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“Chœur des amants” : Tiago Rodrigues nous touche au cœur

Hélène Kuttner 8 octobre 2022
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© Filipe Ferreira

Dans un spectacle en forme de chant d’amour, l’auteur et metteur en scène Tiago Rodrigues nous invite à partager les étapes de la vie d’un jeune couple, des urgences à l’hôpital pour une crise d’asthme au voyage en safari tant rêvé, l’homme et la femme évoquant les mêmes événements en écho fidèle ou déformé. David Geselson et Alma Palacios sont nos guides à travers cette forêt de mots et de silences, d’une poésie puissante, et ils sont fabuleux.

“Scarface”

Un couple, deux trentenaires. Ils sont en train de regarder ensemble le film Scarface avec l’acteur américain Al Pacino, confortablement calés dans le canapé de leur appartement. Mais elle a du mal à respirer, se sent oppressée comme si un éléphant lui marchait sur la poitrine. Ils filent aux urgences à toute allure, la jeune femme sent sa vie se dérober sous elle. L’attente, la réanimation, la salle d’attente d’un hôpital, le temps qu’il faut pour réveiller un mort, alors que l’on a en tête le visage d’Al Pacino et ses yeux fixés follement en braquant son révolver. Alma Palacios et David Geselson enchaînent avec un brio virtuose leur récit, à vive allure ou en prenant des temps, un texte pris en charge par chacun d’eux qui racontent, ensemble mais selon leur propre point de vue cette même histoire. La vie, la suspension du temps, l’antichambre de la mort, puis la vie de nouveau, le film, les café, les projets de déménagement et les bonnes résolutions. Chacun raconte sa version des faits, commente, puis les discours divergent, s’interrompent, avant un apaisement avec le dialogue qui vient tout réconcilier.

Un “aujourd’hui imparfait”

© Filipe Ferreira

Quinze ans après sa création en 2007, la première pièce de Rodrigues s’est enrichie de plusieurs couches stratosphériques qui disent le temps qui passe, les confinements dûs à la crise sanitaire, la prise de conscience écologique. Elle est traduite en français par l’auteur dans une langue resserrée, claire et simple, poétique et fulgurante. Qu’est-ce que signifie vivre, sinon accepter la vie avec ses aléas et accepter, comme on entre dans une forêt qui vient nous posséder, qu’elle s’arrête, prenne une pause, transitoire ou définitive, et que nous devenions cet humus qui permet aux arbres et à la végétation de se multiplier ? Mais le spectacle, d’une beauté parfaite sur ce plateau couvert de feuilles d’automne, parle surtout d’amour, du couple impossible et éternellement recommencé, basé sur le partage et le don. Un amour qui magnifie la vie de chacun. Chaque spectateur pourra, selon son âge et selon sa situation, savourer ce texte aux multiples chemins. Tiago Rodrigues parle de lui à travers ses deux personnages, et sa parole s’approche peu à peu d’une sagesse bouddhiste, navigant entre la chanson « Quand il n’y a que l’amour » de Brel et le lyrisme généreux de Rilke, par la grâce de deux comédiens magiciens.

Hélène Kuttner 

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