“Lisbeth’s” ou l’amour à mort
©Carole Parodi
Un homme rencontre une femme dans la rue Jules Michelet à Tours. Le coup de foudre est immédiat. Il s’ensuit un véritable voyage aux pulsions amoureuses où s’entremêlent le désir et l’effroi. Devant deux micros, Marie Druc et Valentin Rossier incarnent ces deux figures du désir que le réel déshabille en permanence dans un texte magnétique de Fabrice Melquiot. Un fulgurant spectacle qui plonge au delà du fantasme.
Merci pour le coup de foudre
Qu’est-ce qu’un coup de foudre ? Un phénomène qu’un individu expérimente lors d’une rencontre subite avec une personne inconnue, dont l’attirance est amplifiée par une sensation de surprise liée à la rencontre. Pietr, un commercial qui vend des encyclopédies, éprouve soudain un coup de foudre pour Lisbeth sur une terrasse d’un café à Tours. Elle est belle, elle est seule, vient de quitter son mari ce matin, ainsi que son emploi dans la bijouterie de luxe dont il est le gérant. Tous deux éprouvent une attirance réciproque, ils se découvrent, apprivoisant leurs coeurs et leurs corps dans des chambres d’hôtel, jusqu’à ne plus pouvoir se passer l’un de l’autre. Le texte de Fabrice Melquiot s’amuse à brouiller les pistes de la cohérence. Il tricote dialogues et récit, monologues intérieurs et paroles échangées. On est à la fois dans la tête de Pietr, dans celle de Lisbeth, dans un temps qui s’imprime au présent, et en même temps lié aux souvenirs égrenés.
Brouillage du réel

©Carole Parodi
D’où vient donc que la cicatrice au ventre de Lisbeth ait soudain disparu ? Et pourquoi semble-t-elle soudain nier sa maternité, elle qui a présenté son jeune garçon à Pietr ? Lisbeth est-elle la même femme ou une autre ? Pourquoi Pietr a t-il du mal à recoller tous les morceaux de cette histoire ? Pourquoi soudain cet amour fou se transforme-t-il en haine, en un désir d’anéantissement de l’autre ? Est-ce la perception de Pietr qui évolue, à mesure qu’il découvre Lisbeth qui continue de lui échapper ? C’est de cela dont parle le texte de Melquiot, qui traque la part de réel et de fantasme de tout coup de foudre entre deux inconnus. Que connaît-on de l’autre, même dénudé ? Quelle est la part de projection que l’on jette sur la personne aimée ? Et la part de réalité objective ?
Mise en scène haletante

©Carole Parodi
Valentin Rossier a adapté le texte de Fabrice Melquiot avec la contrainte de deux corps statiques, simplement placés devant des micros. Le résultat est étonnant de puissance et d’intensité, car les mots, doux, crus ou comiques, débarrassés d’une gestuelle mimétique, gagnent une valeur magistrale. Marie Druc, en jean et tee-shirt noir, est cette jeune femme à la blondeur énigmatique, Lisbeth au grand cœur et aux mensonges enfantins, idéal féminin de Pietr incarné par Valentin Rossier, poignant d’émotion et de pugnacité dramatique. Des nappes de musique électronique vont et viennent tandis que les sources lumineuses se font de plus en plus intenses. Le duo amoureux, sensuel avec les voix amplifiées par les micros, se fait duel, corps à corps bestial d’inconnus qui cherchent à s’entretuer. Dans un hôtel du bord de mer de La Rochelle se joue la plus antique des mises à mort : celle de la relation amoureuse de deux êtres qui ont peur de perdre leur identité, et ne se reconnaissent plus. C’est magnifique.
Hélène Kuttner
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