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L’intelligence artificielle en art, 2/2 : les implications sur le droit d’auteur

Baran Cengiz 16 juillet 2020
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© NightCafé AI Creator

Une œuvre d’art générée par une intelligence artificielle pose de nombreuses questions, notamment sur sa propriété. À qui reviennent les droits d’auteur de ces œuvres ? Le créateur de l’algorithme ? La personne qui a appuyé sur le bouton pour lancer le programme ? L’IA elle-même ? Une œuvre créée par IA peut-elle être considérée comme le produit d’un esprit humain ?

Avant les dernières innovations dans les technologies de l’IA, la propriété du droit d’auteur sur les œuvres générées par ordinateur n’était pas en cause, parce que les machines n’étaient que des outils dont l’artiste se sert pour créer.

Dans la plupart des juridictions européennes, la protection du droit d’auteur requiert un auteur humain. Par conséquent, un problème survient lorsqu’une machine décide et crée pour l’homme, car ces œuvres peuvent facilement être considérées comme exemptes de droit d’auteur, et ainsi être accessibles et gratuites pour tous. Alors pourquoi quelqu’un investirait-il dans quelque chose dont il ne tirerait aucun avantage du résultat final ? Ce problème de propriété est commercialement très mauvais pour les développeurs. Il existe quelques options juridiques à travers le monde, notamment deux : soit la protection du droit d’auteur est refusée pour les œuvres créées par les technologies de l’IA, soit elle est attribuée au créateur du programme. La propriété du droit d’auteur au créateur du programme n’a jamais été spécifiquement interdite car l’IA est une technologie assez nouvelle et les lois nécessitent un certain temps avant de s’adapter à la réalité du monde.

© Art and Artificial Intelligence Laboratory, Rutgers University

Aux États-Unis, le bureau du droit d’auteur n’enregistre une œuvre que si l’œuvre a été créée par un être humain car le droit d’auteur, une branche du droit de la propriété intellectuelle, ne protège que les fruits du travail intellectuel, qui ne peut être effectué que par l’esprit humain. C’est exactement pour la même raison que J.R. Boronali, un âne qui a peint le Coucher de soleil sur l’Adriatique en ayant un pinceau attaché à la queue, n’a jamais eu la propriété du droit d’auteur de sa peinture. La Cour de justice de l’Union européenne précise qu’une œuvre originale doit refléter la personnalité de l’auteur, elle doit porter l’empreinte intellectuelle de son auteur.

En revanche au Royaume-Uni et dans plusieurs autres pays, la propriété du droit d’auteur est donnée au programmateur car c’est lui qui a pris les initiatives nécessaires pour obtenir le résultat final, l’œuvre d’art. Cela a du sens dans le cas d’AARON, créé par Harold Cohen étant donné que c’est lui qui a écrit l’algorithme ; il est également le seul à utiliser le programme, mais qu’en est-il de GAN et CAN ? Le collectif Obvious basé à Paris a utilisé la technologie GAN pour créer le célèbre Portrait d’Edmond Belamy ; l’œuvre appartient-elle au développeur de GAN, Ian Goodfellow, ou appartient-elle à la personne qui a appuyé sur le bouton pour lancer le programme ? Nous pourrions faire le parallèle avec Adobe, en se questionnant sur la paternité de toutes les œuvres créées sur Illustrator. La nuance réside dans l’existence de l’IA, car la contribution des utilisateurs est si faible qu’elle pourrait être considérée comme inexistante et dans ce cas, les droits d’auteur appartiendraient à la personne qui a créé l’algorithme. En réalité cela n’a pas vraiment de sens…

Pour le moment, tant que les législateurs ne formulent pas une réponse claire à cette question et ne la codifient dans la loi, la meilleure réponse est de traiter le droit d’auteur au cas par cas.

Baran Cengiz

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