0 Shares 2351 Views

Duncan Wylie – From chaos – JGM. Galerie

13 juillet 2012
2351 Vues
JGM Galerie

« Un ‘ciel qui tombe’, une bâtisse rouge ‘qui gît littéralement’… Les œuvres de Duncan Wylie semblent ne pouvoir être décrites, par l’artiste même, qu’en termes de tectonique. Traversées par une dynamique de soulèvement des masses et d’entrechoc entre les plans,  elles opposent au regard qui voudrait glisser trop vite sur elles la complexité d’images construites et déconstruites par strates ; la profondeur d’un espace que l’artiste tente de repousser toujours plus avant. Y éclate un tohu-bohu explosif dont l’énergie provient d’une tension dont l’artiste joue entre abstraction et figuration.

Cherchant en 2006 à sortir de ses séries précédentes, il multiplie les esquisses. Son processus même de recherche gestuelle et picturale l’amène alors à ouvrir son œuvre à l’iconographie du cataclysme. Pour dominer ce chaos, il s’arme d’un protocole. Il attaque la toile soit directement, soit après avoir tracé dessus une grille orthonormée lui servant de trame de départ, presque d’échafaudage. Viennent alors ses premières touches de peinture hâtivement tracées à l’alkyd, huile à séchage rapide à la texture un peu brute, et aux couleurs assez basiques. S’ensuivent des couches à l’huile fines et transparentes aux teintes plus recherchées, auxquelles se superposent, à leur tour, d’autres couches de peinture, d’autres épaisseurs.

S’inscrivant dans la durée et la prise de recul permanent sur ce qui est en train de se passer, cette méthode fondée sur l’accumulation des strates laisse toute latitude aux repentirs et aux revirements imposés par la peinture elle-même. A l’écoute de tout accident, attentif à laisser la peinture suivre sa voie naturelle d’évolution, Duncan Wylie ne connaît jamais d’avance l’issue de son travail. Il se laisse emmener vers une histoire qu’il découvre ; vers une œuvre qu’il laisse émerger, sans rien lui imposer. 

Inspirés de photographies ou de coupures de journaux, des fragments identifiables font surface. La collision règne dans ce qui advient. L’accident nucléaire de la centrale de Tchernobyl (1986) achoppe sur la célèbre Maison sur la cascade (Fallingwater, 1935) de Frank Lloyd Wright. Un immeuble éventré de Gaza se fond avec des tas de gravats du Japon. Dans la série exposée en exclusivité à la galerie JGM, la figure humaine apparaît aussi pour la première parfois parmi les décombres. La perte de repères spatio-temporels reste néanmoins totale. Les échelles se brouillent, les accidents se multiplient. L’œuvre se fait palimpseste, témoin de pans d’histoires hétéroclites qui se superposent sur une même surface sans se fondre tout à fait.

Tout se passe comme si Duncan Wylie nous donnait à voir à travers sa peinture en mille-feuille, différentes strates de la mémoire. Mémoire fragmentée d’un monde en transformation. Mémoire d’une histoire de l’art où se croisent la conception européenne de la peinture comme « fenêtre ouverte sur le monde », et l’approche anglo-saxonne d’une peinture à dimension murale. Mémoire du temps long, de réalisation de l’œuvre. Mémoire propre de l’artiste, sa palette ayant puisé dans les couleurs des petites écoles rurales de son pays d’origine, le Zimbabwe, un vert très particulier. 

Anarchitecte à la manière d’un Gordon Matta-Clark, Duncan Wylie va à l’encontre des édifices mentaux très stables dont les Grecs adeptes de  l’« art de mémoire » se servaient pour tout mémoriser. Il bâtit des démolitions. Il creuse les failles de la mémoire du monde, de l’histoire de l’art, de la sienne propre. Il mélange les images, tout en jouant sur des effets de démultiplication et de miroirs, que certains de ses derniers tableaux reprennent jusque dans la forme du diptyque. Au final, le chaos structuré de ses peintures, loin d’être apocalyptique, relève plutôt d’une palingénésie énergique, aussi sonnante et éclatante qu’un air de trompette de Miles Davis. Nourri d’un mouvement perpétuel de destruction-création ouvrant sur tous les possibles, l’espace du tableau laisse la peinture gagner sur l’image et l’énergie du renouveau, prendre le dessus sur la ruine. »

Juliette Singer
Conservatrice du patrimoine
Conservatrice des musées de Boulogne-Billancourt

Duncan Wylie – From chaos 

Du 8 septembre au 3 novembre 2012
Du lundi au vendredi, de 10h à 19h, le samedi de 11h à 19h 

Vernissage le 8 septembre 2012

Galerie JGM.
79, rue du Temple
75003 Paris

www.jgmgalerie.com

Articles liés

CookSound Festival : Le festival mêlant musique et cuisine revient pour sa 13e édition dès le 18 juillet à Forcalquier !
Agenda
88 vues

CookSound Festival : Le festival mêlant musique et cuisine revient pour sa 13e édition dès le 18 juillet à Forcalquier !

Un festival éco-responsable… Un cadre exceptionnel… Un festival pluridisciplinaire et gourmand… la date est annoncée ! C’est bien à partir du 18 juillet, pour 3 jours de programmation complète, que le CookSound Festival revient pour sa 13e édition !...

La Colline des Arts 2024 : un parcours artistique exceptionnel sur la colline de Chaillot du 13 au 16 juin !
Agenda
244 vues

La Colline des Arts 2024 : un parcours artistique exceptionnel sur la colline de Chaillot du 13 au 16 juin !

À l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, les onze institutions culturelles de La Colline des Arts ont conçu un parcours inédit sous le signe du corps en mouvement. Ateliers, rencontres, spectacles, démonstrations, visites… Une programmation artistique...

Dans le cadre du Festival Off Avignon, “Folies au Manoir”, une enquête loufoque !
Agenda
103 vues

Dans le cadre du Festival Off Avignon, “Folies au Manoir”, une enquête loufoque !

Un crime a été commis au Manoir de Jean-Eude et Marie-Christine… Réussirez-vous à dénicher le coupable ? Entrez dans l’univers chic de cette folle enquête où se mêleront liaisons amoureuses, combat d’épée et danse ! 1h20 de rire garanti...