0 Shares 4232 Views

Augustine – drame d’Alice Winocour

20 novembre 2012
4232 Vues
Augustine - drame avec Vincent Lindon et Chiara Mastroianni

 
Fin du 19ème siècle, le professeur Charcot, père de la neurologie moderne, est confronté à une patiente peu ordinaire, Augustine, qui souffre de crises d’hystérie singulières où se mêlent tremblements classiques et contorsions impressionnantes mais aussi une érotomanie qui va rapidement intriguer le scientifique dont la vie intime affiche un électroencéphalogramme désespérément plat. 

La magistrale première séquence montre la servante Augustine en proie à une souffrance qu’elle ne parviendra pas à cacher malgré l’aréopage de notables invités à la table de ses maîtres. La possible explication de ce mal est suggéré selon deux hypothèses (la vue d’un crabe mourant dans l’eau bouillante et le regard furtif et concupiscent d’un convive), semant dans l’esprit du spectateur doute et incompréhension. Tout le reste du film naviguera entre ces deux polarités. 

Mais là où le propos, parfaitement bien cerné grâce à un scénario au cordeau, aurait pu déraper vers une énième fiction sur les rapports ancillaires (après Les Sœurs Papin et La Cérémonie tout a déjà été dit ou presque) ou pire encore sur une histoire d’amour basique entre le patient et le praticien, il parvient à afficher une réjouissante originalité grâce à une emprise historique clairement assumée. Il justifie ainsi cette observation quasi clinique des méthodes médicales de l’époque, lesquelles renvoient inévitablement vers cette incompréhension évoquée plus haut. Nous sommes aux balbutiements de la neurologie, les condamnations au bucher pour sorcellerie ne sont pas si lointaines et le rationalisme médical peine à se faire entendre.

Alice Winocour, dont Augustine signe l’entrée dans la cour des grands (ou tout au moins des longs), est parvenue à un très juste équilibre entre ces composantes, fictionnelle et historique, en en soignant tous les détails. Le remarquable travail notamment sur les costumes souligne le terrible emprisonnement du personnage dans ce qu’il est devenu, un phénomène théâtral que l’on n’hésite d’ailleurs pas à comparer à des comédiennes de l’époque. Il en va de même avec les décors, particulièrement soignés et cadrés comme de véritables tableaux. Quant à la passion qui se fait sentir entre les deux protagonistes (justifiée aussi par l’évidente frigidité de l’épouse du professeur) elle se pare de toute la pudeur nécessaire, se lit au détour d’un regard sans franchir le cap de la parole, qui elle, reste austère, cassante, barrière sociale oblige.

Nous retrouvons, quelques semaines après le sublime Quelques heures de printemps, un Vincent Lindon particulièrement inspiré dans le rôle de Charcot. Comédien caméléon à la filmo quasi parfaite, il parvient à nous surprendre encore. Sombre et sobre, autoritaire mais laissant évader des failles béantes, il livre une composition où parlent les regards lorsque les mots n’ont qu’à se taire. La réalisatrice, qui avait songé au départ à Benoît Poelvoorde pour ce personnage, a eu la très bonne idée de lui adjoindre la chanteuse Soko qui campe le rôle-titre avec tout ce qu’il faut d’effronterie pour ne jamais susciter l’empathie. L’austérité de ce film, rehaussée par la présence de la toujours impeccable Chiara Mastroianni, en agacera plus d’un mais son indéniable beauté plastique et ses qualités d’écriture le hissent immanquablement vers le prix d’excellence. 

Franck Bortelle

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=bIS9ekzIz9E[/embedyt]

Festival du Film Francophone d’Angoulême 2012 (du 24 au 28 août)

  • – Nomination : Valois d’Or et Valois Magelis

Festival de Cannes 2012 (du 16 au 27 mai)

  • – Nommé Caméra d’Or

Semaine Internationale de la Critique 2012 (du 17 au 25 mai)

  • Séances spéciales

Augustine 

D’Alice Winocour

Avec Vincent Lindon (Professeur Charcot), Stéphanie Sokolinski (Augustine), Chiara Mastroianni (Constance Charcot), Olivier Rabourdin (Bourneville), Roxane Duran (Rosalie), Lise Lametrie, Sophie Cattani et Grégoire Colin

Durée : 101 min.

Sortie le 7 novembre 2012

A découvrir sur Artistik Rezo :
– les films à voir en 2012

Articles liés

« Moman ! Pourquoi les méchants sont méchants ? » une fable lumineuse de Jean-Claude Grumberg
Spectacle
229 vues

« Moman ! Pourquoi les méchants sont méchants ? » une fable lumineuse de Jean-Claude Grumberg

A la Scala de Paris, Jean-Claude Grumberg a choisi de confier à Noémie Pierre cette courte pièce en forme de dialogue ininterrompu entre un fils et sa mère. Clotilde Mollet et Hervé Pierre, les parents de la metteure en...

Marie Desroles débarque avec son One Woman Show “C’est que de l’amour” au Théâtre des Mathurins !
Agenda
94 vues

Marie Desroles débarque avec son One Woman Show “C’est que de l’amour” au Théâtre des Mathurins !

Dans un monde où l’amour semble rare, Marie Desroles offre plus qu’un simple stand-up : une bulle d’humanité. Son spectacle, sincère et percutant, aborde des sujets délicats avec autant de fermeté que de douceur. … parce que dans ce...

Morgane Imbeaud annonce la sortie de son nouvel album “The Lake” et dévoile un second single “Seule”
Agenda
113 vues

Morgane Imbeaud annonce la sortie de son nouvel album “The Lake” et dévoile un second single “Seule”

Morgane Imbeaud, ex membre du duo à succès COCOON avec qui elle a vendu plus de 300 000 exemplaires en deux albums, revient à ses premiers amours… une pop teintée folk toute en douceur, co-écrite et co-composée avec le...