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Arnaud Denis, un comédien à Avignon

29 juin 2014
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Le_misanthrope

Arnaud Denis, un comédien à Avignon

Le misanthrope de Molière

Mise en scène de Michèle André

Avec Arnaud Denis et Elodie Navarre, Jonathan Bizet, Loïc Bon, Hugo Brunswick, Catherine Griffoni, Hervé Rey, Stéphane Ronchewski, Jean-Laurent Silvi, Elisabeth Ventura

Du 4 au 27 juillet 2014 tous les jours à 22h30

Théâtre Actuel
80, rue Guillaume Puy
84000 Avignon


le_misanthrope_192_290Il est jeune, il est talentueux, il a également réalisé des mises en scène et a déjà marqué de sa personnalité de grands rôles du répertoire en jouant dans La Mouette, Les fourberies de Scapin, Les femmes savantes, Tartuffe… Après le succès du Misanthrope à Paris cette année, il reprend ce rôle à Avignon pendant tout le festival.

 
Comment s’annonce la reprise du Misanthrope à Avignon après le succès rencontré à La Cigale à Paris ?

Nous l’avons joué cette année dans un lieu spécifique où il n’y avait pas eu de théâtre depuis longtemps. C’est la metteur en scène qui avait pris l’initiative de le jouer dans ce lieu à part et nous avons eu la chance d’y rencontrer un public nombreux autant qu’une critique très positive. Nous le reprenons à Avignon et comme dans toute reprise, il y aura des variantes. D’abord, c’est une nouvelle Célimène interprétée par Elodie Navarre, Laëtitia Laburthe-Tolra n’étant pas disponible à cette période. Et on ne joue pas de la même manière dans deux salles différentes, nous réexplorons le texte à chaque fois.  Elodie Navarre qui reprend le rôle a l’âge du personnage et beaucoup de finesse. C’est un rôle difficile parce qu’il faut en permanence à la fois une légèreté et une profondeur. La mise en scène de Michèle André part physiquement des acteurs et ce que j’apprécie beaucoup dans ce travail avec elle, c’est justement d’être dirigé par une metteur en scène qui est aussi comédienne. Elle connaît nos questionnements, nos besoins. Puis elle a ainsi une vision globale de la partition de la pièce, tout en se centrant sur le vrai sujet de la pièce, qui est le couple Alceste-Célimène.

N’ êtes-vous pas très jeune pour interpréter Alceste ?

On dit souvent qu’Alceste est un rôle de maturité parce qu’il ne faut pas en faire un râleur, mais j’ai tout misé sur le fait qu’il ne parvient pas à faire confiance, ni à ses amis ni à la femme qu’il aime, alors qu’il est jeune. A force de la chercher, il provoque presque la trahison. Chez Molière, certains personnages ont des âges, d’autres pas forcément. Les personnages de Molière sont souvent interchangeables en termes de génération, parce qu’en fait, Molière écrivait les rôles pour lui et les jouait donc à l’âge qu’il avait à la prise de rôle.  Alceste, je l’avais déjà travaillé en cours d’art dramatique, c’est un rôle que je porte depuis longtemps et pour revenir à son âge, je pense qu’on peut être dégoûté de la société très jeune. C’est un caractère, ce n’est pas inhérent à l’âge. On peut considérer que Philinte est plus âgé que lui, car il a une philosophie de la vie. Il est plus pondéré, alors qu’Alceste est fougueux et impulsif. Je pense que le personnage de maturité, c’est Philinte. Et il ne faut pas oublier que Célimène a vingt ans et qu’elle a déjà été marié à un vieil homme. On peut imaginer qu’elle ne veut pas reproduire cette différence d’âge. Le sous-titre de la pièce, c’est L’atrabilaire amoureux. C’est donc un amoureux inquiet, angoissé. J’ai tout tablé là-dessus et me suis bien gardé des idées préconçues. On a tous une part de misanthrope en nous, une part qui n’arrive pas à faire confiance au monde qui nous entoure. Il nous arrive à tous de souhaiter dire ce que l’on pense face à quelqu’un, même si c’est très dur, et on n’y arrive pas forcément comme Alceste…

 
Avignon, c’est une première pour vous ? Comment l’abordez-vous ?

J’ai toujours eu un petit peu peur du festival d’Avignon. C’est à la fois un vertige du théâtre, le cœur battant de notre métier, et aussi une surabondance de spectacles. Là, tout se présente dans de bonnes conditions et toute la troupe est formidable. Un de nos objectifs, c’est d’avoir ensuite une tournée en France et pourquoi pas, une reprise à Paris. Je suis très heureux de ce mois prévu à Avignon et je m’y prépare solidement. C’est un rôle fatigant nerveusement, intérieurement, car Alceste n’est jamais tranquille. Il est toujours avec une boule au ventre et il faut être dans cet état d’inquiétude, non pas de dépressif, mais de remise en cause constante, car il a l’impression de ne pas être compris, pas aimé à sa juste mesure. Je n’en tire pas pour autant une interprétation romantique. Il me semble que Molière au fond était un tragédien, et avec Alceste il s’est écrit un rôle dans cette direction. 

Il y a une méthode dans votre formation, une école, à laquelle vous vous rattachez particulièrement ?

J’ai débuté dans le cours de Jean-Laurent Cochet et ce que j’ai tout de suite aimé avec lui, c’est que les classiques nous devenaient proches et familiers tout en étant très hauts. Pour lui, même s’il s’agit de vers, il faut parler le texte. On lui donne une fluidité, une compréhension. Et cette volonté se retrouve dans les choix de Michèle André, notre metteur en scène du Misanthrope. Quand on joue une pièce, on doit avant tout être dans une situation. J’ai appris mon métier sur cette base, c’est-à-dire les questions fondamentales du théâtre : où je suis, qui je suis, à qui je parle. Aujourd’hui encore, je vois parfois du Molière joué avec grandiloquence, alors qu’il souhaitait le contraire. A cette technique d’approche apprise par Jean-Laurent Cochet, j’ai ajouté ensuite une formation au Conservatoire, à travers un travail approfondi sur le corps, auprès notamment de Dominique Valadier et d’autres professeurs. Et puis évidemment, j’ai appris en jouant, en étant sur le terrain ! J’ai commencé par le théâtre mais petit à petit je réalise des tournages, ce qui m’intéresse beaucoup également. J’ai tourné dans le film Yves Saint-Laurent avec Guillaume Gallienne et je fais maintenant beaucoup de télévision.

 
Vous avez également réalisé des mises en scène, vous y reviendrez ?

Oui, cela fait partie de moi. Je pense d’ailleurs qu’on gagnerait à ce que les metteurs en scène soient aussi comédiens, telle que Michèle André. Plus on connaît un aspect du travail plus on s’améliore sur l’autre, c’est un tout. Cela se faisait beaucoup au siècle dernier. J’apprécie de pouvoir aborder un personnage par le biais d’un autre personnage et d’avoir une conscience globale de la situation.

 
Vous avez souvent joué dans Molière…

Molière, pour moi, c’est le plus grand ! Il y a chez lui un parler vrai extraordinaire avec une vraie nature de sentiments et une véritable situation. A mon sens, une des plus grandes scènes d’ouverture au théâtre, c’est la première du Misanthrope entre Philinte et Alceste. On ne peut pas mieux commencer une pièce. On est en quatre répliques dans le vif du sujet. C’est le génie de la scène d’exposition, et puis Le misanthrope, c’est le chef d’œuvre abouti.

 

Emilie Darlier       

 

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