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“Biographie : un jeu” : et si c’était à refaire ?

© Giovanni Cittadini Cesi

Au Théâtre du Rond-Point, José Garcia, Isabelle Carré et Jérôme Kircher sont les protagonistes inquiétants d’un compte à rebours qui remet en jeu leur vie, selon des points de vue différents. La pièce captivante de Max Frisch est montée avec délicatesse par Frédéric Bélier-Garcia dans un décor cinématographique. 

Touche départ

© Giovanni Cittadini Cesi

Et si chacune de nos actions était réversible ? Notre vie un terrain de jeu, où comme aux échecs, la partie était à refaire, en en connaissant les risques et les accidents de parcours ? C’est le thème de cette pièce de l’écrivain suisse allemand Max Frisch, qui fut créée à Zurich en 1968, et que Frédéric Bélier-Garcia avait monté dans une première version en 1999, et qu’il nous présente aujourd’hui avec un casting luxueux. José Garcia, dont c’est la première expérience au théâtre, incarne le héros, Kürmann, un professeur d’université respecté qui a divorcé de sa femme Antoinette avant de s’en débarrasser totalement. On ne racontera pas comment. Dans une scénographie astucieuse signée Alban Ho Van qui juxtapose des boites transparentes en faisant glisser les murs des différents lieux, éclairés cinématographiquement par Dominique Bruguière, un meneur de jeu campé par Jérôme Kircher ordonne ou propose des hypothèses de vie avec une ironie mordante et une objectivité démoniaque. Ce Faust moderne, tout de noir vêtu, agit comme un lutin assisté de deux complices, dAna Blagojević et Ferdinand Régent-Chappey, qui jouent alternativement tous les autres personnages qui entourent le héros.

Femme fatale

© Giovanni Cittadini Cesi

La blonde Isabelle Carré est Antoinette, élégance d’héroïne à la Hitchcock, froide et mystérieuse, habillée à la perfection par Marie la Rocca. Elle aussi est soumise à ce jeu d’échecs qui la mènera inexorablement à une fin fatale. Car la pièce, par ses répétitions, ses fausses pistes, ressemble étrangement à un roman policier dans lequel un détective recherche des preuves en cherchant à reconstituer le faits. Dans un salon au design coloré des années 70, on retrouve donc Kürmann chez lui, à la fin d’une soirée arrosée, en train de tenter de se débarrasser de la coquine Antoinette, alanguie dans un fauteuil et grillant sa dixième cigarette. Un verre de trop ou de moins, un geste trop explicite, un taxi commandé ou décommandé, un sourire ou un soupir peuvent changer toute une vie au début d’une rencontre. Pourquoi ensuite la fine Antoinette s’est-elle mise à fréquenter assidûment Egon, le jeune et bel architecte, et pourquoi son mari, Kürmann, s’est mis à tolérer cette relation sans écouter l’angoisse qui rongeait son coeur et son corps ? 

Une radiographie sans concession

© Giovanni Cittadini Cesi

Max Frisch nous place devant les choix de nos parcours de vie, de nos mensonges conscients ou inconscients et de notre bonne ou mauvaise foi. Car au final, son héros ne parvient pas à faire évoluer ses pions malgré les alertes du meneur de jeu, sorte de surmoi. Frédéric Bélier-Garcia et ses comédiens talentueux ne nous forcent pas la main en laissant évoluer avec finesse les personnages, dans la fluidité d’une mise en scène précise et claire. Il aurait été judicieux de raccourcir le spectacle d’une vingtaine de minutes pour mieux capter l’attention du spectateur. Une réussite en tous cas que cette nouvelle production d’un auteur trop peu joué.

Hélène Kuttner




 

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