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Les Orients de Nabe

10 mars 2009
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Le 25 août 2004, Marc-Edouard Nabe écrivait en préface de son dernier ouvrage « J’enfonce le clou » : « l’actualité est la matière première des artistes, on s’intéresse toujours à la poésie de l’inactuel mais jamais à celle de l’actuel ». Une confidence sans rémission pour l’écrivain qui depuis, se concentre uniquement sur son roman de l’Epoque. Suivant le même principe, Nabe, le peintre, entreprend lui aussi sa reconversion en « témoin du temps » et se détourne des préceptes artistiques au profit du réel. Autrefois portraitiste de Léon Bloy, Antonin Artaud, ou Thelonious Monk, Nabe délaisse ses inspirations originelles pour « suivre l’actualité dans son scénario épuisant ». Une quête qui le mène aux confins du golf persique en Irak, en 2003, sur les pas de ces « nouveaux colons », yankees grotesques et européens pantins venus déloger le sunnite moustachu. Plus tard, il visite l’Iran des mollahs, des voiles et des téléphones portables, marche sur les cendres de Kaboul, assiste aux combats des libanais et des palestiniens, et revient encore sur sa terre de Byzance. De son périple, imaginaire ou pas, Marc-Edouard Nabe en exalte une nouvelle énergie inspiratrice, avec, pour double intention, de témoigner d’une réalité ignorée ou tronquée, et de dévoiler toute la lumière qui émane de ce chaos oriental.

 

Visions multiples

Plutôt que l’Orient, Nabe peint ses Orients, aussi disparates dans le temps que dans l’espace. Bien sur, il y eut le 11 septembre et les guerres américaines, prophétisées dans « Une lueur d’espoir » comme l’avènement du XXIème siècle. Et la fureur des boutefeux de succéder à l’exotisme apaisant, les ténèbres d’étouffer la lumière des minarets. Le contraste est saisissant. Ses portraits de joueurs de Ney à l’encre et pastel peints en 1992, ses danseuses orientales en aquarelle et ses marins grecs sous la lune de 1987 évoquent tous un passé voluptueux. Au dessus, trône le portrait du sultan à la fleur (Mehmet II), le despote éclairé règne sur son Empire déjà déliquescent. Et bientôt les conflits, l’Afghanistan, l’Irak, le Liban, la Palestine, Nabe construit son « nouvel Orient ». Au feutre il dessine ses moudjahidines afghans, guerriers de la foi affublés de mitraillettes et cartouchières, et ses cavaliers arabes, sabres levés et chevaux montés. Les traits, souvent urgents et imprécis, servent les expressions de ces anonymes, acteurs et victimes des conflits. Ainsi cette série de portraits féminins au marqueur, voilées de Téhéran ou simples passantes, les regards sombres et déterminés. La mort, figurée comme insidieuse, hante les tableaux de Nabe, dont un portrait terrifiant d’une mère en deuil.

 

Plus loin, la couleur renaît et irradie des gouaches de Christ rouge, vert et doré. Mais c’est finalement, en surplomb, le portrait de Jean Genet qui conclut l’exposition. Invoquant les figures de Soutine, Nabe peint l’écrivain au visage lourd, presque accablé. L’auteur de Quatre heures à Chatila semble se répéter indéfiniment cette phrase citée dans « J’enfonce le clou »: « Le monde occidental m’a piétiné. Il ne m’a pas convaincu. »

Romain Blondeau

 

Exposition du 6 au 24 Mars

Office de tourisme du Liban
124 rue du Faubourg-Saint-Honoré
75008 Paris

Métro : Champs Elysées-Clémenceau ; Concorde

 

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