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Sublime Don Carlo à l’Opéra Bastille !

22 février 2010
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don carlo opera garnier

don carlo opera garnier::

 

Cet opéra en quatre tableaux de Giuseppe Verdi dont le livret traduit en italien s’inspire du drame de Friedrich Schiller reprend la mise en scène de Graham Vick, réalisée par Michel Jankeliovitch. Les décors et costumes magnifiques de Tobias Hoheisel transportent dans cette Espagne, fervente catholique.

Le décor épuré répond à des structures verticales, tout s’élève vers le ciel. Dieu est au coeur du drame. On se croirait dans une de ces églises gigantesques.

Le fantôme de Charles Quint, la gloire de l’Espagne disparue, intervient au début et à la fin pour rappeler qu’il n’y a pas de bonheur possible sauf au ciel : « Mon fils, les douleurs de la terre viennent expirer en ce lieu, la paix que votre coeur espère ne se trouve qu’auprès de Dieu. »

Une croix gigantesque orne le mur latéral, tandis que dans  le plafond, une croix au premier acte, s’entrouvre comme par miracle et  fait pénétrer la lumière céleste. Le thème de la croix  apparaîtra jusque dans le tombeau de Charles Quint, car  dans le sol même, la tombe est en forme de croix. La religion est naturellement présente à travers la procession des reliques, expression de toute la ferveur catholique. Il y a quelque chose de païen dans cette adoration fétichiste. Les superbes costumes rappellent les tableaux du Titien ou d’ El Gréco. C’est splendide. Le retable somptueux d’où sort le roi Philippe II  impose par sa taille. Mais c’est une religion menaçante soumise au pouvoir de l’ Inquisition. Le grand Inquisitore exige la tête du Marquis di Posa. Quiconque se révolte est soumis à la torture.

Dans cet opéra, il s’agit bien de regarder vers le haut, de s’élever de sa condition humaine d’individu et d’accéder à l’état de héros.

Don Carlo interprété superbement par Stefano Secco, se révèle, à la fin, grandi par le drame. Il renonce enfin au bonheur d’aimer Elisabeth, sa belle-mère pour défendre les Flandres et sauver l’Espagne.  Pourtant  toute sa prestation très sensible le rendait faible et démuni, soumis à sa douleur de n’avoir pu épouser la femme aimée. L’opéra, texte et musique, souligne l’infantilisme de l’Infant. Stefano Secco incarne à merveille ce Don  Carlo vélleitaire, embarrassé, titubant.  Le thème à la flûte, hautbois et clarinette, qui 3111_Don-Carlo-08-APoupeney191accompagne, au deuxième acte, son entrée dans le jardin est significativement incertain, de même que le commentaire orchestral de son aveu à la reine. Un peu plus loin, ne pouvant soutenir la tension de la rencontre, il tombe évanoui. Comment a-t-il pu confondre la nuit la reine et la comtesse Éboli ? N’est-ce pas la preuve de l’immaturité du personnage qui se perd dans l’amour, ne voyant pas dans l’autre une personne distincte ? La reine voit clair et le repousse : « Accomplis l’oeuvre, cours assassiner ton père, et alors de son sang maculé, tu pourras conduire ta mère à l’autel », lui crie-t-elle.

Sondra Radvanovsky, Élisabeth de Valois avec force et sensibilité, incarne cette femme pure et tendre. La soprano  bouleverse l’auditoire, sa voix extrêmement  pure déchire le coeur de tous. Avec dignité et noblesse, elle renvoie la comtesse d’Eboli qui l’a perdue auprès de son époux le Roi Philippe II.

La mezzo soprano a été aussi très applaudie, très enjouée au premier acte, légère et pétillante, elle se révèle machiavélique par amour. Giacomo Prestia en Philippe II est  très émouvant, il incarne avec grandeur cet époux tristement esseulé, ce père malheureux.

Enfin le public a ovationné la prestation magistrale de Ludovic Tézier, superbe Rodrigue. Le baryton a emporté toute la salle dans l’exaltation des sentiments et l’héroïsme du personnage. Avec bonheur, après Marcello dans La Bohème, Werther dans Werther, le chanteur lyrique, une fois de plus, bouleverse par la puissance chaleureuse de sa voix. Le personnage est sublime : confident du roi, il se sacrifie pour sauver son ami. Le duo final des deux hommes est magnifique. Quelle grandeur d’âme et quelle force dans cet homme qui dignement s’avance vers la mort en rappelant son amitié. Tout est grandeur de sentiments.

Cet opéra  très moderne, en vertu de sa complexité dramatique et musicale, si proche de notre sensibilité, met en scène des conflits dont personne ne sort vainqueur et nous permet de revivre nos espoirs comme nos échecs.

Marie Torrès



Don Carlo
OPERA EN QUATRE ACTES (1884)
MUSIQUE DE GIUSEPPE VERDI (1813-1901)
LIVRET DE JOSEPH MERY ET CAMILLE DU LOCLE
D’APRES LE DRAME DE FRIEDRICH SCHILLER,
TRADUIT EN ITALIEN PAR ACHILLE DE CAUZIERES
ET ANGELO ZANARDINI
En langue italienne

CARLO RIZZI Direction musicale
GRAHAM VICK Mise en scène
TOBIAS HOHEISEL Décors et costumes
MATTHEW RICHARDSON Lumières
PATRICK MARIE AUBERT Chef du Chœur

GIACOMO PRESTIA Filippo II
STEFANO SECCO Don Carlo
LUDOVIC TÉZIER Rodrigo, marchese di Posa
VICTOR VON HALEM Il Grande Inquisitore
BALINT SZABO  ° un Frate
SONDRA RADVANOVSKY Elisabetta di Valois
LUCIANA D’INTINO  ° La Principessa Eboli
ELISA CENNI Tebaldo
OLIVIA DORAY Voce dal Cielo
JASON BRIDGES Il Conte di Lerma

ORCHESTRE ET CHŒUR DE L’OPÉRA NATIONAL DE PARIS

10 représentations du 11 février au 14 mars 2010
Jeudi 11 février 2010 19h
Mercredi 17 février 2010 19h
Samedi 20 février 2010 19h
Mercredi 24 février 2010 19h
Samedi 27 février 2010 19h
Mardi 2 mars 2010 19h
Vendredi 5 mars 2010 19h 
Lundi 8 mars 2010 19h
Vendredi 12 mars 2010 19h
Dimanche 14 mars 2010 14h30

TARIFS
138€  116€  92€  76€  54€  35€  20€  9€  5€

INFORMATIONS / RÉSERVATIONS
Téléphone : 08 92 89 90 90 (0,337€ la minute)
Internet : www.operadeparis.fr
Guichets :  Palais Garnier et l’Opéra Bastille, tous les jours de 10h30 à 18h30  sauf dimanches et jours fériés

À l’ OPÉRA BASTILLE
Métro Bastille

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