L’Homme au crâne rasé, grand duo à ras le cœur
L’Homme au crâne rasé De et avec Natalie Broods et Peter Van den Eede Compagnie de KOE D’après les pensées de John Daisne Jusqu’au 17 juin 2014 à 20h, le dimanche à 17h Relâche les 7,8, 9, 15 Tarifs : de 14 à 24 € Réservations au Durée : 1h40 Théâtre de la Bastille |
Un homme et une femme se retrouvent par hasard lors d’une visite de la chapelle Sixtine. Leur amour passé est ravivé et réinterrogé. Mais l’échec de la relation contient l’échec d’une reprise possible, dans ses plus cruels et risibles détails. Très grand duo contemporain, en une langue et une scénographie au scalpel. La pièce est une adaptation du livre éponyme de l’auteur flamand John Daisne, dont le cinéaste André Delvaux avait déjà tiré un film dans les années 60. Pour commencer, un homme et une femme sont assis autour d’une table au fond d’un restaurant désert. L’homme, dans ce dialogue lointain et indistinct, évoque le roman pour petit à petit dérouler son propre cheminement à l’image de ce personnage fictif. Il est à la fois cet homme et à la fois un autre, cernant des points communs et pourtant prenant des pistes différentes. Le début de la pièce s’étire dans ce fond de scène au rythme des voix enchevêtrées et des mots maladroits. Puis, petit à petit, l’homme et la femme vont s’avancer, se lever, se donner des respirations pour poursuivre leur tentative de retrouvailles. Ces parenthèses passent alors par des adresses directes au public, par exemple pour demander un mouchoir, ceci nous plongeant dans leurs propres mouvements intérieurs. L’introspection est entrecoupée d’instantanés, le passé et le mensonge se mélangent à un profilement de futur et de recherche de vérité. Leur conversation tourne autour de l’essentiel sans pourvoir s’y centrer. Fuyant ce qui les obsède, leur amour, ils parlent à n’en plus finir d’art et de peinture, s’enfonçant dans des échanges théoriques sur le Baroque et la Renaissance, ce avec beaucoup de drôlerie quant aux démonstrations de culture, en tant que masque parfois artificiel. C’est elle néanmoins, la très belle jeune femme, qui ose aborder de front le seul sujet qui les dévore, à savoir leur amour et l’attirance violente qui à nouveau les gagne. Mais lui ne cesse de se défiler et de biaiser, laissant croître la séduction tout en se retranchant sous des conversations de façade. Ainsi, longuement il narre une autopsie à laquelle il a assisté à cause d’un ami médecin qui a cru lui faire plaisir en l’autorisant à vivre une telle expérience. Son récit est à la fois terrible et hilarant. La jeune femme veut l’interrompre et ramener son ex-amant à la situation présente, mais l’on sent que derrière cette insistance de l’homme, c’est sa propre peur de la mort qui l’empêche de regarder la vie et le désir qui lui tendent les bras. Le chassé-croisé cruel se poursuit, passe par des échanges savoureux sur des questions de frigidaire et des souvenirs de voyages en Grèce. Puis le paroxysme est atteint lorsque la jeune femme s’emporte dans une danse aux pieds nus, folle, rageuse et désespérément sensuelle. On y voit sa blessure liée au comportement passé de cet homme et l’impossibilité pour celui-ci de réparer ou changer quoi que ce soit à cette terrible destruction et à l’impasse dans laquelle ils sont conduits. Duo-duel Emilie Darlier-Bournat [Visuel : Koen Broo] |
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