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Denis Meyers – interview

29 septembre 2017
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Denis Meyers Sacha Berthelemy Petremann, 14 ans et passionnée d’art urbain, s’est prêtée au jeu de l’interview et a rencontré Denis Meyers, street artiste belge, lors de sa visite à Art42.

Présentation : Denis Meyers est un graphiste et artiste belge. Je ne peux pas trop en dire plus car je l’ai rencontré à l’occasion du finissage de saison d’Art42 un ‘’musécole’’. C’est là qu’il faisait sa performance ; il célébrait l’accrochage d’une de ses toiles au premier étage. Quand l’artiste a fini, Nicolas Laugero Lasserre, le directeur, m’a proposé de faire son interview. Ce n’était pas du tout prévu, mais j’ai adoré relever ce défi : trouver des questions en 5min pour te permettre de mieux le connaître.

Anecdote : quand nous sommes arrivés dans une des salles de classe d’Art42, la performance avait déjà commencé et j’écoutais les visiteurs proposer leur mot : j’observais Denis Meyers les dessiner. Il n’avait déjà plus de place sur sa toile pour écrire et commençait à entamer le mur, quand une fille a proposé le mot gigoter. « Dans quel sens : faire un gigot ou bouger ? » a demandé Denis Meyers. Et moi, je regardais l’œuvre : que veut-il nous dire ? Se raconte-t-il une histoire avec tous les mots qu’il retranscrit ?
Réponse à la fin de l’interview.

Interview :

Pourquoi avoir accepté de venir réaliser une œuvre ici ?

Parce que j’ai été invité par Art 42 via Nicolas Laugero Lasserre. Je l’ai rencontré il y a un peu moins d’un an à l’île Maurice pour un projet qui s’appelle Metarmophosis et aussi parce que je travaille depuis 2 – 3 ans avec Fred Attax du projet Strokar : il y a un début de collaboration entre Art 42, Strokar et le centre Wallonie, un lieu géré par des belges en face du centre Pompidou.

Quel était ton idée pour cette œuvre aujourd’hui ?

J’ai une formation de typographe : la lettre c’est quelque chose que j’utilise tout le temps, de manière lisible, de manière illisible ça dépend un peu des moments et là ce que je trouve chouette dans ce contexte ci, c’est que je peux faire participer les gens qui sont là : quand ils me donnent des mots, je les écris, je les improvise, je les mets en forme selon mon humeur, selon l’intonation de voix de celui qui les propose. Ce n’est pas que ‘’un truc pour moi’’, c’est un instant que j’offre aux étudiants, tout en faisant participer les visiteurs de ce soir.

Mais justement comment expliques-tu le fait qu’il n’y ait quasiment que des verbes ? Je n’ai vu qu’un mot qui n’en était pas un : VLP, un collectif d’artistes présent ce soir d’ailleurs.

C’est vrai que je travaille beaucoup avec le verbe. Je trouve que le verbe, surtout à l’infinitif a plein de propriétés. C’est relativement neutre, même si ça a beaucoup de sens et les gens peuvent l’interpréter comme ils l’entendent, ils peuvent le conjuguer, ils peuvent le traduire, ils peuvent l’associer à d’autres mots, pour moi le verbe à l’infinitif a vraiment une très large portée.

Ok, tu t’es amusé ?

Oh bah moi quand il s’agit de peindre je m’amuse toujours, c’est une chance de pouvoir faire ce qu’on aime dans la vie.

Tout à l’heure tu parlais de ton écriture des mots selon l’intonation de voix des gens, je ne sais pas, là par exemple je n’ose même pas imaginer comment la personne t’as dit « aimer » !

Avec une forte voix, une voix très présente, alors je ne sais pas si c’était pour moi, je n’en sais rien, mais ça venait d’une demoiselle donc c’est encourageant. Sinon quand je travaille sur des projets participatifs comme je l’ai fait dans des écoles ou dans le cadre d’une bibliothèque, c’est clair que la timidité ou la manière dont les élèves sont extravertis ou motivés parce qu’ils ont envie de partager m’influence dans le choix de la couleur (bon là c’est en noir et blanc), de la taille, du caps aussi, il y a un caps qui est plus fin, un qui est beaucoup plus gros avec des coulées, il y en a un qui est un peu crachotant …

Un caps ?
Le caps c’est le bouchon qu’on met sur le dessus de la bombe et qui permet d’avoir plusieurs sorties. C’est comme si tu prenais un fin marqueur ou un gros marqueur.

Et « immortaliser », écrit aussi gros, aussi coulant…. Pourquoi ?

Parce que pour moi « immortaliser » est lié à la mort, il y a « mort » dedans, d’où ce côté coulant.

[ Un des visiteurs, en passant, nous dit : « Immortaliser c’était pour la photo, c’est pour ça ! ».]
[ Je ris, pas lui, et reprends ] …immortaliser, c’est la mort de l’instant.

Oui, non, pour moi, immortaliser c’est prendre l’instant justement pour qu’il ne meure pas, il est peut-être déjà mort, il est en train de mourir mais c’est pour garder une trace. Donc je l’ai fait très serré, très dense, très coulant voilà après c’est moi qui l’interprète comme ça, mais… mais voilà.

Non mais ça donne quelque chose de chouette !
Je n’ai pas d’avis la dessus ! [il rigole]

[ Ça me rappelle… C’est un souvenir personnel de quand j’étais plus petite : ma maman avait acheté des petits lettres en métal pour le scrapbooking (façon de décorer des albums, objet ou pièce d’appartement en accord avec le thème abordé) qui était encadrées et on avait formé le mot « GROOOAARRR » avec différentes tailles, différents encadrements, différentes typographie, etc. Mais… voilà pour moi aussi ]

Est ce que tu peux raconter rapidement le 25 000 m² en Belgique ?

En quelques mots parce que je pourrais en parler des heures… Alors c’est un projet qui s’appelle REMEMBER SOUVENIRS qui s’est fait dans un bâtiment voué à la démolition au cœur de Bruxelles. Pendant 18 mois tous les jours, quasiment tous les jours j’ai peint dedans, j’ai rempli entre 20 et 25 000m², quelqu’un m’a dit que c’était l’équivalent de plus de 15 terrains de foot, uniquement en noir à la bombe, à l’extincteur, au pinceau, au rouleau et j’ai peint du sol au plafond les fenêtres, les portes, les caves, les étages, l’extérieur, je n’ai pas peint tout le bâtiment parce qu’il m’aurait fallu encore quelques mois de plus. Mais c’était un projet très nouveau pour moi, un basculement dans ma vie parce que j’ai toujours été graphiste et artiste et je devais toujours faire l’un pour pouvoir faire l’autre, financièrement je veux dire. Là, j’ai pris la décision de me consacrer qu’à ce projet, à l’origine pendant 3 mois et puis c’est devenu 4, 5, 6, 7 et ainsi de suite jusqu’à 18 mois. Il ne devait pas y avoir de vernissage et puis il y en a eu un, on y espérait 500 personnes il y en a eu 2 700. On s’était dit qu’on allait ouvrir au public pour faire des visites guidées tout en se disant « si on fait 200, 300 visites ce sera déjà vachement bien » mais on en a fait 20 000. Quand on a fait le vernissage on s’est dit « peut-être qu’il y aura quelques articles » je crois qu’on a eu plus de 600 articles. Donc c’était un projet hallucinant, qui est très difficile à expliquer à quelqu’un qui ne l’a pas vu mais, c’était un mixte de mon ressenti, de mes émotions du moment, et quelques souvenirs que j’ai pioche dans les carnets dans lesquels je dessine chaque jour depuis 21 ans.

Un autre verbe à ajouter : minimiser [rires]
Ou remplir, ou finir.

Parce que le fait que vous attendiez 200, 300 personnes et qu’il y en a eu 20 000, que tu pensais peindre pendant 3 mois et finalement tu as peins pendant 18 mois etc. Vous avez minimisé
Ou relativiser.

Pour finir un défi : pourrais-tu faire une phrase, un texte, ce que tu veux en insérant le plus possible des mots qu’il y a sur ta toile ?
Je peux les conjuguer ?

Oui, bien sûr, tu fais comme tu veux.
Ah bah je peux mettre tous les mots alors. C’est parti :

Je n’imaginais pas, je n’espérais pas en arrivant ici immortaliser la participation des gens ce soir, j’ai voyagé pour transmettre une partie de ce que j’aime faire, j’espère que ça a plu, transcendé peut être pas, innové encore moins, je pense que c’est peut être encouragent, ça risque de passionner certaines personnes, j’ai vu que certaines personnes étaient ouvertes à l’échange, m’observaient, certains étaient en train de coder sur les ordinateurs… ça ne révolutionne pas l’art mais si ça a permis de se passionner sur ce sujet, pourquoi pas.

Sacha Berthelemy Petremann

Denis Meyers est à voir en ce moment au Centre culturel Bruxelles Wallonie.
Découvrez l’article de Marie-Fleur Rautou :
Expo STROKAR au CWB : Un quatre mains virtuose entre la photographie et le street art

[Crédits Photo 1 : © Denis Meyers]

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