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Michel Franco – Despues de Lucia

2 octobre 2012
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DESPUESDELUCIA

Il faut parfois se méfier des apparences. A le regarder dans les yeux, Michel Franco est un être comme les autres : calme, docile, à l’écoute des autres, chaleureux, avenant. On se dit donc qu’il y a quelque chose qui cloche quand on le rencontre. Car découvrir son cinéma, c’est pénétrer dans un univers froid, rigide, tendu, dont l’absence de communication est la première caractéristique de ses personnages. « Tous vivent dans un labyrinthe parsemé de contradictions et recouvert de mystère… à l’image de notre existence. »

Flash-Back. En 2010, Michel Franco bouscule le Festival de Cannes avec son premier film Daniel y Ana présenté à la Quinzaine des Réalisateurs. L’histoire est celle d’un kidnapping qui tourne à l’inceste entre un frère et une sœur dans le milieu bourgeois de Mexico. Haneke et Bresson ne sont pas loin tandis que le jeune Franco s’impose des dogmes qu’il allégera dans son second film (plans-séquences fixes, musique mendelssohnienne, montage ultra cut…) « Le cinéma est un exercice de précision. Rien ne doit être laissé au hasard. Je ne fais pas le film que je souhaite, je fais le film qu’il m’est possible de faire. »

La rigueur semble guider notre jeune mexicain trentenaire qui après des études de communication se tourne vers le cinéma en réalisant quelques publicités, clips et courts-métrages. Même si ses films sont d’une violence psychologique à la limite de la perversion, Michel Franco se revendique comme un cinéaste populaire « qui ne souhaite aucunement être condescendant avec le public. Je me fie à son intelligence et à son analyse pour qu’il comprenne mon cinéma. » Et si sa société de production s’appelle Pop Films, ce n’est pas non plus un hasard. « Pop est une abréviation du mot populaire ». Gage de qualité, Despues de Lucia vient d’être nommé pour concourir cette année à l’Oscar du Meilleur Film Etranger.

despues-de-luciaPour son second long-métrage, Michel Franco s’est inspiré du Bullying, cette mouvance que les adolescents affectionnent tant et qui consiste à choisir un bouc émissaire pour lui infliger les pires atrocités imaginables. La plupart du temps, cette méthode de torture conduit de nombreux jeunes adolescents au suicide. La force du cinéma de Michel Franco se trouve ici, dans sa capacité à faire endurer autant de supplices à ses personnages qu’à ses spectateurs. Sa méthode ? Suggérer plutôt que de montrer. Même si le principe n’est pas nouveau dans l’histoire du Septième Art, Franco use d’une narration efficace et suffisamment malléable pour que l’on adhère à son propos et que l’on accepte de le suivre dans un trip viscéral.

Le réalisateur l’affirme lui-même, son cinéma est aujourd’hui devenu « plus mature ». En est-il de même avec l’être humain en face de nous ? Pas si sûr. Entre notre première rencontre à Paris dans les locaux de la Cinéfondation du Festival de Cannes qu’il a rejoint pour écrire le scénario de Despues de Lucia en 2010 et ce deuxième entretien dans un palace parisien, Michel Franco reste le même, parfois impassible, parfois ambigüe. Entre-temps, il aura eu le temps de réalisé avec sa sœur un autre film sur la condition des sans domiciles fixes actuellement en montage.

Mature, Michel Franco l’est donc sans concession malgré son jeune âge. Ses films traitent tous du passage difficile vers l’âge adulte que vivent des adolescents en pleine crise existentielle. A l’origine, sa dernière œuvre devait s’attarder sur le manque de communication entre un père et son fils suite au décès tragique de la figure maternelle. Mais après avoir rencontré la jeune Tessa Ia et sa bande d’amis, Michel Franco a retouché son scénario pour modifier le sexe de son personnage principal, l’occasion aussi de s’entourer d’acteurs non professionnels pour incarner de jeunes lycéens. On le comprend tant ils semblent tous s’adapter facilement à la caméra et aux plans fixes. Là est en fin de compte la réussite de son cinéma, dans cette manière de peindre une adolescence perdue dans un monde moderne où la jalousie et l’humiliation règnent en maître.

Edouard Brane
Twitter : Cinedouard

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