0 Shares 2584 Views

Le salon du dessin contemporain – Bilan

30 mars 2010
2584 Vues
barthlmy_toguo

 

Le salon du dessin contemporain a été créé très récemment, et l’on peut légitimement se questionner sur cette désolidarisation du dessin par rapport aux autres arts, alors qu’il aurait tout à fait sa place dans d’autres foires plus éclectiques comme la FIAC. Le salon opère ainsi une redéfinition du dessin à l’ère contemporaine. Cette nécessité est due à l’évolution des techniques sans lesquelles ne peuvent se penser les arts manuels.


Dans un premier temps, attachons-nous aux dessins qui correspondent à l’idée qu’on s’en fait, c’est-à-dire des traits, le plus souvent tirés à l’encre ou au crayon à papier, qui reproduisent des formes figuratives. La galerie Slomka de Paris consacre ainsi son « pavillon » à des auteurs de bande dessinée, entre Tabary père d’Iznogoud, Uderzo, Moebius, Tardi et bien d’autres. On découvre par ailleurs des artistes au trait délicat comme Yannick Demmerle  qui fait naître ses têtes animales par un effleurement du papier. Fay Ku quant à elle  reprend la tradition des peintures chinoises de personnages avec des lignes claires, dans des compositions qui ne sont pas sans évoquer l’univers féerique du collectif 9e Concept.


Mais à mesure qu’on s’enfonce dans la jungle des stands, la définition  conventionnelle du dessin perd de son évidence première. Le critère d’emblée accepté de la figuration comme partie prenante du dessin est mise à mal avec des œuvres abstraites, comme celles de Christian Bonnefoi que l’on aurait tendance à qualifier de peintures. Les dessins de Zilla Leutenegger sont de leur côté associés à des projections qui complètent les traits manquants. Peut-on encore parler de dessin pour l’œuvre entière, ou faut-il dissocier le dessin et la projection sans avoir de mot pour désigner l’association des deux ? Yang Yongliang, considéré souvent comme un photographe, se revendique lui-même peintre, en référence, bien sûr, à la tradition dans laquelle il se place, mais aussi par son geste même d’artiste monteur de photogrammes. De même, les œuvres de Vera Molnar sont intitulées « Dessins d’ordinateur ». Peut-on encore considérer comme dessin une œuvre dont la main est informatique ?


Ces paradoxes sont radicalisés lorsque le dessin s’étoffe dans la troisième dimension et prend la forme de véritables sculptures. Ainsi les monolithes de Dominique Bailly à la School Gallery Paris. Le découpage suit un trait, reprend dans sa matérialité la métaphore de la ligne incisive du dessin. Cette dernière reste à l’état de suggestion dans les papiers froissés d’Edith Dekyndt, qui dans un autre travail matérialise aussi le trait par des aiguilles. Le trait en vient à être nié dans les œuvres de Barthélémy Toguo. Cet artiste en effet joue sur les lavis et l’évanescence des formes, la chair prend le pas sur les os. Plus qu’une forme délimitable, le dessin apparait alors comme une matrice, une essence de construction insaisissable, à l’origine de la plastique.


D’autant plus que le dessin n’est souvent pas le moyen d’expression habituel de l’artiste. Ainsi Philippe Ramette, que l’on connaît davantage par ses photographies où les modèles sont placées à l’envers par rapport au paysage. Cette relation entre le dessin à la photographie se retrouve par ailleurs chez Mohammed Bourouissa, dont les dessins très réalistes sont en fait des scènes préparatoires à ses compositions photographiques. Le dessin semble alors revendiquer sa primauté dans la création, et se définit comme essence même de l’art visuel.


Un salon qui se pose la question de la place du dessin dans l’art contemporain et ne cesse de surprendre par ses choix audacieux.


Viviane Saglier



www.salondudessincontemporain.com

du 25 au 28 mars 2010

Carrousel du Louvre

 

Articles liés

Le métissage et la spiritualité explorés dans “Krump et geste” pendant le festival Avis de Temps Fort !
Agenda
110 vues

Le métissage et la spiritualité explorés dans “Krump et geste” pendant le festival Avis de Temps Fort !

Nous avons inauguré, en décembre 2023, une rencontre entre krumpeur.euses et “gesteur.euses”. C’était passionnant : des discussions riches, des impromptus artistiques convaincants ! Nous continuons de creuser la question, à travers des formats courts – artistiques et pédagogiques –...

Synthétiseurs en ambient noctambule : “Ajasphere vol.II”, nouvel EP de l’ensorcelante AJA
Agenda
98 vues

Synthétiseurs en ambient noctambule : “Ajasphere vol.II”, nouvel EP de l’ensorcelante AJA

“Ajasphere vol.II” est un EP instrumental que j’ai composé entre 2022 et 2023. Chaque morceau est un univers à part entière, une bulle, une sphère. Ce sont comme des BO de mini films épiques. J’aimerais que cet album amène...

“Oui, je sais”, un one woman show de l’humoriste Olivia Moore à La Nouvelle Seine dès le 20 avril !
Agenda
87 vues

“Oui, je sais”, un one woman show de l’humoriste Olivia Moore à La Nouvelle Seine dès le 20 avril !

Après les succès de Mère Indigne puis Égoïste, l’humoriste Olivia Moore présente son nouvel opus “OUI, JE SAIS”. “Vous savez pourquoi vous êtes comme vous êtes, vous ? Moi non plus. Enfin, pour vous je ne sais pas, pour...