Techno Nature – galerie Zürcher
Descartes imaginait un monde peuplé de tourbillons de matière et Pascal, dans ses Expériences nouvelles touchant le vide mit en évidence «la pression de l’air». Il fallut attendre Rutherford en 1911 pour comprendre que la matière elle-même est composée de vide à 99,999…%, chose inconcevable sinon en termes d’échelle. L’infiniment petit des atomes comme l’infiniment grand de l’univers galactique reposait ainsi sur un paradoxe : le caractère immatériel de la matière. Ce modèle ne pouvait qu’affecter les modes de représentation de la nature longtemps gouverné par celui de « la fenêtre ouverte sur le monde », la veduta des peintres depuis la Renaissance italienne et aujourd’hui l’écran des ordinateurs puis ceux des téléphones portables connectés aux réseaux et aux sites internet. L’exposition «Techno Nature» privilégie ainsi plusieurs «points de vue » de la toile à l’écran proposés par Dan Hays, Michel Huelin, Leslie Thornton, et Paul DeMuro.
La série des « Binoculars » de Leslie Thornton conduit également à l’abstraction. Dans l’œuvre de Thornton nature et technologie interfèrent. Deux champs circulaires apparaissent côte à côte sur l’écran d’un moniteur. Dans celui de gauche des animaux exotiques ou familiers ont été filmés dans leur cadre habituel tandis que dans celui de droite leur image a subi un traitement expérimental de manière à former un pattern centripète comme le ferait un kaléidoscope. Les deux champs circulaires qui forment cette lunette virtuelle sont intimement liés de sorte qu’un mouvement perpétuel effectue le passage de l’un à l’autre. L’effet est saisissant car le spectateur assiste à une « atomisation » du sujet transformé soudain en un pur système sémantique.
Michel Huelin joue également sur le concept de « transformation » en créant l’image d’une nature ayant subi de nombreuses hybridations et mutations, parfois « contre-nature ». Après des créations digitales aboutissant à des images lambda-print et video, il a repris la peinture en associant le tracé manuel au pinceau à la matière hautement technologique des résines alkydes. En découvrant ce monde sans échelle, l’œil du spectateur plonge dans un écosystème régi par l’indétermination entre les dimensions macro et microscopiques, comme par l’indéfinition entre le « naturel » et l’ « objectif ».
Les peintures de Paul DeMuro constituent une application logicielle basée sur le principe d’inversion de l’image photographique. Par un usage intuitif de la couleur mise en relief dans la pratique d’une peinture en épaisseur quasiment sculpturale, DeMuro cherche à mettre «la relation humaine» en connexion avec la machine. Pour lui, «le jour n’est pas si lointain où un programme informatique sera capable de reproduire ces messages les plus intimes — posts, pics, tweets, etc. — qui définissent notre identité sous la forme d’un algorithme dont la répétition à l’infini nous fera exister bien après que nous ayons disparu corps et bien. »
Bernard Zürcher
Techno Nature
Du 1er septembre au 13 octobre 2012
Du mardi au samedi, de midi à 19h
Vernissage le 1er septembre 2012
Galerie Zürcher
56, rue Chapon
75003 Paris
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