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Tout me trouble à la surface – Une exposition d’Éléonore False

12 avril 2021
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Dans le cadre du programme du Palais des Beaux-arts entièrement conçu, développé et mis en œuvre par les 25 étudiants de la filière “Artistes & Métiers de l’exposition” et les 11 jeunes commissaires en résidence aux Beaux-Arts de Paris, découvrez l’exposition d’Éléonore False, Tout me trouble à la surface. L’exposition, dont le commissariat a été réalisé par Kathy Alliou, sera ouverte aux professionnels du 14 avril au 16 mai 2021.

“L’exposition personnelle d’Éléonore False, Tout me trouble à la surface, est née de l’attention portée par l’artiste au corpus photographique du docteur Duchenne de Boulogne, donné à L’École des Beaux-Arts en 1875.

La réflexion sur la relation thérapeutique a récemment été libérée de la seule autorité scientifique, pour s’ouvrir à tous, dans une éthique généralisée du soin. L’artiste s’arrête sur le statut du cobaye et le déplace, le délie de son assignation à l’utilité, l’invite au sein du régime du sensible. Un sensible qui inclut la dimension esthétique à laquelle Duchenne de Boulogne lui-même avait prêté attention, mais qui la déborde. Les visages, dans leurs particularités qui ont pu jadis servir de fondement à une stigmatisation, sont désormais considérés pour eux-mêmes. Ils ne sont plus des curiosités, ils suscitent l’empathie. En lieu et place des figures mécanisées de Duchenne de Boulogne, qui manifestent des expressions sans intériorité, s’affichent maintenant des individus. L’un d’entre eux en particulier fût son modèle préféré parmi sept, le vieux cordonnier de la Salpêtrière, dont le médecin a écrit : “Cet homme est d’une intelligence bornée. De plus, il est comme on le voit, vieux et laid”. C’est sur lui que s’est concentrée l’artiste, par l’exagération d’un état psychique supposé, pour l’élaboration d’une visagéité. Le visage n’est pas l’enveloppe extérieure de l’individu mais ce par quoi il est reconnu ou à quoi il tente d’échapper.

À partir des photographies originales, Éléonore False a procédé à une suite d’étapes manuelles et mécaniques de reproductions, de sélections, de découpages et d’agrandissements. Elle métamorphose les photographies en des sculptures à grande échelle, dont les formes-silhouettes suivent ses propres découpages dans les visages. Ces formes ne découlent plus d’une excitation électrique, elles ne relèvent plus d’un rapport d’utilité. L’artiste les considère autrement, aspirant à leur rendre leur autonomie de sujet. Opérant une nouvelle focale sur l’image source, certaines de ses œuvres reformulent l’aura des visages. L’agrandissement produit une perte de précision, du flou qui provoquent une amplification des présences dans leur qualité fantomatique. Dans d’autres œuvres, Éléonore False affirme le corps agissant du médecin qui était dans un hors-champ des photographies iconiques des “ovales”. Elle arrête l’attention du spectateur sur les effets produits par la stimulation artificielle des muscles : le visage est devenu masque. Il est l’instrument d’une cartographie myologique, parfois à la limite du pathétique ou du burlesque provoqués par les rictus et les grimaces. L’image de la chemise du vieux cordonnier est démultipliée pour former une arche qui semble mimer les découpages du mouvement par la chronophotographie.

L’exposition est une invitation à entrer dans l’album photographique personnel du docteur Duchenne de Boulogne, à en être partie prenante. Le visiteur vit l’expérience d’une confrontation aux œuvres, dans le retournement des rapports d’échelle, face aux sculptures de visages dont le format le dépasse. Au sol, une moquette dont les incises dessinent des coins de photographies, suggère la vie latente des images dans un sous-bassement imaginaire.

Éléonore False inclut dans son exposition trois peintures qui manifestent la persistance des traits du vieux cordonnier dans d’autres visages. Ces têtes d’expression peintes réalisées à l’Académie au même moment, semblent informées par ces recherches scientifiques (L’Attention, par Alexandre-Claude- Louis Lavalley, 1886 ; La Haine, de Jules-Gustave Besson, 1895 ; La Réflexion, Louis-Joseph Prat, 1907). La porosité entre recherche scientifique et projets artistiques se traduit par une persistance des traits devenus des standards.

À l’entrée de l’exposition, un Tableau synoptique photographique de Duchenne de Boulogne trace une généalogie des expressions faciales. Elles sont déclinées en des vignettes représentant son modèle de prédilection jusqu’à la sculpture antique du Laocoon, dont le visage du personnage principal condense les émotions exprimant la douleur. En application de ses recherches, le médecin a corrigé les lignes “incorrectes” du visage du Laocoon, comme il avait façonné par les électrodes ceux de son cobaye vivant.

Connu pour ses “ovales”, Guillaume Duchenne de Boulogne a utilisé la photographie, en tant qu’opérateur ou faisant appel à Adrien Tournachon, frère de Nadar, pour témoigner de ses recherches sur l’application de nouveaux procédés électriques, dits de Faradisation, sur les muscles du visage. Il cherchait à décrypter « Le Mécanisme de la physionomie humaine à la recherche de la vérité parfaite de l’expression des mouvements de l’âme ». Les recherches antérieures des physiognomonistes, l’on dirait aujourd’hui de morphopsychologie, qui classèrent le caractère des personnes par système d’association aux traits du visage, ont également connu au XIXe siècle leur apogée. L’un des prolongements de ces recherches fut la stigmatisation de l’individu par ses traits en catégories morales puis criminelles au service de l’ordre social. Pour le docteur Duchenne de Boulogne, il s’agissait de comprendre le mécanisme induisant l’expression d’émotions par la stimulation artificielle des muscles faciaux, donc découplée d’une réalité intérieure.”

Kathy Alliou

À propos de l’artiste

Éléonore False est une artiste française née en 1987. Elle est diplômée des Beaux-Arts de Paris en 2013, elle enseigne à l’Institut supérieur de de- sign et d’arts de Toulouse.

Elle a été assistée de Sarah Boulassel, stagiaire, de Paul-Emile Bertonèche et de Daniel Gutiérrez Galicia, étudiants de la Filière Artistes, métiers de l’exposition.

À propos des conservatrices

Anne-Marie Garcia, conservatrice des Beaux-Arts de Paris en charge des photographies. Alice Thomine-Berrada, conservatrice des Beaux- Arts de Paris en charge des peintures.

[Source : communiqué de presse]

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