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Le CyKlop : “J’aime susciter le désir d’être surpris.”

15 novembre 2016
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Le CyKlop

Du 18 novembre au 31 décembre

Vernissage le 17 novembre à partir de 17h

Tarif : gratuit

Galerie Nunc
3, rue d’Arras
75005 Paris

M° Cardinal Lemoine
(ligne 10)
ou Jussieu
(lignes 7 et 10)

Le CyKlop est né d’une idée simple : peindre un œil sur les potelets métalliques qui pullulent sur les trottoirs de nos villes. Pour s’amuser, pour amuser. Une évidence pour Olivier d’Hondt, graphiste passé maître en détournement d’objets. D’abord une poignée, puis d’autres, par dizaines, par centaines. À son passage, les tubes de fer se parent de couleurs et ouvrent leur paupière. En un clin d’œil, ils gagnent le cœur de ceux qu’ils croisent. Riverains, travailleurs, enfants, touristes… Tous adoptent ces gentils petits monstres urbains qui observent le monde d’un regard bienveillant.

Comment sont apparus les premiers CyKlops ?

Ils sont nés une nuit d’hiver 2007 autour d’un square du XIe arrondissement. J’avais repéré ces potelets métalliques en me disant qu’il serait amusant de les transformer en personnages colorés. J’ai donc réalisé un collage autour du poteau pour faire le corps et j’ai peint un œil sur la boule. Je n’avais pas forcément l’intention de poursuivre cette intervention, c’est parti d’une idée, presque une plaisanterie. Les premiers ont rapidement été effacés mais j’ai eu de bons retours et cela m’a encouragé à continuer.

LeCyKlopVLU3 01C’était la première fois que tu intervenais dans la rue ?

Non, j’avais déjà réalisé quelques pochoirs au début des années 90 dans ma Normandie natale. Je suivais les débuts du street art par le biais d’articles de presse dans des magazines comme L’Écho des Savanes : Miss.Tic, Jérôme Mesnager, VLP… Je me souviens de Speedy Graphito qui détournait des objets pour en faire des œuvres d’art. En tant qu’étudiant en art et philosophie, je m’intéressais au mouvement Dada, aux surréalistes, au pop art, à la figuration libre, ces mouvements qui pratiquaient le détournement, qui faisaient écho à la bande dessinée, aux cultures populaires, tout cela faisait sens pour moi. Intervenir dans la rue répondait à une envie de sortir de chez moi, d’être en contact avec la ville et ses habitants. Lorsque j’ai commencé à réaliser des CyKlops, cela faisait plus d’une dizaine d’années que je gagnais ma vie en tant que graphiste. J’ai ressenti le besoin de m’échapper de l’ordinateur, de renouer avec quelque chose de manuel, de ludique.

Qu’est-ce qui t’a poussé à continuer ?

Le contact avec les gens, rencontrer les habitants, échanger avec eux, découvrir un quartier à travers sa population, qu’il s’agisse des riverains, des commerçants, des passants ou des touristes. J’ai l’impression que cela crée du lien social, les gens s’approprient les CyKlops. En 2010, les habitants du XIe arrondissement ont été jusqu’à faire une pétition pour que les services de la voirie épargnent les CyKlops que j’avais réalisés autour de la Cité de l’Ameublement. Et puis j’aime voir la manière dont les enfants réagissent à mes personnages, ils sont sensibles à ces créatures colorées qui font la même taille qu’eux.

Tu réalises d’ailleurs régulièrement des ateliers avec les enfants…

Oui, j’aime travailler avec eux. Je retrouve une certaine fraîcheur, ils se lâchent, partent dans plein de directions et me donnent de l’énergie, même s’ils m’en prennent également beaucoup [rires]. Il y a quelque chose de l’ordre de la transmission, leur donner envie de faire, faire pour eux et faire pour les autres, partager, créer tout en s’amusant.

Au fil du temps, différentes tribus de CyKlops se sont constituées…

LegoCityPantinLeCyKlopADAGP2014Je travaille souvent par séries. Il y a la série des animaux, que l’on retrouve notamment aux abords des parcs, ceux qui sont ornés de citations aux abords des bibliothèques, les artistes peintres dans le quartier de Montmartre, les super héros, les monstres… Parfois, le CyKlop naît du contexte, d’autres fois, il naît de la forme du potelet, selon qu’il s’agisse du potelet à boule, du potelet à gorge, du modèle “Champs-Élysées” ou ceux qui ressemblent aux pions de jeux d’échecs. Par exemple, les potelets à tête rectangulaire m’ont inspiré la série des mini-figurines Lego®.

Les potelets de Montmartre semblent être une série à part…

RueMontmARTC’est le conseil de quartier de Montmartre qui m’a proposé d’investir les potelets de ce quartier. Le projet était libre, j’ai donc choisi de représenter les artistes ayant vécu dans ce quartier historique à travers leurs œuvres emblématiques. Ce qui les distingue des autres séries, c’est qu’ils sont peints au pinceau. J’ai essayé d’imiter la touche de chaque artiste, ils sont donc très différents les uns des autres. Pendant une semaine, j’ai côtoyé la population de ce quartier à la fois populaire et touristique. Les passants étaient très positifs à l’égard de ma démarche, ils me proposaient des noms d’artistes, s’amusaient à deviner l’œuvre que j’interprétais en volume sur le potelet.

Comment choisis-tu tes emplacements ?

LeCyKlopBQL2011-2C’est très variable. La plupart du temps, je privilégie les lieux de passage, la visibilité, j’aime créer un parcours. D’autres fois, je choisis des potelets isolés pour en faire un couple d’amoureux par exemple. Parfois, ils sont plutôt destinés aux automobilistes, je choisis donc un long alignement et je travaille sur la vision d’ensemble, par tons de couleurs. Lorsqu’ils sont destinés aux piétons, je m’attarde plus sur les détails, sur le contexte, afin de raconter une histoire en rapport avec le lieu. Je suis également attentif au décor, à l’arrière-plan, car je pense à chaque fois à la façon dont je vais prendre le CyKlop en photo.

Depuis quelque temps, on peut apercevoir quelques CyKlops à la Gare de Lyon…

gareDeLyon03En effet, j’ai travaillé avec le collectif Quai 36 dans le cadre d’Art en Gare organisé par la SNCF… J’ai réalisé une centaine de CyKlops autour de la Gare de Lyon, au pied de la Tour de l’Horloge. Les animaux d’une jungle urbaine imaginaire accueillent dorénavant les voyageurs à la sortie du train. Sur le côté, pour allumer la rue, j’ai peint un arc-en-ciel dont la couleur dégouline le long des poteaux. Dans le fond du passage de Bercy, on peut lire le mot LIBERTÉ que j’ai réalisé en anamorphose sur l’ensemble des potelets alignés. Comme un petit rappel subliminal…

Quel regard portes-tu sur le street art ?

gareDeLyon02Le street art permet de visiter la ville, de découvrir des œuvres au hasard, cela invite à la déambulation, au désir d’être surpris. On peut reprocher au street art de parfois manquer de sens, d’être un peu trop naïf mais c’est un mouvement qui a apporté un souffle nouveau, une certaine fraîcheur par rapport au milieu de l’art traditionnel souvent trop élitiste. Cela participe à l’idée que l’art est partout, en toute chose, et j’aime ça. Sortir du cadre, dépasser les frontières, ouvrir le champ des possibles, s’adresser à tous et offrir différentes lectures. Et puis, c’est rare de voir un courant artistique prendre autant d’ampleur. Autrefois, les mouvements artistiques étaient figés dans le temps et inscrits géographiquement. Le street art a bousculé tout ça, c’est vivant, international et très varié.

Comment t’es-tu retrouvé à exposer ton travail en galerie ?

LeCyKlop CollectionRennes2012La première exposition à laquelle j’ai participé, c’était Vive l’Art Urbain en 2010 sur l’invitation des VLP. Il s’agissait d’une exposition collective avec Jef Aérosol, l’Atlas, Philippe Bonan, VLP et Gérard Zlotykamien. J’avais réalisé 93 CyKlops aux abords de la galerie et j’en avais exposé un à l’intérieur. J’aime cette idée de ramener la rue dans la galerie. Les expositions me permettent d’essayer des choses différentes, parfois plus abouties que ce que je pourrais faire dans la rue. En galerie, mes CyKlops deviennent des jouets, des poupées, des sculptures… Dans mon atelier, je détourne d’autres supports. Tire-bouchon, casque, bougie, chaise, jeu de fléchettes… Je poursuis cette idée qui consiste à donner une nouvelle vie aux objets, entre détournement et customisation.

Tu exposais récemment à Étampes, à la fois dans la rue et dans un musée. Peux-tu nous parler de ce que tu as fait là-bas ?

MisterFantasticC’était une initiative du studio de photo Déclic, qui organise régulièrement des expositions dans sa galerie. Le fait d’investir trois lieux différents a été pour moi l’occasion de présenter plusieurs facettes de mon travail de plasticien : la rue, la galerie et les détournements. Sur la place de l’Hôtel de Ville, j’ai peint une trentaine de personnages dorés qui déambulent du regard et interpellent les passants. Étampes est une ville royale parsemée de monuments historiques : je les ai donc volontairement intégrés à la ville en les couvrant de dorures, mais leur œil coloré ramène un peu de fantaisie et fait sourire les gens. C’est d’ailleurs dans l’Hôtel d’Anne de Pisseleu – bâti en 1538 par Jean Lamoureux et qui abrite actuellement le musée d’Étampes – que je me suis amusé à détourner les collections du musée. J’ai ajouté un gros œil peint aux sculptures dont il manquait la tête, à l’image de La Vierge à l’Enfant, une sculpture en pierre du XIIIe siècle. J’ai fait jouer le bronze de L’Enfant Dieu – une allégorie purement romantique d’Élias Robert – avec une boule de Noël. J’ai revisité sur le ton de l’humour cet enfant regardant sa mort symbolisée par la couronne d’épines posée sur ses genoux. Grâce à l’outil numérique, j’ai parodié des portraits et des œuvres emblématiques du musée que j’ai représentés avec un œil unique, ils deviennent Gaïa, Polyphème, Télémos… Les paysages se sont vu affublés d’alignements de potelets anachroniques bouleversant la construction ou la lecture du tableau. Imprimés sur des toiles et encadrés comme les originaux du musée, l’illusion est parfaite, on jurerait de véritables peintures. J’ai aussi disséminé mes yeux un peu partout, dans le sarcophage par exemple ou dans les vitrines du musée. Les cartels muséographiques, quant à eux, ont été réécrits et revisitent l’histoire de l’art et la mythologie cyclopéenne avec beaucoup d’humour et de références cachées. L’idée était de surprendre les visiteurs, de jouer avec les codes muséographiques en réinterprétant l’histoire de l’art de manière fantaisiste. Et puis, il y a eu l’exposition au Studio Déclic, plus conventionnelle : des CyKlops peints sur des poteaux, tronçonnés ou sur pied ; des photos des interventions urbaines et le reportage photo de Stéphanie B.

ExpoTraitdUnion Montreuil 2015Tu seras à partir du 17 novembre à la galerie Nunc à Paris. Que vas-tu y présenter ?

Avec Pascaline, qui dirige la galerie, nous avons monté une exposition autour du livre Fantaisies urbaines, paru dans la collection Opus Délits en septembre dernier. Il s’agit donc de montrer mon travail dans la rue, en vis-à-vis de mon travail d’atelier. Les photographies se mêlent aux sculptures, je vais jouer avec la lumière et les effets fluos. J’y présente aussi de nouvelles séries. Avec un potelet peint figé dans son morceau de trottoir, je vais tenter de faire le lien entre la rue et la galerie… C’est toujours difficile d’en parler avant que les choses ne soient vraiment en place, je vous invite donc à venir plonger dans mon univers du 18 novembre au 31 décembre, à la galerie Nunc à Paris Ve.

Nicolas Gzeley

[Crédits photos : Le CyKlop 2016 © ADAGP]

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