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Sid : plastique & excentrique

24 septembre 2009
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Sidonie_Koch_1

 

Espace de création et de récréation

 

Sidonie Koch, « Sid » de son nom d’artiste, est une jeune femme exubérante dont l’univers kitsch et coloré est un espace peuplé d’une infinité de personnages au voisinage improbable. Certains d’entre eux lui sont immédiatement inspirés par l’actualité politique la plus récente, d’autres sont directement issus des bandes dessinées ou extraits de coupures de presse, quand ils ne sont pas tout simplement découpés dans les magazines de mode les plus feuilletés des grandes capitales européennes. Réelles, imaginaires ou symboliques : toutes ces figures de papier cohabitent, communiquent et composent les unes avec les autres dans l’univers fantasque de l’artiste qui, à l’évidence, est la première à s’en amuser.

 

Glissés ça et là, slogans trafiqués, aphorismes spontanés, traits d’esprit ou d’humour inspirés soutiennent le montage d’images et enrichissent le décor animé d’une base spirituelle tantôt provocatrice, tantôt sarcastique, toujours ouverte sur l’équivocité créée par la rencontre des mots et l’assemblage des images. Cherchant constamment à se renouveler et s’ingéniant toujours à pousser de nouvelles portes pour ouvrir de nouveaux arrières-mondes, l’artiste, éternelle insatisfaite, ne se repose pas sur ses collages : « Je voudrais faire des toiles plus trash, des œuvres moins lisses, moins propres, plus explicites. J’aurais besoin de plus d’espace pour faire exploser toute mon énergie. Je pense à un grand atelier dans lequel je pourrais laisser déborder toute cette fantaisie. Un endroit où il y aurait plein de pots de peinture par terre, des grands formats le long des murs et de gros morceaux de bois à partir desquels, en m’inspirant du travail de Basquiat, je pourrais récupérer puis détourner l’objet ordinaire au profit de la projection de mes pulsions artistiques et animales profondes ».

 

 

SK_new_york_workCouper / Coller

Quand Sidonie Koch retrace la généalogie de son ancrage dans l’art du collage, depuis ses premiers tâtonnements jusqu’à ses dernières pièces maîtresses, l’artiste, lucide et sans prétention, ne cherchant pas à mythifier les origines de sa création au détriment de la simplicité de son geste et de son ambition – Sid, en marge de l’intellectualisme et du snobisme parisiens caractéristiques d’une certaine approche de l’art contemporain en Europe, se refuse à entrer dans le cercle complaisant d’une herméneutique alourdissant la création artistique en lui imputant tout un réseau de significations qui demeure étranger à la simplicité de l’intention et de l’acte de créer, finissant en outre toujours par en dire plus que ce que l’œuvre, en son nom propre et par elle-même, n’a pas d’effort ni de difficulté à exprimer – évoque, modeste et terrestre, un simple concours de circonstances : « Je n’étais pas vraiment douée pour le dessin et pas assez non plus pour la peinture qui réclame par ailleurs beaucoup de temps, de patience et de moyens. Les pinceaux, les toiles, les couleurs, tout ça coûte cher. Alors j’ai préféré m’attaquer directement au papier, le recycler et lui donner une deuxième vie en m’en servant comme matière première ».

 

Une contrainte économique et un souci écologique qui l’honorent sans venir rien gâter de la valeur intrinsèque de ses œuvres : d’abord sous verre puis sur toile, de la petite surface du ticket de métro au grand format d’1m x 1m50, les collages de Sid gagnent en envergure, en visibilité et en accessibilité. Il est important pour l’artiste que ces confections de l’imagination puissent être touchées du doigt, approchées et regardées de près. Sid ne banalise pas ses œuvres mais les désacralise : « Il en va un peu comme d’un puzzle. Je choisis toujours une première image à laquelle je donne tout de suite sa place pour ensuite aménager tout autour les autres pièces de la toile en m’efforçant de respecter l’harmonie des couleurs et de dégager de cette façon, à l’appui du texte aussi, un certain état émotionnel. Mais ce n’est qu’après, en prenant du recul, que je m’aperçois de la tonalité d’un collage. Il est rare que je sache par avance ce que je cherche à exprimer ».

 

 

SK_sex_warLe collage : une collection d’émotions


La première impulsion est toujours donnée, à coups de colle et de ciseaux, en réponse à une impression, coup de gueule ou coup de sang. Sur les lignes de bavure de l’actualité ou sur les fils de couture du prêt-à-porter, Sidonie Koch repère, relève et prélève les morceaux qui retiennent son attention et viennent étourdir son imagination. Des images choc, chic ou trash dont l’impact va immédiatement déclencher la projection sur toile : une mise à distance culminant dans la transfiguration et la transgression esthétiques. Un geste artistique à vertu thérapeutique dans le mouvement duquel la saturation de l’espace iconique et plastique de l’oeuvre procède de la libération de l’espace mental de l’artiste. La toile se gorge d’images jusqu’à absorption intégrale de la collection des impressions sensibles accumulées, à mesure que l’artiste – opérant par ce glissement comme un transfert de sensation – fait le vide dans ses pensées.

 

A la manière du « gueuloir » de Flaubert, Sidonie Koch s’enferme, pendant ses séances de travail, à l’abri de l’effervescence extérieure, dans un régime d’expression dont la caisse de résonance s’apparente à ce qu’elle appelle elle-même un « défouloir ». Laissant à d’autres l’art de la rhétorique et le talent de l’écriture, Sid témoigne à sa façon – impulsive, explicite et sans tabou – de toute l’exubérance caractérisant sa vision esthétique, poétique, politique et bien souvent comique, du monde – le collage exprimant tout à la fois le fond intime de sa pensée et la forme achevée de ses idées, allant parfois même jusqu’à révéler la coloration et la tonalité profonde de ses expériences vécues les plus personnelles. Elevant le collage à l’art du dévoilement sensible de l’artiste dans le recouvrement visible de la surface. Et le sien, à celui du déploiement d’un univers propre et excentrique, décentrant le monde de Sid de l’axe du monde ordinaire.

 

Nora Monnet

 

 

Quelles sont vos racines imaginaires ou réelles ?
– Ma tête, mon monde, mon univers. Il s’agit de comprendre que toute transformation vient toujours de l’intérieur. Tout se passe à l’intérieur, dans l’espace mental.

 

Existe-t-il un espace qui vous inspire ?
– La vie. C’est mon espace de création et de récréation.

 

En quoi souhaiteriez-vous vous réincarner ?
– En une créature improbable. Un super héros, un être qui aurait le pouvoir de l’immortalité ou de l’invisibilité, quelque chose comme ça.

 

Quelle partie du corps ou de l’être vous fascine le plus ?
– L’âme et le regard. Je suis convaincue que l’on prend les traits et le visage de ce que l’on est ou de ce que l’on devient. En grandissant, on fait mûrir ce que l’on porte en soi et, de cette façon, on dégage ce qui se passe à l’intérieur, on l’exprime. Il m’arrive parfois d’avoir l’impression de pouvoir lire le vécu des autres sur leur visage, et ça me fascine.

 

Quelles sont vos obsessions et comment nourrissent-elles votre travail ?
– Mes obsessions ? De ne surtout pas en avoir… Je préfère toujours éluder les problèmes inutiles quand c’est possible de le faire. Mon obsession est de rire de tout, sans arrêt. Même un malheur va pouvoir me faire sourire. La vie est courte, je ne voudrais pas que la mienne soit parasitée par des choses sans importance. Je ne suis pas une « Drama Queen » à la Sarah Bernhardt, je préfère être légère.

 

 

Le blog de Sid

www.lescollagesdesid.blogspot.com

 

 

www.commedesartistes.fr

 

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