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Ushio Amagatsu – interview

30 avril 2013
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Ushio Amagatsu - Umusuna

Ushio Amagatsu, dans Umusuna, votre nouvelle pièce, les sept danseurs brillent d’un blanc immaculé. C’est comme s’ils devenaient immatériels, eux-mêmes sources d’une énergie rayonnante qui inonde l’espace. Même chez Sankai Juku, on ne les avait jamais vus si blancs et purs. 

Pour moi, les éclairages sont comme la respiration de l’espace scénique. J’essaye de fondre des danseurs avec leur respiration dans un espace scénique qui respire, lui aussi. 

Le titre Umusuna est suivi de Mémoires d’avant l’histoire. De quel genre de souvenirs s’agit-il ?

Ces souvenirs-là sont profondément enfouis en nous et en nos corps. Concernant ce que nous appelons « l’histoire », nous privilégions généralement une transmission codifiée. Chez moi, il s’agit de la mémoire corporelle remontant à la préhistoire. Mais même si cette mémoire remonte de très loin, un point de départ doit avoir existé. La reproduction de la phylogénèse dans l’ontogénèse semble l’indiquer. Chaque enfant qui naît hérite d’une DNA qui parcourt tous les stades de l’évolution jusqu’à Homo Sapiens. 

Les pièces de Sankai Juku décrivent toujours un cycle, fait de sept tableaux. Ici, la dernière est intitulée Ubusu, une variante moderne du mot « Umusu », le lieu de naissance. Mais la vie qui s’ensuit est vue comme quelque chose qui ne cesse jamais de se transformer, tel un tas de sable exposé aux vagues ou au vent. 

Je suis né près de la mer. Sur la côte, on peut observer un jeu de couleurs qui changent sans cesse, de l’aube à l’azur, du rouge du coucher du soleil au bleu le plus foncé. Par la répétition quotidienne de ce processus, qui pourtant se déroule toujours de manière différente, on ressent quelque chose qui correspond à ce que nous appelons « l’éternité ». 

Comme dans vos pièces précédentes, la nature est très présente dans « Umusuna ». Mais l’eau ou des éléments végétaux avaient généralement leur propre vie et une poésie au-delà de la danse. Ici, la nature est présentée de façon stylisée et rigoureuse. Cela exprime-t-il le souhait de retrouver une nature moins chaotique que celle qui a secoué le Japon quand vous étiez en train de travailler sur cette création ? 

Il est vrai que je cherche ici une approche plus universelle de la nature. Les tableaux traient de l’eau, du feu, du vent et de la terre. A cela s’ajoutent des œuvres de peintres, de poètes, de philosophes, et de compositeurs. Mais je ne veux pas traiter directement du tremblement de terre ou du tsunami. Il y a toujours eu des catastrophes naturelles au Japon. Fukushima, c’est pire, parce que la responsabilité incombe à l’homme lui-même. 

On entend parfois une musique qui rappelle les enfers. Au fond de la scène deux énormes balances semblent mesurer le poids de la vie et de la mort. Que signifie la mort pour vous ? 

Le néant. Et le néant n’est rien d’autre que le néant, mais lui aussi fait partie de la nature et la nature est contenue en lui. Mais je ne veux pas m’exprimer explicitement au sujet de la mort. Disons qu’il s’agit de peser la vie. Les pendules suggèrent l’équilibre et le déséquilibre dans le temps et dans l’espace. Je pense que dans la nature, tout déséquilibre tend vers le retour à un état d’équilibre. 

Vous dansez de moins en moins dans vos pièces. Un solo au début, un autre vers la fin… Pourquoi, puisque le danseur de butô n’a pas d’âge ? 

Je sens cependant que mon corps vieillit. Je l’accepte comme un processus naturel et c’est que je veux représenter sur scène. Dans « Umusuna » je suis en effet présent dans le premier et le sixième tableau. Cela tient à la structure et à la dramaturgie de la pièce. 

Propos reueuillis par Thomas Hahn

Umusuna

Chorégraphie, concept, direction : Ushio Amagatsu

Musique : Takashi Kako, Yaskas-Kas, Yochiro Yoshikawa

Du 2 au 11 mai 2013
Du vendredi au samedi à 20h30
Dimanche 5 mai à 15h
Relâche le 8 mai 

Durée : 1h30

Théâtre de la Ville
2 place du Châtelet
75004 Paris 

www.theatredelaville-paris.com

[Photo : Umusuna au Théâtre de la Ville ©Sankai Juku]
 

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