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Goxwa – Si les murs pouvaient parler… – Galerie Felli

2 juin 2009
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Peinture des origines

C’est à Malte, non loin de la petite rue très étroite nommée pour cette même raison « Strada Stretta » dans laquelle elle a grandi que Gowxa jouait enfant, à l’ombre des vestiges laissés là à l’abandon, avec des morceaux de pierre dont elle ne devinait pas encore la provenance mais dont on apprit plus tard, au terme de recherches archéologiques décisives, qu’ils étaient les fragments des murs les plus anciens que le monde ait vu se dresser sur la terre, des ruines de temples néolithiques datant de plusieurs milliers d’années, plus vieux encore que les imposantes pyramides d’Egypte. L’exposition de la Galerie Felli nous fait à son tour l’effet d’une découverte : à la manière d’un site dont on aurait exhumé des pièces témoignant du surgissement de l’Humanité, nous sommes en présence d’un commencement, sur les traces d’un temps dont on pourrait presque encore au loin entendre l’appel. Les toiles de Goxwa, réalisées à base d’un mélange de peinture à l’huile travaillé à la cire, reproduisent l’empreinte du temps, l’épreuve de son passage et donnent à ses peintures l’allure d’authentiques fresques telles que nous en ont laissé pour mémoire celles de l’Antiquité.

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Des toiles comme autant d’indices sensibles mettant sur la voie — sans destination — d’une intériorité profonde, la plupart du temps  refoulée. En témoigne la tonalité du diptyque « Ruin » dont les deux volets sont comme les deux battants d’une porte ouverte sur le monde. Représentation à la beauté inouïe d’une ville émergeant des eaux et surgissant de la fantaisie de l’artiste telle une vision à mi-chemin entre l’apparition en rêve d’une cité imaginaire dont nous serions incapables de désigner la terre d’appartenance – les paysages que nous avons devant les yeux ne sont pas plus maltais que vénitiens ou phéniciens – et la fulgurance d’un souvenir insistant dont les traits seraient dictés par une mémoire inconsciente. Cette ambiguïté troublant la frontière qui sépare l’extravagance de l’imagination de l’authenticité du souvenir vécu révèle autant la richesse de nos perceptions que la façon dont nous appartenons à une histoire dont nous n’aurions pas encore le langage, mais seulement l’image. Goxwa se souvient de cette lumière, nous la rend en nous la montrant, en nous la donnant à voir par nous-mêmes, sollicitant ainsi notre capacité à nous souvenir de ce que le temps, sans la peinture, aurait effacé : apprendre à voir. Tout est là.

Si les murs pouvaient parler

Fascinée depuis l’enfance par la couleur miel des murs de Malte, ces « témoins silencieux » dont elle a appris à déchiffrer les récits, Goxwa travaille ses toiles de façon à en retrouver l’épaisseur et la permanence. Les murs, confie-t-elle, sont comme des masques dissimulant et révélant tout à la fois les êtres vivants derrière eux. Traversant ses toiles, une déchirure de la matière à l’origine accidentelle, devenue signature singulière et répétée d’un style mature, précipite le vieillissement de la peinture, en approfondit les teintes ocre jaune et rouge, la rendant alors semblable à une fresque de Pompéi. Cette rature vient signer le bas de la toile comme pour signifier non seulement le passage mais aussi le passé du temps, son être révolu, le chemin à jamais barré qui biffe la possibilité d’un retour tout en libérant la voie du souvenir. L’espace de résonance ainsi créé, tendu entre l’inscription de l’artiste dans la modernité dont elle ne retient à vrai dire que l’héritage, c’est-à-dire ce qui résiste à l’épreuve de la nouveauté, et l’appel envoûtant d’un temps qu’elle n’a pas connu mais qui survit encore mystérieusement en elle ; cet espace propre à l’épanouissement d’un écho nous rappelle alors sans cesse au commencement où seul ce qui n’a pas cessé d’être peut revenir, nous revenir.

L’apostrophe muette

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Seuls les rares visages d’aujourd’hui qui ont le don de capturer la lumière et de ressusciter la beauté des figures d’hier ont vocation à devenir les modèles de l’artiste qui se dit elle-même fascinée par eux comme l’obsèdent encore les madones russes et les icônes byzantines. Le règne de tranquillité qu’installent la grâce et la majesté de ces visages de jeunes filles dont on perçoit à la naissance du cou l’expression encore virginale, laisse à penser qu’elles sont là chez elles de toute éternité et que c’est de là qu’elles nous adressent la parole, tels les portraits du Fayoum qui comme l’écrit admirablement Jean-Christophe Bailly, « nous regardent comme d’un lieu neutre qui ne serait ni la mort ni la vie, depuis un très lointain passé qui atteint presque par miracle notre présent ».

Cette adresse silencieuse, cette « apostrophe muette », encore faut-il l’entendre, encore faut-il accepter d’en perdre nous-mêmes la parole pour en retrouver enfin la mémoire.

Nora Monnet

A découvrir sur Artistik Rezo :
Exposition de Goxwa à la galerie Felli (octobre 2011)

Exposition de Goxwa

Du 28 mai au 20 juin 2009
Du mardi au samedi, de 11h à 13h, de 14h à 19h

Informations : 01.42.78.81.27

Entrée libre

Galerie Felli
127, rue vieille du temple
75003 Paris
M° St-Sébastien Froissart

www.galeriefelli.com

 

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