“Le Quatrième mur” : un écho puissant à l’actualité
"Le Quatrième mur" de David Oelhoffen © Le Pacte
Le Quatrième mur, réalisé par David Oelhoffen et sorti le 15 janvier dernier, est un film qui laisse une empreinte indélébile dans l’esprit du spectateur. Adapté du roman poignant de Sorj Chalandon, il nous plonge dans la guerre civile libanaise, un conflit fratricide où l’absurdité de la violence semble engloutir toute possibilité de réconciliation. “C’est le Liban qui tire sur le Liban”, déclare l’un des personnages, résumant la tragédie d’un pays déchiré par ses divisions communautaires. Pourtant, au milieu du chaos, une lueur d’espoir apparaît : un projet artistique fou, utopique et terriblement humain.
Ce projet, porté par Georges – interprété par Laurent Lafitte dans une prestation magistrale – metteur en scène français, consiste à monter Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. L’objectif ? Réunir sur scène des acteurs issus de chaque camp belligérant : Palestiniens, Druzes, Arméniens, Phalangistes chrétiens, Musulmans chiites… L’idée, audacieuse, est de créer une trêve artistique, un espace temporaire de dialogue. Mais rapidement, cette tentative se heurte au conflit inexplicable qui fait rage dans la ville, et le rêve de Georges devient un défi face à conflit qui le dépasse.
Les répétitions de la pièce, menées sur la ligne de démarcation, au cœur de la zone de combats, sont comme des moments suspendus, où l’art tente de panser des blessures irréparables. Ce contraste saisissant entre la beauté fragile des répétitions théâtrales et les scènes de destruction qui défigurent Beyrouth illustre la tension entre l’espoir et le drame. La fureur de la guerre imprègne chaque instant du film, et les comédiens se retrouvent réduits à des instruments d’un conflit qui les dépasse, où la tragédie d’Antigone semble se superposer à leur propre destinée.
Cependant, un aspect crucial mérite d’être souligné : Le Quatrième mur met en avant un idéalisme qui semble quelque peu déconnecté des réalités contemporaines. L’intrigue du film tourne autour d’un personnage, Georges, qui tente d’imposer sa propre vision du monde à travers sa culture. Sa quête de promouvoir le vivre-ensemble apparaît décalée, voire obsolète, au regard de la complexité du conflit qui ravage la région.
Le Quatrième mur n’est pas seulement une plongée dans le passé, c’est aussi un miroir tendu à l’actualité. En effet, l’enjeu du film dépasse la simple reconstitution historique de la guerre civile libanaise. Il soulève la question de la légitimité de filmer dans un Beyrouth fragile, marqué par l’explosion du port en 2020 et les récents bombardements israéliens. David Oelhoffen interroge la place de l’art dans un contexte aussi tragique : peut-on réellement créer dans un tel environnement sans risquer d’exploiter la douleur ?
Ainsi, le film trouve sa force dans la tension entre le projet artistique de Georges et la terreur qui envahit la ville. La tentative de réunir les belligérants sur scène devient un acte de résistance, une forme de paix fragile mais essentielle. Ce contraste entre la beauté des répétitions et la destruction de Beyrouth illustre la manière dont l’art peut offrir une échappatoire, une possibilité d’espoir même dans les pires moments. Le Quatrième mur ne se contente pas de témoigner de la guerre ; il en fait un appel à l’humanité, un moyen de réagir et de résister à travers la culture, en dépit de l’horreur qui l’entoure.
Une œuvre saisissante, d’une humanité poignante, qui questionne notre capacité à espérer dans un monde où la violence omniprésente met à l’épreuve même les rêves les plus audacieux. À aller voir absolument !
Zoé Lunven
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