROSSO GILERA 60 1232 et ROSSO GUZZI 60 1305 ; ou encore la galerie Robilant + Voena qui expose un ensemble de trente pièces réalisées par Paolo Scheggi (1940-1971), revenant sur la collaboration entre l’artiste et Azimut/h et « l’Arte programmata » dans le Milan d’après-guerre. La galerie Tornabuoni Arte, qui essaime quant à elle ses espaces entre Florence, Milan, Forte dei Marmi, Portofino, Paris et Londres, a proposé à la FIAC 2014 un stand exclusivement dédié à des artistes italiens, organi-sant en parallèle de cette manifestation une rétrospective de l’artiste Turi Simeti dans leur galerie parisienne.
L’art italien d’après-guerre exerce donc actuellement un attrait irréfutable sur les collectionneurs internationaux ; mais cette « fièvre acheteuse » est-elle nourrie uniquement par ce qu’on pourrait considérer comme la date d’expiration de ces œuvres d’art italien créées au milieu du XXe siècle, ou plutôt l’urgence de les faire sortir d’Italie avant qu’il ne soit trop tard ? On en revient donc à l’analyse de Phillip Hoffman, qui prédit que le marché de l’art italien, qui représente actuellement 1% du marché de international selon le rapport TEFAF 2014, pourrait bien exploser en un temps somme toute très court, si ces régulations venaient à être assouplies. Si le facteur d’urgence tem-porelle joue certainement un rôle dans l’engouement général, résultant dans cet emballement des ventes, il faut aussi remarquer que l’art de cette période, et plus particulièrement l’Arte Povera, est intimement lié à ses contemporains de l’avant-garde internationale, c’est-à-dire aux mouvements du dadaïsme, de l’Op Art, ou encore du Nouveau Réalisme, de même qu’il continue à inspirer les YBA (Young British Artists).

Il est donc impératif que ces œuvres demeurent accessibles pour les prochaines générations, tant dans le domaine de l’art que de l’histoire de l’art. Cependant, l’Italie devant faire face à la pers-pective peu réjouissante d’une économie qui bat de l’aile, on imagine aisément qu’un certain profit pourrait être tiré de la vente des chefs-d’œuvre des maîtres italiens anciens et modernes — pour-tant si importants pour l’identité et l’héritage culturels du pays, tentation à laquelle il pourrait être difficile de résister pour certains collectionneurs ; les défenseurs de cette loi affirment donc qu’il s’agit simplement de protéger le riche patrimoine culturel italien.

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