Manpower, L’Entraineuse fatale – drame avec Marlene Dietrich
1941. Tandis que le jeune Orson Welles tourne son premier film, Citizen Kane, Raoul Walsh, vaillant quinquagénaire, en réalise quatre pour le compte de la Warner – La Grande Evasion, The Strawberry Blonde, Manpower et La Charge fantastique. Année faste ? En qualité oui, en quantité non car il n’était pas rare que le cinéaste fournisse trois ou quatre films par an.
La prodigieuse énergie avec laquelle Walsh exerçait son art (art n’est bien entendu pas le mot qu’il aurait utilisé) serait sans valeur — Hollywood a connu des réalisateurs encore plus — si elle ne se déployait pas sur l’écran, sous la forme d’un ahurissant dynamisme dramatique et formel. Rarement, dans l’histoire du cinéma américain commercial, pratique et style, personnalité et expression se sont, comme dans son cas, retrouvés si intimement intriqués.
Des quatre films réalisés cette année-là, Manpower est celui qu’il importe aujourd’hui de revoir. Mieux : de révéler. Moins épique que La Charge Fantastique, moins puissant que La Grande Évasion, moins ébouriffant que The Strawberry Blonde, le film semble offrir une facture plus conventionnelle, et jouer sur des situations et des personnages plus archétypaux. Il souffre aussi d’être très proche, thématiquement et temporellement, d’un autre film de Walsh, They Drive by Night, avec George Raft et Humphrey Bogart, dont le titre français, Une femme dangereuse, lui aurait également convenu.
D’une œuvre à l’autre, à un an d’intervalle, se répète le même ressort dramaturgique — l’amitié de deux hommes menacée par une femme — sur fond commun de réalisme social et de film noir fusionnés. Pour autant Manpower est tout sauf un copier-coller sans âme. C’est au contraire un film profondément inspiré et incarné, tourné avec conviction (et virilité : le tournage a été entaché d’une rixe vigoureuse entre Raft et Robinson), regorgeant d’ambiances visuelles fortes et retravaillant de l’intérieur des motifs aux modulations infinies.
Moins typique peut-être que d’autres films de Walsh — mais encore faut-il savoir de quel Walsh on —, il a pour lui la force de frappe sourde d’un lyrisme concentré, d’une densité dégraissée, d’un déchaînement dépouillé des passions et des éléments, d’un chaos restitué avec la clarté de l’esthétique classique. Manpower , faux film redondant, authentique épure de l’art walshien.
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Manpower, L’Entraineuse fatale (1941)
De Raoul Walsh
Avec Marlene Dietrich, Eward G. Robinson, George Raft, Alan Hale, Ward Bond
N&B – USA – VOSTF
Durée : 103 min.
Sortie le 11 juillet 2012
En exclusivité à l’ACtion Christine – Paris 6
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