Combo à l’IMA. L’engagement pour la liberté

Comment un message de tolérance peut-il susciter la haine ? Le street artiste Combo en a fait les frais après les attentats de Charlie Hebdo en janvier 2015. Son CoeXisT qui mêlait le symbole des trois religions du Livre est le point de départ d’une aventure artistique et humaine qui l’ont porté à Beyrouth, Genève, Evry, Sarcelle, Tell Aviv ou Tunis. L’exposition de l’Institut du Monde Arabe raconte ce parcours sous le signe de la tolérance.

Qu’est-ce qui fait courir Combo ? Son besoin de liberté est la première idée qui vient à l’esprit, celle avec laquelle il prend d’assaut les murs dans la rue pour y exprimer son point de vue, partager son art, lutter contre les clichés, quels qu’ils soient. Ses armes sont l’humour et l’impertinence, des alliés de taille affutant le regard acide et grinçant qu’il pose sur notre société. Il fait un petit pas de côté pour déconstruire nos schémas de pensée qui se seraient verrouillés par paresse intellectuelle.

La justesse de ses « slogans »

Il jongle avec les images fortes aussi bien qu’avec les mots qui claquent comme des slogans, et il touche juste : c’est son « dji-art » pour réveiller les esprits ! « Savez-vous que les Musulmans finissent leurs prières par amen, comme les Juifs et les Chrétiens ? », « Vos péchés sont trop lourds à porter, prenez un diable », « Dieu a créé les Cieux et le monde, tout le reste vient de Chine », « Moins de Hamas, plus de Houmous », « L’habit ne fait pas le moine, et la barbe ne fait pas l’imam », « Je n’ai pas traversé la mer et perdu la moitié de ma famille pour toucher le RSA », « En France, nous avons 50 000 soldats musulmans qui protègent notre pays »… Ça fonctionne puisqu’il suscite des réactions, que ce soit par les mots ou par les poings. Son « Coexist » réunissant les trois symboles des religions du Livre résume son intention : la tolérance, le respect, une autre manière de regarder et de penser.

Combattre le dogmatisme

Lui qui ne se définit pas comme un croyant se retrouve à défendre le droit d’exercer sa religion, tout en pointant les dérives des dogmatismes de tout bord qui vont à l’encontre de ce qu’il défend : la liberté. « Certitude, servitude ». Le galeriste Christian Berst s’amuse très souvent à rappeler cette citation du biologiste Jean Rostand pour évoquer les intégristes de l’art brut. Elle qualifie parfaitement ce à quoi s’attaque Combo et on peut la compléter avec ces propos de Nietzche : « Ça n’est pas le doute qui rend fou c’est la certitude. » Et justement, le faux-pas n’est pas loin pour déraper vers le dogmatisme qui sclérose. 

Combo, artiste engagé ?

Est-ce que cela fait de Combo un artiste engagé ? Pas au sens de partisan ou de militant. Combo est idéaliste certes, mais artiste avant tout. Il ne s’enferme pas dans la défense d’une cause en particulier, la page sur les religions sera bientôt tournée pour écrire un nouveau chapitre plus léger sur le nu féminin. Le lien ? Un plaidoyer pour la diversité – qu’elle soit esthétique, culturelle, identitaire… – et sa nécessité pour un monde pluriel, source de richesse humaine. « Le peintre qui veut faire un tableau communiste est un mauvais peintre » met en garde Sartre. Laissons l’intention artistique gouverner ce travail porté par la sensibilité de Combo. Ici, l’actualité ensemence un art qui n’est pas le porte-étendard d’une cause politique.

La défense de la liberté pour seul objectif

On est au-delà, même si on a tendance à lire dans le street art un art engagé, par méprise certainement et peut-être aussi à cause de cette idée reçue que la rue est le théâtre de l’expression libre. On y laisse sa trace, son nom, comme c’était déjà le cas déjà à Pompéi avant que l’éruption du Vésuve ne fasse taire ses habitants. On pouvait y lire cette sentence : « Mur, je suis surpris que tu ne te sois pas effondré sous le poids des bêtises de tous ceux qui ont écrit sur toi. » Rares sont ceux qui portent un message finalement. Combo est de ceux-là et va jusqu’à prendre des risques physiquement car, contrairement à un JR qui poursuit un travail de communication à grande échelle vide de sens et aseptisé, Combo propose une analyse intelligente qui bouscule les grilles de lecture. Il pointe les failles et les contradictions de notre société, toujours avec bienveillance. Son engagement se situe dans la défense de la liberté.

Stéphanie Pioda

[Photo. Affiche de l’exposition / Collage CoeXisT à Paris. © Combo / Collage “Paris encore debout” © Combo / Collage “L’habit ne fait pas l’imam” © Combo]