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L’art contemporain chinois dans un environnement mondialisé : entretien avec le directeur du Ullens Center for Contemporary Art à Pékin

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L’art contemporain chinois dans un environnement mondialisé : entretien avec le directeur du Ullens Center for Contemporary Art à Pékin

Le 26 mai 2014

Le 26 mai 2014

Directeur du Ullens Center for Contemporary Art (UCCA) à Pékin, Philip Tinari supervise des expositions d’artistes émergents et confirmés, principalement d’origine chinoise et accueille desormais plus de 500.000. visiteurs chaque année. Avant de rejoindre le musée d’art contemporain en 2011, Philip Tinari a fondé le magazine bilingue dédié à l’art, LEAP.

AMA l’a rencontré lors de l’un des événements organisés en marge d’Art Basel Hong Kong, afin d’aborder la question de l’évolution de l’art contemporain chinois.

La Chine évolue à une vitesse fulgurante dans tous les domaines, y compris le marché de l’art. Selon vous, quelles sont les caractéristiques du marché de l’art contemporain en Chine aujourd’hui?

Dernièrement, cela a été passionnant d’observer l’évolution du marché de l’art contemporain en Chine, mais aussi dans l’ensemble de l’Asie. La création contemporaine en Chine converge de plus en plus avec la création occidentale. Notre monde est de plus en plus globalisé, et les artistes interagissent, voyagent, ont accès aux mêmes sources d’informations. Pour autant, nous n’assistons pas à une uniformisation de la création. La même évolution a pu être observée quant aux collections formées dernièrement. Les collectionneurs, qu’ils soient occidentaux ou chinois, ne se limitent désormais plus à leur territoire d’origine. Au contraire, ils élaborent leur collection à partir d’œuvres d’art provenant du monde entier. D’autre part, une nouvelle génération de collectionneurs chinois est en train d’émerger, disposant d’une éducation internationale. Leurs goûts sont plus sophistiqués, et ils s’intéressent davantage à l’art contemporain de leur pays. D’une manière générale, la distinction entre occident et Chine au niveau de l’art dans son ensemble tend aujourd’hui à s’amenuiser.

Au niveau de la production artistique, qu’est ce qui définit aujourd’hui l’art contemporain en Chine ?

Dans les studios, les artistes ne sont pas censurés. Ce sont des espaces dans lesquels ils peuvent laisser libre cours à leur imagination, et expérimenter. Par contre, dans les écoles d’art en Chine, on enseigne plutôt aux élèves à ne pas trop remettre en question l’art établi et à chercher leur propre voie. On les encourage davantage à suivre des chemins tracés.

Récemment, on a pu observer que les jeunes générations d’artistes emploient moins des symboles purement chinois, et s’attachent désormais plus au processus de création.

Les artistes ont par exemple développé un intérêt pour le processus lié à la création abstraite, et cela n’était pas le cas auparavant. Ce n’est que quand l’environnement culturel dans son ensemble devient plus mature qu’une telle évolution est envisageable. Les artistes commencent davantage à s’intéresser à l’art pour l’art. Les artistes chinois ont à présent conscience que l’art chinois contemporain chinois n’a plus besoin d’être à propos de la Chine. Au fond, cela rejoint ma première idée ; l’art contemporain chinois s’approprie peu à peu les codes mondiaux, avec une attention particulière portée sur le processus de création.

D’après votre expérience en tant que directeur du UCCA, selon vous, comment vos visiteurs perçoivent-ils l’art contemporain chinois ?

La majorité des visiteurs se rendant au UCCA sont d’origine chinoise. Nous présentons les œuvres d’art d’une manière très occidentale, et cela qui fait l’intérêt et l’originalité de notre espace d’exposition. Cela est très apprécié par nos visiteurs, et c’est la raison pour laquelle ils viennent et reviennent. Bien évidemment, nous avons aussi des touristes occidentaux. Mais nous cherchons davantage à cultiver notre public chinois. Nos visiteurs sont avant tout des curieux, qui cherchent à s’ouvrir à de nouveaux aspects de la création artistique.

La réputation du UCCA n’est plus à établir à Pékin, quelle est son ambition future ?

C’est un projet qui a émergé en 2007 suite à la volonté du couple Ullens. Au cours des sept dernières années, c’est un projet qui s’est progressivement ancré dans l’environnement chinois. Cette initiative a progressivement été soutenue financièrement par diverses personnalités, et est à présent reconnue au-delà des frontières chinoises. Au départ, il a été compliqué de mettre en place un modèle de musée qui ne repose pas sur les contributions publiques. Mais chaque année la situation s’améliore. Pour le moment, le UCCA repose sur les revenus de sa boutique, sur les donations et des levées de fonds. La plupart des musées sont financièrement aidés par des institutions gouvernementales, mais ce n’est pas notre cas. Cela ne semble pas être particulièrement adapté à notre situation, car toutes ces contributions sont accompagnées d’obligations. Et nous ne souhaitons pas être contraints. C’est un choix fait en pleine conscience. Ceci étant, nous cherchons constamment de nouvelles solutions. Au-delà des préoccupations financières, notre objectif principal est évidemment de s’ancrer dans la culture locale et d’intéresser notre public.

Le UCCA se situe au centre de l’Art District, qui est un ensemble composite de nombreuses galeries à Pékin. Dans quelle mesure le UCCA interagit-il avec les nombreuses galeries de cet ensemble ?

Cet Art District était à la base un haut lieu de la culture underground à Pékin. Peu à peu, le quartier est devenu plus connu et s’est gentrifié. Nous concernant, nous ne considérons pas nos visiteurs comme des potentiels clients, mais plutôt comme des sujets curieux qui sont là pour apprendre ou participer à un atelier. Nous cherchons surtout à les comprendre, et finalement pas tellement à les éduquer. Notre objectif est avant tout de créer un dialogue, un échange. C’est une mission éminemment publique. Notre mission est bien plus complexe et ambitieuse que celle d’une galerie d’art contemporain, et c’est ce qui fait notre différence.

Art Media Agency

[Visuel: Philip Tinari, à droite ] 

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