Thérèse Desqueyroux – film de Claude Miller
Claude Miller, décédé en avril dernier, aura laissé l’empreinte d’un cinéma hérité de la grande époque de l’académisme du cinéma français des années 50 qui aurait pioché dans la Nouvelle Vague quelques principes permettant d’agrémenter son art d’un romanesque finement dosé. Ainsi le filmage en décors extérieurs qui prend dans cette adaptation du roman de Mauriac Thérèse Desqueyroux toute sa saveur, suggérant presque les divines sensations olfactives que pourvoie la forêt landaise. Il en est d’autant plus dommage que la transposition du roman au film ne se soit pas davantage parée d’originalité.
Le cinéaste et les scénaristes auront en effet opté pour un travail très scolaire où le dialogue provient à 80% directement du matériau littéraire. Une fidélité certes louable mais qui fige l’ensemble du film qui ne semble jamais oser sortir des ornières du cinématographiquement correct. On se prend à repenser alors à l’audacieuse transposition de La Mouette de Tchekhov (devenu La Petite Lili) ou la magistrale leçon de mise en scène de Mortelle Randonnée, adaptée d’une série noire. Le support n’est certes pas le même et Mauriac ne supporterait probablement pas une trop grande liberté d’action sans tomber dans le saugrenu, mais on ne peut s’empêcher d’imaginer toutefois ce qu’aurait fait de cette histoire d’empoisonneuse au pays des bourgeois bordelais un cinéaste comme Chabrol.
Reste une direction d’acteurs quasi irréprochable. Miller aura permis à de nombreux comédiens de rafler quelques César (Michel Serrault et Guy Marchand pour Garde à vue, Charlotte Gainsbourg et Bernadette Lafont pour L’Effrontée, Julie Depardieu pour La Petite Lili et Un secret) et même si ce « grand jeu télévisé » (dixit Dominique Lavanant recevant sa récompense pour Agent Trouble de Mocky) n’est que ce qu’il est, il convient de reconnaître que Miller a toujours fait preuve d’un flair inouï pour le choix de ses interprètes. Audrey Tautou n’a jamais été aussi convaincante dans un rôle dramatique, jouant habilement de son regard sévère et de sa voix cassante. Face à elle, Gilles Lellouche, engoncé dans son amour à sens unique et sa balourdise, excelle autant que tous les seconds rôles. Il ne manquait finalement qu’un peu plus du concept de la caméra stylo cher à la Nouvelle Vague pour imprimer à la pellicule la pâte d’un cinéaste.
Franck Bortelle
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Festival de Cannes 2012 (du 16 au 27 mai 2012)
- Hors compétition
Thérèse Desqueyroux
D’après le roman de François Mauriac (1927 – Editions Grasset & Fasquelle)
De Claude Miller
Avec Audrey Tautou, Gilles Lellouche et Anais Demoustier
Durée : 110 min.
Sortie le 21 novembre 2012
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