Roberto Zucco : un serial killer au TGP
Roberto Zucco |
Jusqu’au 20 février 2016, puis en mars à Caen, Orléans, Clermont-Ferrand
Ultime pièce de Bernard-Marie Koltès, Roberto Zucco retrace la trajectoire fulgurante et mythique d’un jeune homme assassin de ses parents et qui va défier la police avant de se suicider. La violence inexpliquée de ses gestes a fasciné l’auteur en 1988. Richard Brunel monte la pièce avec les acteurs de la Comédie de Valence avec une énergie et une sincérité impressionnantes. Une pièce en forme de scandale Quand Bernard-Marie Koltès écrit sa pièce en 1988, il s’inspire d’un fait divers réel et scandaleux qui le fascine et l’obsède : la cavale insensée d’un tout jeune homme en Italie qui assassine sa mère et son père, avant d’être interné et déclaré schizophrène, de s’échapper au bout de cinq ans et, après des études de géologie, de commettre plusieurs viols et meurtres en France. Poursuivi et emprisonné, dénoncé par sa petite amie, il se suicidera en prison avant d’être jugé. Intelligent, séduisant, mystérieux, le héros de Koltès semble brûler sa vie et enflammer celle de tous ceux qu’il rencontre. Une écriture brûlante et chaotique Hamlet ou Macbeth, Roberto Zucco semble errer dans une nuit très noire où la rue, le métro, les quartiers glauques à prostituées, les rencontres hasardeuses constituent pour lui des repères lumineux d’une liberté inconditionnelle. Le metteur en scène Richard Brunel fait de son univers un espace en chantier, un no man’s land à ciel ouvert mais rempli de terre brune et humide. Pio Marmaï incarne cet être ambivalent d’une douceur trompeuse et d’une puissance animale, regard sombre et mains d’enfant. Ensorcelée par son magnétisme sensuel, la gamine de Noémie Develay-Ressiguier est formidable d’intensité et de spontanéité rageuse. Un théâtre porté généreusement par les acteurs Tout sauf psychologiques, extrêmement écrits et précis, les répliques et monologues de Koltès exigent des acteurs une justesse et un investissement total. Dans le rôle de la mère de Zucco et de la mère maquerelle, Évelyne Didi fait fureur, tendre et envahissante à la fois, tandis que Luce Mouchel incarne formidablement la dame élégante qui refuse de donner les clés de sa Mercedes à Zucco. Blonde et fine, la comédienne parvient avec une sobriété percutante à dessiner un monde, celui d’une bourgeoisie frustrée par son cadre, assoiffée d’aventures et prête à risquer la vie de sa progéniture par jeu et orgueil social. Il y a de très beaux moments dans ce spectacle qui donne à voir une belle générosité de troupe. Peut-être peut-on regretter le manque de mystère dans cette incarnation d’un anti-héros monstrueux mais cependant poète, qui semble se défier des pesanteurs du monde réel. Hélène Kuttner [Photos © Jean-Louis Fernandez] |
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