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Dominique Preschez : Les battements du cœur d’un ressuscité…

30 janvier 2011
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Dominique_Preschez

 

Si la providence a joué un rôle adéquat dans le devenir professionnel du chef d’orchestre Thierry Pelicant destiné à une carrière juridique avec qui il a choisi de coécrire son œuvre « Escales & Paysages », elle a porté un destin plus tragique à la vie de Dominique Preschez lorsqu’en 1992, un anévrisme le prive de toutes ses facultés y compris du langage.


Organiste titulaire de l’orgue de l’église Saint Augustin à Deauville, il fait une halte en Haute Normandie dans la petite ville de Bernay en pays d’Ouche cachant dans la brume de ses cours d’eau l’âme de l’auteur de « Nez de Cuir, gentilhomme d’amour » et de « L’homme aux gants de toile ». Dans cette petite ville où il va rassembler ses souvenirs et se reconstruire, il crée un service culturel dont il a la charge, tout en enseignant à l’école de musique locale : l’orgue et l’histoire de la musique.


Nommé directeur de cette structure, il reprend parallèlement ses fonctions de titulaire de l’orgue de Deauville en 1996 (ses maîtres en musique furent Max Pinchard, Jean Langlais, Germaine Taillefer, Yvonne Desportes, Michel Guiomar.)


Ayant recouvré l’usage des sens qu’il avait perdu, de 1995 à 1997, il publie quatre livres qui témoignent, à leur manière, de l’accident cérébral, de l’amnésie, et de la renaissance : Les fenêtres de Boubat avec l’écrivain Michel Butor (Editions Argraphie, 1993), L’Atelier d’Edouard (Editions Fata Morgana, 1994), Le Dernier Quatuor (Editions Seghers,1994) et Carnets d’Amérique publié chez Complexe en 1995.


En 1996, le metteur en scène Daniel Mesguich, l’invite au théâtre national de Lille, pour la création de son œuvre dramatique « La Messe du Port » qui narre les explorations d’un aventurier de la vie qui procède vers l’amnésie.


Ressuscité ou miraculé , les termes ne sont pas trop forts pour faire de l’évènement vécu par cet artiste un témoignage d’espoir gesté par Nicole Galtier : « Ensemble & Création » productrice du concert « Escales & Paysages » qui voulait aussi à travers sa passion de la musique faire converger sa sensibilité et celle de ce musicien pour rendre hommage à son mari qu’elle a dû accompagner pendant sa maladie .


Souhaitons donc à Dominique Preschez témoin vivant de ce retour à la vie, qu’il insuffle dans sa voix l’énergie nécessaire à tous ceux qui sont dans cette situation de douleur ou de fin de vie grâce à son œuvre « Escales & Paysages ».


Yves-Alexandre Julien

 


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Est-ce fantasque de penser que le synopsis autant que la finalité de l’évènement musical « Escales & Paysages », puisse être un remède pour ceux qui souffrent ou qui sont en fin de vie ? En d’autres termes, votre œuvre recouvre t’elle un caractère musico-thérapeutique ?


” En résonances” profondes à l’haïku de Lao-Tseu : “Qui sait ne parle pas, Qui parle ne sait pas” je poursuis mon acheminement vers cette re-naissance insensée d’homme musicien, compositeur et écrivain, jour après jour depuis l’A.V.C de 1992, dans la Joie absolue. Le livret du récit de Escales&Paysages se veut traduire cette confusion des sentiments géographiques qui m’ont reconstruit Vi-Vant : de La Manche, à Deauville…à Londres, au Royal Albert Hall…A Evian et le Lac Léman…à Paris en boîte de jazz jusqu’au petit matin… à Saint-Claude au pied de La Soufrière en Guadeloupe, mes origines… en des “Venises…” où j’ai donné bien des concerts d’orgue seul….à Paris en noir&blanc, avec l’ami-photographe disparu Edouard Boubat qui m’a conduit selon un rituel du Piéton de Paris (de Léon-Paul Fargue)…au Moulin-Rouge, où mon grand-père maternel (qui eût alors pris 100 ans, l’année de ma venue au monde) côtoyait Toulouse-Lautrec et ses amies, mais aussi Camille Saint-Saëns, et jouait au piano La Valse de Ravel! paraît-il… jusqu’en abbayes normandes au long de ce fleuve que j’aime tant, de Paris à l’Estuaire de La Seine au Havre, ma Ville, la Grande, l’Unique comme un enfant!  J’ai 56 ans… et si mes musiques sont salvatrices; donnant en harmoniques autant de ions négatifs que je sais portés “en résonances” à tout un chacun, comme à moi-même re-naissant, on peut alors user d’une “musico-thérapie” pour signifier ce que tout vitalisme créé par un individu porte, et procure.”


Vous êtes, si je puis dire, un régionaliste en musique, puisant vos créations aux sources sur le sol Normand. Croyez- vous que ce concert du 24 mars prochain soit le récit apatride d’un artiste singulier dans ses domaines de prédilection : la composition , l’écriture musicale et littéraire, l’interprétation ?


” Nul régionalisme, qui je crois concerne l’individu en marche, qui va tel un nomade à travers sa propre existence en autant de paysages traversés –où plusieurs fois, je me suis posé en dehors de La Normandie natale : des îles où j’ai vécu, à Symi en Grèce et à Portquerolles,puis à Paris; cinq locations dans ces quartiers-villages comme tant de “grumeaux” selon Jules Romains (Vème/XIVème/VIème…) en Belgique, dans un village “plat” peint à la Magritte, près de la frontière… en Provence, dès dix-huit ans, autour du Mont-Ventoux…mais je reviens à ta belle question, parce qu’il est vrai qu’en Normandie (toujours en location de maisons à la campagne, ou en ville) j’y suis toujours revenu,comme à ce “point fixe” entre la mer (Sainte-Adresse et Le Havre,Blonville S/Mer, Deauville et Trouville, Honfleur aussi) et la terre Fauville-en-Caux, Envronville, Bernay,Bonnebosq… un ostinato de sentiments géographiques qui m’aura permis de construire en artisan : récits, roman, poésie et théâtre entre villégiatures et Normandie; musique symphonique et musique de chambre, en voyage, en tournée de concerts, ou en un retrait de prédilection dans un grand hôtel que je m’offre en luxe de récompense.”


Pourquoi selon vous une telle musique portant l’espoir doit elle méconnaitre les frontières et refuser – à contrario du caractère régionaliste – de s’inspirer nativement d’un seul et unique paysage pour s’inscrire dans la diversité ?

” Un jour de vacances d’été, chez moi dans le jardin embaumant la glycine et tapissé de mille pâquerettes et boutons d’or parmi les moutons, et un vieux et bel étalon…en Normandie, donc, à Envronville ou j’occupais l’ancien presbytère tout ensoleillé cet après-midi de Juillet, le photographe Edouard Boubat venait de capturer avec son Leica, un long et grand champ plat de lin couché à sécher au soleil, qu’on dit alors en train de rouir…et de me dire “tu vois mon Grand, comme on se sent bien là, ici, maintenant; il n’y a pas besoin de courir le monde entier, ou d’aller au plus loin pour vivre et ressentir le bonheur…tu ne crois pas, Dominique?” J’avais 28 ans et rêvais de partir pour repartir toujours de suite; mais bien des années après, j’ai compris et vécu en partage ces mots d’un instant, prononcés calmement par un Grand Reporter qui revenant de Chine, avait déjà fait deux ou trois fois le grand tour de la Terre… Aussi, l’instant s’inscrit-il bien dans la diversité de l’instant, en l’unique et seul paysage de l’homme le subconscient ; nuit et jour, comme la musique.”
On aurait voulu vous faire vous rencontrer pour créer un tel événement que ce concert « Escales & Paysages » vous, le pianiste virtuose Raphaël Drouin et le chef d’orchestre Thierry Pélicant, que nous n’y serions probablement pas arrivés ! Y a-t-il donc une part d’ésotérisme et de mystère dans cette réunion de trois musiciens dont les routes se croisent ou se recroisent à présent ?


” N’étant plus du tout convaincu des bienfaits ou préceptes de l’ésotérisme, en tant que science appliquée que je respecte, et connais pour le moins, l’ayant frôlée, caressée, humée en ses propres sens ouverts à la transmuation; je me livre plutôt volontiers aux arcanes de l’amitié simple et transclucide, à travers notre prédisposition à créer ( écrire, composer, improviser, cuisiner, jardiner, pratiquer un artisanat, un sport, voyager –et non “se déplacer” comme l’entend l’habitude moderne–, vivre l’érotisme, découvrir, s’aventurer etc…) Thierry Pélicant est mon ami-musicien rencontré, et gardé comme tel un an après mon AVC;chef d’orchestre merveilleux, compositeur sans égal dans l’héritage français, depuis Francis Poulenc; il est aussi un grand cuisinier qui entre en cuisine (cuivres…piano d’ébullitions…sauces en gestation…) comme on entre en loge pour un musicien, ou un initié. Raphaël Drouin, virtuose du piano comme nombre d’autres interprètes, traduit l’âme de toute musique engendrée sous ses doigts, et par ses doigts, comme de la main de l’ange. Il est compositeur, arrangeur en bien des musiques du monde; il a créé mon Capriccio pour Piano et orchestre. J’ai voulu notre Trio (infernalement complices dans le même” goutte musique”) pour le spectacle que j’ai  écrit, que j’ai composé en alternance des neuf mouvements, avec Thierry Pélicant qui dirige, aussi; Raphaël Drouin en soliste concertant avec les 50 jeunes, ou moins jeunes musiciens de l’Orchestre André Messager –excellents interprètes—, moi-même lisant et disant le texte en musique de ESCALES&PAYSAGES


Propos recueillis par Yves-Alexandre Julien




Escales & Paysages


Le Jeudi 24 mars 2011 à 20H30
Tarifs : 30 euros et 50 euros pour les adultes
Tarif réduit : 20 euros pour les – de 18 ans


Salle Gaveau

45 rue de la Boétie 
75 008 Paris

www.ensembleetcreation.com


 

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