Le moral des ménages – Théâtre de la Bastille
Le moral des ménages Adaptation et mise en scène de Stéphanie Cléau Avec Mathieu Amalric, Anne-Laure Tondu Jusqu’au 20 décembre 2014 Du lundi au samedi à 21h Durée : 1h05 Tarifs : de 16 à 26 euros Réservations par téléphone au 01 43 57 42 14
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Jusqu’au 20 décembre 2014
Adapté du roman éponyme d’Eric Reinhardt, Le moral des ménages est la chronique savoureuse et mordante d’un enfant de la classe moyenne qui a des hauts et des bas.
Le personnage central, interprété par Mathieu Amalric, s’appelle Manuel Carsen. Il rumine avec humour sur son enfance et son adolescence tristement bercées par les sempiternelles plaintes de son père, commercial sans bravoure ni réussite, écrasé par son patron et ses collègues et diminué par sa femme. Ce fils On est dans ce contexte à l’écart de la misère sociale noire et des tragédies individuelles, mais tout de même cruellement embourbé dans le climat maussade d’une catégorie socio-professionnelle qui ronchonne, qui s’ennuie, qui souffre d’un manque de reconnaissance, qui ne parvient pas à trouver une porte de sortie vers la fantaisie, envieuse de ceux qui réussissent mieux et ne trouvant ni bien-être ni plaisir au sein de sa propre condition. Le fils qui souffre de cet enfermement familial décide de prendre les choses en mains. A sa manière, il veut faire preuve d’héroïsme en choisissant d’être chanteur. Il veut tordre le cou avec brio à la figure du père ordinaire auquel il reproche de s’être « écrasé » toute sa vie. Il veut également tourner le dos à cette mère banale qui ne l’a pas encouragé dans ses fougues adolescentes. Il veut rejoindre le clan des gagnants, des puissants, atteindre la notoriété par le charme des chansons de variété. En somme, il veut personnifier tout le contraire de ses origines. Cela aurait pu être le monologue de ce Manuel Carsen en soif d’ascension et empêtré dans le mal-être dépressif. Mais face à lui, la comédienne Anne-Laure Tronchu incarne les multiples personnages féminins qui jalonnent sa vie. Elle est d’abord la mère, puis l’épouse, la maîtresse et enfin l’enfant, passant avec talent de la femme sans charisme à la jeune ado rageuse qui ne mâche pas ses mots. Par un brillant tour de passe-passe des générations, la fille à son tour règle ses comptes à son père. Ce revirement à travers un monologue vif et drôle permet à l’ensemble de trouver sa palette complète, remettant de la douceur où il y avait de la haine, une dose de rire où il y avait de la férocité. La fille rebelle rend hommage à la vie tranquille mais finalement rassurante de ses grands-parents puis elle tue comme il se doit la figure de son propre père, le réduisant à un pseudo-artiste égoïste, monstrueusement ambitieux. La metteur en scène Stéphanie Cléau gomme visuellement l’aspect trivial de cet univers morose. Elle a choisi d’occuper une partie du plateau par des dessins sombres de Blutch, donnant ainsi aux comédiens et au texte leurs propres espaces mentaux. Le spectateur peut à la fois saisir l’étroitesse de cette famille sans y étouffer lui-même. Il est en mesure de comprendre l’humiliation tout en pouvant adhérer au rêve du fils. L’ambiance sonore composée de musiques de films propose un dégagement mental à l’image de celui qui envahit le personnage central. On peut ainsi évoluer sur la courbe du moral des ménages avec une complexité aérée, entrainé avec légèreté sur les hauts et les bas de l’environnement familial et social grâce à une scénographie qui ouvre à l’imaginaire et à une présence colorée et contrastée des deux comédiens, Mathieu Amalric attirant à juste titre ses fans. Emilie Darlier [Crédit Photos : © Marc Domage] |
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