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The Tate goes Pop

23 septembre 2015
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The Tate goes Pop

Le 18 septembre 2015

Art Média Agency

TATE Modern logo 250px copieÊtes-vous un artiste pop ? Telle est la question posée par Chris Dercon, directeur de la Tate Modern, aux 64 artistes de « The EY Exhibition : The World Goes Pop » qui se tient du 17 septembre 2015 au 24 janvier 2016, à la Tate Modern. La réponse ? « Seulement deux m’ont répondu oui, je suis un artiste pop. Les autres m’ont répondu qu’ils n’étaient pas seulement des artistes pop mais qu’ils faisaient du Pop Art… »

Le « la » est donné. Voici une exposition des moins courantes qui s’ouvre dans l’imposante structure signée Herzog & de Meuron et qui se consacre à un volet méconnu du Pop Art. Souvent assimilé aux grands noms tels que Warhol ou Lichtenstein, la Tate Modern a fait le pari — réussi — de porter la lumière sur un aspect moins connu du mouvement. Les deux commissaires de l’exposition, Jessica Morgan — conservatrice à la Tate Modern et directrice de la Dia Art Foundation — ainsi que Flavia Frigeri, ont sillonné le monde à la recherche de toute une vague d’artistes non anglo-saxons qui se sont appropriés les principes du Pop Art afin de questionner leur environnement et les événements majeurs qui ont ébranlé leur pays.

Un volet Pop Art inédit
L’exposition s’ouvre alors que EY (anciennement Ernst & Young) renouvelle son soutien à l’institution londonienne pour trois ans. Le partenariat, lancé en juillet 2013, voit donc la quatrième étape débuter après le succès des trois précédentes consacrées à Paul Klee (2013), Turner (2014) et Sonia Delaunay (2015). Selon Jessica Morgan : « Le but de cette exposition est de démontrer que le Pop Art n’est pas un phénomène cantonné aux États-Unis et au Royaume-Uni mais bien un mouvement qui a influencé d’autres pays. Beaucoup des artistes que nous présentons, n’avaient pas forcément conscience de ce qui se passait dans les pays anglo-saxons, ils connaissaient Warhol, oui, mais ne se sont pas contentés de copier ce qui se faisait. La plupart des artistes que nous avons découvert ont également été témoins de la mutation de la culture contemporaine notamment au niveau des arts visuels et des médias, mutation qui s’est étendue de par le monde de manière presque simultanée. Cette exposition met le doigt sur un véritable mouvement mondial. »

Chris Dercon de rajouter : « C’est très différent du Pop Art que nous connaissons, différent des artistes américains et britanniques qui parlent de la culture de la célébrité ou de la société de consommation d’un point de vue critique, bien sûr, mais également de manière laudative. Les œuvres de ces artistes pop se sont diffusées de par le monde et d’autres se sont servis du langage et du design pop pour raconter d’autres histoires. Ces histoires traitent de politique, de féminisme ou encore des tensions qui existent un peu partout. « The World Goes Pop » n’est pas seulement une exposition dédiée à la recherche mais une exposition brillamment montée. »

La politique : omniprésente
L’exposition commence fort et d’emblée la politique s’impose. Bez Buntu (Without Rebellion)(1970), de l’artiste polonais Jerzy ‘Jurry’ Zieliński, est sans équivoque. Cette grande figure aux yeux verts et rouge — représentant l’emblème national polonais, à savoir un aigle sur fond rouge — voit sa langue rouge clouée au sol. Cette œuvre en trois dimensions prend racine dans la Pologne communiste et reflète la brutale expérience de la censure. En avançant dans les salles, un autre thème majeur émerge : la guerre du Vietnam. « J’ai été frappé par le fait que le pays le plus riche de la planète tente de détruire un des pays les plus pauvres du monde. […] Ces quatre peintures sont ma manière de protester contre la guerre. » C’est ainsi que l’artiste finnois Raimo Reinikainen présente l’ensemble de quatre œuvres Luonnos 1.-4. Yhdysvaltain lipuksi (Sketch 1-4 for the U.S. Flag) (1966). Et les artistes asiatiques alors ? Qu’avaient-ils à dire ? Se sont-ils emparés de l’iconographie pop ? Selon Jessica Morgan : « Nous avons regardé du côté de l’Asie mais au final nous n’avons pas trouvé de pays qui produise du Pop Art, à cette époque. Le Vietnam, en particulier, était en état de crise et ce n’était ni le lieu ni le moment de produire. Nous avons cependant trouvé deux œuvres, une aux Philippines et une en Indonésie, mais malheureusement nous n’avons pas obtenu les prêts. En fait, à part le Japon et la Corée du Sud, peu de pays d’Asie se sont intéressés au Pop Art. » La conservatrice voit plus loin : « D’autres pays et régions comme l’Afrique ou le Moyen-Orient ne se sont pas pleinement intéressés au Pop Art car ils exploraient d’autres idées. L’Afrique et le Moyen-Orient se sont beaucoup tournés vers la recherche d’un langage national qui traite de l’indépendance de par la vague de décolonisation qui avait cours. Je pense également que le fait de s’emparer du Pop Art leur aurait donné un arrière-goût de retour à la domination occidentale. Un grand nombre de ces pays avait à cœur de retrouver leurs origines, les traditions populaires et les matériaux utilisés avant la colonisation. Ils étaient à la recherche d’une langue qui leur soit propre. »

Les femmes et leur corps
Les années 1960-1970 ont également été marquées par un sujet politique tout aussi sensible… Comme le souligne Flavia Frigeri : « Le pop art est souvent associé avec la société de consommation, mais tous les artistes ne partagent pas cette vision. » La question du corps de la femme et de son rôle dans la société apparaît alors comme une épineuse problématique dans laquelle de nombreuses artistes femmes engagées ont puisé leur inspiration détournant, à cette fin, l’iconographie pop. En effet, la culture pop a propulsé des mannequins publicitaires aux formes généreuses au rang d’icônes, réduisant bien souvent la femme au rang de femme-objet comme illustré par Femme-canapé (1968) de la française Nicola L, représentant le corps d’une femme allongée transformé en barquette en plastique… Plus loin, l’artiste laisse deviner son espoir de voir cette situation disparaître avec Little TV Woman : ‘I Am the Last Woman Object’ (1969). Exposée pour la première fois dans la vitrine du joaillier parisien Alfred Van Cleef, cette poupée en plastique, nue et agrémentée d’une télévision, répète à qui veut l’entendre qu’elle est la dernière femme objet, qu’on peut encore la toucher mais que ce sera la dernière fois ! Non contente de se voir imposer les diktats d’une plastique sans reproche dont la finalité lui échappe, la femme doit également faire face à l’éternel dilemme de la maman et de la putain. Peut-elle disposer de son corps comme elle l’entend ? Le slogan « Un enfant si je veux quand je veux! » pourra-t-il se faire entendre un jour ? C’est la question posée par Pilules Capsules Conciliabules (1966) de Bernard Rancillac, artiste français qui soulève le caractère tabou du sujet. Le plus intéressant étant que l’œuvre a été créée une année avant la légalisation de la contraception en France… La réponse — du moins en France — est connue depuis.

Zoom sur des scènes méconnues
Enfin, ce qui surprend tout le long du parcours de « The World Goes Pop » c’est le nombre de pays représentés et surtout les scènes très actives — qui restent bien souvent dans l’ombre — qui trouvent ici une juste place. Alors combien de pays explorés ? Jessica Morgan de répondre : « Honnêtement, je ne me souviens pas. Probablement une vingtaine. » Une salle entière est même consacrée à l’artiste roumain Cornel Brudașcu. « Je suis allée à Cluj, en Roumanie, pour voir les œuvres sur place. D’ailleurs, je tiens à préciser que toutes les œuvres présentées dans l’exposition, nous les avons découvertes dans leur pays d’origine car beaucoup des artistes sélectionnés voyagent peu. Il était également nécessaire de se rendre sur place de manière à bien comprendre la pratique remise dans son contexte. Cluj est un lieu artistique très intéressant et Brudașcu est un mentor pour beaucoup de peintres de la jeune génération dont certains sont aujourd’hui connus comme Victor Man. »

C’est donc une initiative originale, brillamment défendue par deux conservatrices curieuses et exploratrices que le visiteur pourra découvrir dès le 17 septembre à la Tate Modern. Le parcours tout en couleur, rythmé par les observations mordantes d’artistes témoins de leur époque, offre une vision peu connue du Pop Art. Mais une vision pop !

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