Benjamin Renoux – Les Salaisons
Photographie, peinture, sculpture, Benjamin Renoux n’est pas artiste à utiliser un médium unique. Celui qui semble avoir le désir de repousser au plus loin l’usage de la photographie, devient, selon les œuvres, un véritable Pictorialiste du XXIème siècle.
La lumière noire
Le Pictorialisme, mouvement du XIXe siècle, entendait faire de la photographie un art par le biais de l’intervention humaine sur le support. Si aujourd’hui le caractère artistique de la photographie n’est plus à prouver, ce genre d’interventions existe toujours et Benjamin Renoux aime à s’y atteler. C’est par exemple le cas de la série des«Crowd », ces photographies entoilées aux dimensions modestes dont toute l’intensité provient d’un halo de lumière. Celui-ci est généré par une couche de peinture noire moins épaisse que celle qui recouvre le reste de l’œuvre. Soulages fait du noir un outil de lumière et dans un certain sens, c’est aussi ce que nous retrouvons ici, bien que servi différemment. En choisissant de ne mettre en exergue qu’une infime partie de sa photographie noircie, Renoux en extrait la lumière et confère une importance capitale à un geste, un regard, une parole. Un clair-obscur qui n’est pas non plus sans rappeler l’art du maître en la matière : Caravage.
L’intensité dramatique
Du peintre du XVIIe siècle, Benjamin Renoux ne semble pas avoir retenu que le clair-obscur. En effet, le sentiment qui domine ses œuvres est celui de précarité ; la précarité de l’instant. Cet instant fixe et fixé d’où est extrait toute l’intensité dramatique de l’oeuvre. Ainsi, le sentiment de temps crucial suspendu de Judith et Holopherne de Caravage, se trouve modernisé en 2011 avec des œuvres comme La Mauvaise Peau #3 ou bien encore Cube #1. Dans la première, la courbe du protagoniste et la force de son geste sont fixées par l’instantanéité du cliché. Dans Cube#1, il n’en va pas de même. S’il s’agit certes d’un moment charnière, il est cependant beaucoup plus dramatique. A tout moment le cube, qui apparaîtrait presque comme un hommage au Die de Tony Smith, est susceptible de perdre son équilibre et d’avaler ainsi l’être photographié. Par cet aspect, il pourrait davantage être comparé au fameux One Ton Prop (House of Cards) de Richard Serra. Serra et Renoux font reposer l’œuvre sur elle-même, ou tout du moins, Renoux en donne l’illusion. De fait, l’énergie qui parcourt l’oeuvre marque un danger prégnant. L’imminence de la catastrophe confère ainsi à l’oeuvre un aspect d’autant plus dramatique.
Il en va enfin de même pour la série des « ID ». Ces portraits photographiques géants desquels semblent jaillir les sécrétions de résine noire. D’un point de vue métaphorique, c’est la photo plus que le corps qui est malade. Les moisissures buboniques prêtes à réduire la photographie en poussière sont stoppées et ne peuvent plus se propager. Si cela venait à arriver la photographie serait ici aussi, engloutie.
Un travail donc profondément intéressant qui touche le spectateur par sa fragilité et sa force réunies. A noter également que la mise en scène épurée dans un lieu comme Les Salaisons, à l’esthétique froide et sévère, ne peut que servir le propos du plasticien. Benjamin Renoux est un jeune artiste sur lequel on pourra incontestablement compter et dont il faudra surveiller l’évolution dans les temps à venir.
Benjamin Renoux – L’Instant T
Du 15 octobre au 13 novembre 2011
Du samedi au lundi de 15h à 19h et sur rdv
Les Salaisons – Centre d’Art Contemporain
25, avenue du Président Wilson
93230 Romainville
M° Mairie des Lilas
[Visuels (de haut en bas) : La Mauvaise Peau #3, 2011. C-print & huile sur toile. 194 x 135 cm. Cube #1, 2011. C-print sur papier, aluminium, béton. 67 x 82 x 79 cm]
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