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Basquiat – musée d’Art moderne de la ville de Paris

24 novembre 2010
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Jean-Michel Basquiat, le peintre et James Van der Zee, le photographe : deux afro-américains pour une célèbre photographie, celle qui fait figure d’affiche pour l’exposition rétrospective de Basquiat au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Un mythe autant qu’un symbole : Un jeune artiste noir dans son atelier, coiffure hirsute, costume-cravate taché de peinture, pieds nus, pinceau à la main, assis devant ses œuvres… La fierté affichée, un petit côté dandy, au mépris des conventions sociales. Nous sommes en 1985, Jean-Michel à 25 ans, le succès est là, la photographie parue dans The New-York Times Magazine en témoigne.

Pour le cinquantième anniversaire de sa naissance, cette rétrospective est une occasion exceptionnelle de nous immerger dans le New-York des années 80, à travers l’œuvre si emblématique de l’artiste décédé en 1988. Deux films, à cet égard, complètent notre vision des choses : The Radiant Child de Tamra Davis et Downtown 81. Ce dernier, tourné durant l’automne -hiver 1981 avec Basquiat en guest star est un riche témoignage de l’époque où encore inconnu, l’artiste taguait les murs délabrés de la cité de ses aphorismes énigmatiques et contestataires signés SAMO (The SAMe Old shit).


SAMO

Artiste autodidacte, poète, l’art de Jean-Michel Basquiat traduit très tôt ces préoccupations existentielles. Comment se construire une identité en tant qu’afro-américain dans un monde historiquement dominé par les blancs ? De cette sensibilité exacerbée l’artiste va dégager un art original, aux confluences d’imprégnations multiples. Revisitant le pseudo-primitivisme du premier modernisme (Picasso, Matisse, Kirchner…) et rejetant l’intellectualisme froid des années 70 (Kosuth, Broodthaers…), il crée son propre primitivisme, à travers une iconographie personnelle nourrie de l’histoire de ses origines croisées à celle de l’Amérique contemporaine. L’adolescent curieux et inventif, logiquement déçu par le monde, épouse les revendications contestataires du rap et du hip-hop. Le projet SAMO, devenu sa signature de graffeur, exprime dès lors son rejet d’une société matérialiste et hypocrite : « SAMO est tout, tout est SAMO, une religion sans pêché et bien d’autres choses encore ».

Le temps de devenir Artiste

L’entrée dans le monde de l’art de Jean-Michel Basquiat s’opère en juin-juillet 1980 lors de l’exposition collective « Time square Show ». A cette date « Samo is dead ». L’iroquois blond se coiffe de nattes rasta. La thématique urbaine (l’avion, la maison, la marelle, le policier) s’enrichit de l’iconographie de ces héros sportifs et musiciens ( Hank Aaron, Sugar Ray Robinson, Charlie Parker, Mills Davis…), figures emblématiques de l’Amérique qui, à l’aube des années 80 ne sait toujours pas s’accommoder d’un multiculturalisme consubstantiel à sa naissance.
L’écriture est, quant à elle, indissociable du travail pictural de l’artiste. Par sa présence visuelle, elle est image et sens. Elle procède de la même affirmation gestuelle que la couleur, tout à la fois élément structurel et élément de narration. Cette plongée dans un art brut dépourvu de toute affectation classique, cette illusion volontaire d’une « absence de talent », ce choix du matériau brut, s’aligne sur l’idée marxiste d’un monde de l’art asservit au capitalisme triomphant et dont il faut s’extraire en empêchant tout fétichisme. C’est bien l’ambivalence de ce raisonnement en regard du succès de sa peinture que Basquiat illustrera majestueusement avec la toile « Five Thousand Dollars » daté de 1982 (non exposée) et dont l’unique contenu thématisé est la valeur même de l’œuvre.
Un œuvre singulièr et éblouissanteà bien des égards pas toujours facile d’accès tant les tentatives discursives sont grandes. Sans doute est-ce la proximité des scènes artistiques dans le New York des années 80, ce mélange entre « high and low » culture dont Andy Warhol fut la figure emblématique, qui favorisa l’émergence d’un artiste comme Jean-Michel Basquiat. Toujours est-il que c’est bien dans cette décennie que se consolida le rapport nauséabond entre valeur marchande et valeur artistique. De l’idéalisme de Basquiat au cynisme de Andy Warhol, c’est encore ce dernier qui donne le ton : « être bon en business est le plus fascinant des genres artistiques » (the Philosophy of Andy Warhol)…

Karine Marquet

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=Vwd0uhzej6k[/embedyt]


A lire sur Artistik Rezo :
fréquentation record pour l’exposition Basquiat
Anaïd Demir – Le dernier jour de Jean-Michel Basquiat

Rétrospective Jean-Michel Basquiat

Jusqu’au 30 janvier 2011

 
Du Mardi au Dimanche de 10h à 18h
Nocturne le Jeudi de 10h à 22h
Fermeture le Lundi et les jours fériés
Exposition accessible aux personnes handicapées moteur et mobilité réduite.
Informations : 01 53 67 40 00
Tarifs: 11euros / 8 euros (famile nombreuse, chômeurs..) / 5,50 euros (13-26 ans) / gratuit pour les moins de 14 ans.

Musee d’Art Moderne de la ville de Paris

11, avenue du Président-Wilson
75016 Paris

M° Alma-Marceau ou Iéna

www.mam.paris.fr

[Visuel : Palais de Tokyo, Paris, abrite le musée d’Art Moderne de la ville de Paris et un centre d’art contemporain, février 2007. Travail personnel de Pline. Licence Creative Commons Paternité – Partage des conditions initiales à l’identique 3.0]

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