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La lumière comme objet d’art : entretien avec Didier Krzentowski

14 janvier 2015
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LaLuceVita

La Luce Vita. Luminaires français et italiens des années 50, 60 et 70

Du 14 janvier au 6 mai 2015

Vernissage le mercredi 14 janviere 2015

Galerie Kreo
31 Rue Dauphine
75006 Paris
M° Saint-Michel

www.galeriekreo.fr

Avec sa rétrospective « La Luce Vita, luminaires français et italiens des années 1950, 1960 et 1970 », la galerie Kreo met à l’honneur les designers qui ont créé une des plus belles pages du design du XXe siècle. De Pierre Guariche à Robert Mathieu en passant par l’incontournable Gino Sarfatti, ce véritable panorama de l’histoire du luminaire sera présenté à Paris du 14 janvier au 6 mai et à Londres du 15 janvier au 28 mars. À cette occasion, AMA est parti à la rencontre du serial collectionneur et directeur de la galerie, Didier Krzentowski.

Votre prochaine actualité est une grande rétrospective de luminaires, « La Luce Vita »…

C’est la première fois dans le monde qu’on montre 160 lampes dans un endroit, des années 1950 à aujourd’hui. C’est du jamais vu, aucun musée ne l’a fait dans le monde. Les lampes seront à vendre, ce sont donc des doublons de ma collection. La scénographie est signée Bruno Rousseaud. Il travaille avec nous depuis toujours. C’est un artiste brillantissime dans ce domaine. C’est très complexe de montrer des lampes, alors 160 lampes à Paris et une quarantaine à Londres… J’ai hâte de la voir.

Justement cette exposition mettra en avant votre collection, comment en êtes-vous venu à collectionner ?

Une collection c’est un peu comme une névrose. Le Musée d’art moderne de la ville de Paris a organisé, il y a 15 ans, une exposition sur les collectionneurs d’art, « Passions Privées ». Certains collectionneurs étaient des psys et ils disaient qu’effectivement collectionner est une névrose. J’ai commencé à 7-8 ans, je collectionnais alors des portes-clés, des buvards… Collectionner, c’est comme un puzzle. Quand vous avez terminé, vous changez de puzzle. Dans l’art, une collection, c’est aussi un portrait puisqu’on cherche des choses qui nous reviennent.

Je suis arrivé par hasard à l’art contemporain. Alors vous me direz pourquoi l’art contemporain et pas l’art moderne ? Quand j’ai commencé, j’étais jeune et je n’avais pas les moyens de collectionner autre chose que des choses de très jeunes artistes. Ma première grosse collection d’art contemporain, c’était il y a 20 ans et le « criant » de l’époque, c’était la photographie. J’ai acheté la première exposition de Nan Goldin, 50 dollars la pièce. Et puis je suis arrivé aux luminaires. Collectionner les chaises m’intéressait, mais j’ai vu que Vitra avait une collection beaucoup plus importante que la mienne alors que dans les luminaires, il n’y avait personne. Cela m’amusait. J’ai commencé avec le design français et italien, Pierre Paulin, Pierre Guariche et puis Gino Sarfatti. Pourquoi Sarfatti est-il le plus grand ? Parce qu’à chaque fois qu’une nouvelle ampoule est arrivée sur le marché, c’est toujours lui qui était le premier à faire au moins un luminaire avec.

Quels sont les critères de choix pour votre collection ?

Je commence à regarder quand je ne comprends pas. Quand je ne comprends pas, je me pose des questions. Dès qu’on aime, le plus souvent, c’est qu’à l’intérieur, on a déjà intégré l’image. Alors que quand on est choqué, c’est qu’on ne l’a pas intégrée. Comme c’est mon domaine, il est rare que je n’intègre pas, donc, je fais attention. Quand j’aime quelque chose tout de suite, ça me fait peur. Mais attention, une collection, il faut toujours la cadrer sinon vous n’arrêtez pas.

Vous parlez de ce qui détonne, aujourd’hui beaucoup de pièces sont des classiques revisités…

De 1950 à 1960, tout se voulait industriel. Les pièces existaient donc en 400-500 exemplaires, pour celles qui se vendaient bien. Celles qui ne se vendaient pas, il y en avait cinq ou dix. Un point important, c’est que de toute façon quand vous inventez, il n’y a pas de public. Les bijoux, les voitures, les montres, les grandes innovations du design ont été créées par l’industrie des années 1950 à 1970. Je ne parle pas de technologie, mais juste de design. Les créateurs de l’époque étaient des gens de produits. En 1975-1980, ces personnes ont été remplacées par des financiers. Nous sommes dans une période où tout doit marcher tout de suite et pour ça, il faut que l’œil s’habitue, il ne faut pas être choqué donc on remixe tout. C’est le familier qui fait qu’on n’a pas peur. Jonathan Ive, le designer d’Apple le dit lui-même, il ne fait que des références à Dieter Rams qui dessinait les produits Braun et ce, jusqu’au code couleur.

Art et design sont souvent très associés, qu’en pensez-vous ?

Je ne fais pas la confusion entre art et design. Il peut, en effet, y avoir des résonances. J’ai même fait une exposition, il y a deux ans, avec Marcel Brient où on montrait de l’art, du design et des manuscrits… Marcel Brient est notre plus gros collectionneur. Il a aussi une vraie névrose de la collection, entre celles dont il a hérité et celles qu’il fait lui-même. J’aime bien faire travailler des gens différents, car les gens de l’art sont assez fermés. Le design, c’est très simple. C’est se demander comment avancer par rapport à une période, en pensant toujours à l’usage. La différence entre le design et l’art est là. Dans l’art, il n’y a pas de contraintes, dans le design, il y a la contrainte de l’usage. Les innovations liées à des besoins précis font le design.

Votre activité se répartit entre galerie et édition…

Nous sommes la seule galerie dans ce domaine d’activité au monde. La galerie comprend deux parties. Une partie luminaire vintage où sont vendus les doublons de ma collection et une partie contemporaine avec aussi bien des meubles que des luminaires.

La partie édition ne concerne que les créateurs contemporains. Nous sommes la galerie de Japser Morrisson, François Bauchet, Pierre Charpin, des frères Bouroullec… Dans le Top 10 des 100 « powerful designers » de Wallpaper, nous en avons huit dans la galerie. Les pièces sont éditées en petite quantité car elles sont plutôt compliquées à faire, les œuvres peuvent donc aller de 4.000-5.000 € à 100.000 €. Nous les produisons en général en 12 exemplaires, 8+2+2, comme une sculpture et le public est composé de collectionneurs, de musées, d’institutions. En fin de compte, tout le monde collectionne des luminaires car, chez vous, c’est la seule chose pour laquelle vous avez toujours une place. C’est d’abord pour s’éclairer, mais c’est aussi magique, la lumière.

Où allez-vous chercher les créateurs et qu’est-ce qui vous décide à les éditer ?

Les créateurs que l’on a déjà, au début, je ne les comprenais pas. Ce sont des gens en avance par rapport à tout. Ensuite, quand vous avez les cinq ou six grands noms, les autres ont envie de rentrer dans la famille. Dans tous les pays, ils savent où nous trouver et nous pouvons leur dire oui ou non. Je vois beaucoup de choses, il y a plein d’écoles dans tous les pays où nous intervenons donc quand un créateur sort des normes, on le voit. Les gens qui sortent des normes, c’est quand même rare.

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