Rentrée théâtrale : Mathilda May entre dans la danse avec Open space
Open space De et mise en scène de Mathilda May Avec Stéphanie Barreau, Agathe Cemin, Gabriel Dermidjian, Loup-Denis Élion, Gil Galliot, Emmanuel Jeantet, Dédeine Volk-Leonovitch Tarif : 28 à 36 € Durée : 1h30 Théâtre du Rond-Point M° Franklin Roosevelt ou Champs-Élysées Clémenceau |
Mathilda May faisait ses premiers pas de metteur en scène en 2013 avec Open space. De retour sur les planches du Théâtre du Rond-Point, ce spectacle sans texte, à la croisée de la danse et du théâtre, dresse, avec une étonnante sagacité, un tableau sans complaisance de cette comédie humaine à l’œuvre dans les espaces de travail ouverts.
Grésillements des lumières, bips des ordinateurs, couinements des fauteuils, explosion de la machine à café ou claquement des talons aiguilles fusent dans une joyeuse cacophonie ambiante, assourdissante. Six employés ordinaires débutent leur journée de travail. Et ça frétille, ça se trémousse, ça braille, ça fredonne un refrain quotidien. Bienvenue dans un open space, piste d’un ballet absurde et hilarant. On peut saluer le travail de fourmi d’une mise en scène tirée au cordeau. Les décors, les costumes, les sons, les lumières, rien n’est laissé au hasard. Les ressorts parfaitement huilés “de cette mécanique plaquée sur du vivant”, selon les termes de Bergson, créent un effet comique assuré et rendent, au passage, un vibrant hommage au cinéaste Jacques Tati. Car la satire implacable agit comme un rouleau compresseur. Dans ce joli monde bien lissé, Mathilda May croque avec talent les personnages et ne laisse personne indemne. Marionnettes dont on ne sait qui tire les ficelles, dépossédés du langage, animalisés, les travailleurs s’expriment par onomatopées. L’absence d’action dramatique au sens classique du terme et de changement de décor suggère l’ennui et la routine qui minent leur existence. Tout concourt à renforcer ce sentiment d’absurde. Les anecdotes qui structurent cette journée de travail prennent une dimension d’événement. La vie privée de tout un chacun grignote l’espace, s’étale sans pudeur. Nuisance sonore, déconcentration, voyeurisme, instincts grégaires, commérages, rien n’échappe à l’œil critique du metteur en scène. Et pourtant, au détour d’un souffle, un gospel jaillit, petite flamme, comme cette humanité qui couve, braise mal éteinte… “La danse n’a plus rien à raconter, elle a beaucoup à dire.” Cette réflexion de Maurice Béjart semble taillée sur mesure pour la création de Mathilda May. Jeanne Rolland [Visuel : Open space au Théâtre du Rond-Point |
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