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Un Mithridate réussi au TCE porté par la grâce des voix

16 février 2016
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20160202-19VP

Mithridate

De Mozart

Mise en scène de Clément Hervieu-Léger

Avec Michael Spyres, Patricia Petibon, Myrto Papatanasiu, Christophe Dumaux, Sabine Devieilhe, Cyrille Dubois et Jaël Azzaretti

Du 11 au 20 février à 19h30

Tarifs : de 5 à 140 €

Réservation en ligne
ou au 01 49 52 50 50 

Durée : 2h50

Théâtre des Champs-Élysées
15, avenue Montaigne
75008 Paris

M° Alma-Marceau
(ligne 9)

www.theatrechampselysées.fr

20160202-19VP copieC’est l’opéra d’un tout jeune homme qui est dirigé avec fougue et passion aujourd’hui par Emmanuelle Haïm au Théâtre des Champs-Élysées. À 14 ans, Mozart signe déjà un petit chef-d’œuvre monté comme un Racine et chanté par des artistes qui le magnifient. 

Un sujet sérieux traité avec la maturité d’un jeune génie

Inspiré de la tragédie de Racine, Mithridate est le nom d’un roi grec qui combat contre les Romains mais dont la jeune promise, Aspasie, séduit ses deux fils alors que Xipharès, le plus sensible, tombe profondément amoureux d’elle et réciproquement elle de lui. Le paternel guerrier fait donc courir le bruit de sa propre mort pour mieux surprendre la trahison de ses fils. Le sujet de l’œuvre tisse intelligemment un croisement d’affects et d’orgueils qui vont se heurter à une partition musicale particulièrement subtile et difficile à chanter, accumulant des changements d’octaves et des variations de tonalité virtuoses, exigeant pour les différents personnages des interprètes brillants. 

20160202-41VPVoix brillantes pour personnages incarnés

Énergique, vive, charnelle, précise, la chef d’orchestre Emmanuelle Haïm imprime d’emblée à l’ensemble qu’elle dirige, le Concert d’Astrée, relief et couleur des différentes lignes mélodiques. Elle a choisi avec les interprètes de ne pas couper les airs qui servent véritablement la montée dramatique des sentiments, répétés, réitérés avec des variantes d’une finesse incroyable. Les interprètes, leurs voix sont véritablement mis en valeur, portant leurs personnages à l’acmé de leurs passions. Le ténor américain Michael Spyres est éblouissant de présence et de précision, modulant son chant et surfant sur les difficultés techniques en évitant tous les écueils du rôle périlleux de Mithridate. Clair dans les aigus, puissant et chaleureux dans les graves, il devient cet homme que tout accable, exprimant une infinie souffrance, plus qu’un atrabilaire despote.

20160202-07VPPetibon, Papatanasiu et Devieilhe royales

Très applaudies lors de la première, les femmes rivalisent de qualités vocales, sans jamais faire montre d’une virtuosité gratuite qui pourrait largement échoir à cette œuvre. Patricia Petibon irradie de subtilité et de retenue passionnelle dans le rôle d’Astasie, tragédienne qui sculpte ses vocalises dans du velours, travaillant sur le souffle de ses vibrations dans le médium. Ce qu’elle parvient à produire, en comédienne accomplie, est magnifique. Son amant Xipharès, incarné par la brune Myrto Papatanasiu, forme avec elle un duo merveilleux, deux sopranos à la tessiture très proche mais dont le caractère et la diction se complètent avec bonheur. Solaire, lumineuse, l’Ismène de Sabine Devieilhe nous démontre une nouvelle fois le talent particulier de la jeune cantatrice dont la pureté des lignes mélodiques et les suraigus somptueusement projetés nous laissent tous pantois. Du coup, le Pharnace du contre-ténor Christophe Dumaux, s’il met un peu de temps à élargir sa puissance, trouve progressivement sa place auprès de Marcius, campé par un étonnant Cyrille Dubois, complice des mauvais coups. 

20160202-08VP copieUne scénographie étrange

Un palais décadent, avec des murs en ruine, apposé à un théâtre qui offre encore ses rangées de fauteuils vides, fouetté par un rideau rouge (décor d’Éric Ruf à la Chéreau), semble former l’étrange univers de ces retrouvailles familiales sur fond de débâcle militaire. Intimiste et sensuelle, la mise en scène de Clément Hervieu-Léger propulse les personnages royaux dans un jeu d’ombres et de doubles, comme pour rappeler que ces héros les dépassent et que leur gloire est trop lourde à porter. Pour autant, la musique véritablement céleste de ce gamin qu’est Mozart en 1770 demeure le seul flux de cette mise en scène du désir et de l’abandon, de la clémence et de la colère, sentiments humains que ce Mozart surdoué avait tricotés dans les notes mêmes de son propre cœur. Et qui touchent, deux siècles et demi après, le nôtre.

Hélène Kuttner

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[Photos © Vincent Pontet]

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