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Werther – Opéra Bastille

17 janvier 2010
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Werther opera bastille

Werther opera bastille::

 

Dès les premières notes, on devine le drame puis la musique se fait légère et discrète.  On aperçoit le jeune Werther superbe entrer par le grand portail en pleine journée par un soleil radieux, tandis qu’Alberto, le futur mari surgira furtivement la nuit par la petite porte de l’immense mur. Le lieu semble déjà imprégné de cet amour naissant, un lieu familier, que le jeune homme romantique découvre et aime déjà.
Bien que le livret “très bavard” paraisse par endroit niais, l’argument retient toute notre attention, porté par une subtile  musique de Massenet qui accompagne magnifiquement le propos.

Cet opéra vise le sublime. Les deux jeunes héros s’interdisent mutuellement de s’aimer et se conduisent de façon exemplaire pour respecter le serment fait au chevet d’une mère mourante : Charlotte épousera Alberto. Ils renoncent au bonheur terrestre : le devoir prime sur le coeur. C’est un doux suicide que ce refus à la vie, violent et déterminé. Pourtant  Anne-Catherine Gillet,  la jeune soeur de Charlotte, est délicieuse et pourrait consoler le poète. Cette jeune fille virginale incarne la douceur, l’humilité et la joie de vivre. La soprano chante divinement et émerveille : elle est gaie comme un pinson, simple et aimante. Charlotte reste inaccessible, ce qui la rend sans doute idéale dans l’esprit de Werther.

Werther opera bastille

 

 

Jonas Kaufmann (Werther), Ludovic Tézier (Albert) et Anne-Catherine Gillet, Sophie) © Opéra national de Paris/ Elisa Haberer

 

 

La magnifique interprétation sensible du couple idéal élève le livret un peu mièvre. Dans ce lyrisme puissant, ni ridicule, ni sourires moqueurs, mais des coeurs mis à nu, bouleversants et généreux. Le personnage de Goethe, Werther, est soumis aux affections de son âme tendre et fière qui l’acheminent au désespoir. Jonas Kaufmann interprète à la perfection ce personnage ardent et exalté, manquant de force et de patience, mélancolique et piqué par le mal du siècle. Le ténor a une présence extraordinaire et chante merveilleusement.  Sa métamorphose est saisissante : il aime à la première seconde et tout son corps exprime ce bouleversement. Absorbés l’un par l’autre, il apprivoise la jeune Charlotte (la superbe Sophie Koch), toute maternelle.


Benoît Jacquot étend la scène à la salle. On les voit cheminer ensemble, hésitants, attirés l’un par l’autre, dans les prémices de l’amour. Puis, dans le deuxième tableau, dévoré par l’amour, avec délicatesse et violence, le jeune homme déclare sa flamme. Werther est alors littéralement foudroyé en apprenant le choix de Charlotte. Il s’écroule à terre. La mort ne peut être qu’une délivrance.

Werther opera bastille

 

 

Sophie Koch, Charlotte et Jonas Kaufmann, Werther © Opéra national de Paris/ Elisa Haberer

 

 

Dans le troisième tableau, après six mois d’absence, le metteur en scène les tient à distance l’un de l’autre : dans un intérieur très dépouillé, éclairé par une immense fenêtre, avec pour seul décor la bibliothèque renfermant les poèmes lus ensemble. L’espace vide est l’expression de ce manque qui emplit le coeur de Charlotte en l ‘absence de Werther. C’est une scène formidable et déchirante. La mezzo-soprano rayonne et irradie. Ultime tableau, apogée du sublime. Ils apparaissent tous deux lovés dans une petite maison au milieu des bois, qui glisse vers nous. Saluons cette très belle image scénographique.  Lui, blessé mortellement mais serein, elle, éperdue. Affaibli, il retrouve la paix et croit entendre les anges lui pardonner son acte. Ce ne sont que les enfants qui reprennent le chant de Noël, entendu au début de l’opéra.


Sublime union sous le regard des anges et de Dieu. L’amour les a enfin réunis dans ces quelques instants éternels.


Marie Torrès

 

 

Lire aussi sur Artistik Rezo : Charlotte, personnage film, entretien avec Benoît Jacquot.

Et Sophie Koch, un retour attendu.

 


Werther de Jules Massenet

DRAME LYRIQUE EN QUATRE ACTES ET CINQ TABLEAUX (1892)
MUSIQUE DE JULES MASSENET (1842-1912)
POÈME D’ÉDOUARD BLAU, PAUL MILLIET ET
GEORGES HARTMANN D’APRÈS JOHANN WOLFGANG VON GOETHE
En langue française

MICHEL PLASSON Direction musicale
BENOÎT JACQUOT Mise en scène
CHARLES EDWARDS  Décors
CHRISTIAN GASC Costumes
ANDRÉ DIOT Lumières d’après les lumières originales de CHARLES EDWARDS

JONAS KAUFMANN Werther
LUDOVIC TÉZIER Albert
ALAIN VERNHES Le Bailli
ANDREAS JÄGGI Schmidt
CHRISTIAN TRÉGUIER Johann
SOPHIE KOCH Charlotte
ANNE-CATHERINE GILLET Sophie
OLIVIA DORAY  Kätchen
ALEXANDRE DUHAMEL Brühlmann

Retransmission de Werther de Jules Massenet en direct le mardi 26 janvier 2010 à 20h35, sur Arte et Internet, en accès gratuit.
Deux possibilités pour accéder à ce direct, en parallèle de la retransmission sur Arte :
www.operadeparis.fr
www.arteliveweb.com

 

Jeudi 14 janvier 2010 19h30
Dimanche 17 janvier 2010 14h30
Mercredi 20 janvier 2010 19h30
Samedi 23 janvier 2010 19h30
Mardi 26 janvier 2010 19h30
Vendredi 29 janvier 2010 19h30
Lundi 1er février 2010 19h30
Jeudi 4 février 2010 19h30

 

Réservations : 08 92 89 90 90 ou www.operadeparis.fr
Guichets : au Palais Garnier et à l’Opéra Bastille, tous les jours de 10h30 à 18h30  sauf dimanches et jours fériés.

Tarifs : 172€, 152€, 130€, 104€, 77€, 40€, 20€, 10€, 5€

 

Opéra Bastille
120, rue de Lyon, Paris 12

Métro Bastille

 

www.operadeparis.fr

 

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