“Coronis” une zarzuela fantastique à l’Opéra Comique
© Stefan Brion
Quand le jeune Roi d’Espagne, petit-fils de Louis XIV, décide de faire jouer en 1705 Coronis de Sebastián Durón, les Anglais menacent déjà Barcelone sur la côte ouest. La zarzuela, une spécificité ibérique qui mélange théâtre et chant, déclamation et poésie, nous plonge parmi les Dieux antiques, Neptune et Apollon, qui se disputent aussi le pouvoir ainsi que les yeux et le corps d’une nymphe superbe du nom de Coronis – la couronne – assaillie par un monstre marin que tous rejettent. Dans une mise en scène extraordinaire d’Omar Porras et sous la baguette baroque de Vincent Dumestre, le spectacle, créé au Théâtre de Caen il y a deux ans, est un vrai joyau.
Une partition riche de mélanges européens

© Stefan Brion
Ce qui frappe avant tout dès l’ouverture du spectacle, c’est la richesse de la partition musicale de ce compositeur de 45 ans, imprégné de choeurs luxuriants, de lamenti italiens, de chansons populaires espagnoles rythmées avec des castagnettes et déjà de vrais récitatifs, poignants d’émotion, qui annoncent les grands opéras classiques. Avec ça, Durón distribue tous les rôles principaux aux femmes qui se travestissaient au grand plaisir de tous à l’époque, les chanteurs masculins étant réservés à la musique religieuse. Sept sopranos donc pour incarner le flegmatique et grincheux Neptune ou l’ambitieux Apollon, mais aussi la nymphe et le monstre marin ; seul un ténor est autorisé pour jouer le sage devin Prothée. L’ensemble, qui joue à fond sur le théâtre, l’illusion et la farce vis avec un public sans cesse complice de la supercherie, est accompagné dans la fosse par un ensemble baroque d’une précision étonnante, épousant à la perfection un tempo à la rythmique mouvante, qui joue sur les ruptures, les décalages, les contretemps baroques, comme si l’orchestre inventait, renouvelait sans cesse la partition au fil du spectacle.
Des castagnettes pour la belle et la bête

© Stefan Brion
Castagnettes, guitares baroques, harpe, orgue, piano, hautbois et bassons, tambourins et violes de gambe s’accordent sans temps mort et avec une énergie virevoltante sous la baguette aérienne, élégante de Vincent Dumestre, grand spécialiste de la musique baroque. Ça flambe, ça roule, ça cavale, en parfaite harmonie avec les tourments psychologiques et météorologiques de ces deux journées. Tout commence avec un choeur de villageois effarés par la présence du monstre marin Triton qui oblige la belle Coronis, nymphe au regard ailé, à fuir le monde sous ses assauts bestiaux. Le metteur en scène Omar Porras et sa décoratrice Amélie Kiritzé-Topor ont conçu des espaces de jeu oniriques, toiles et malles aux couleurs douces, donjon enchanteur et jardin mystérieux, au moyen de lumières magiques (Mathias Roche) et de feux d’artifice qui explosent à chaque apparition. Des danseurs et des acrobates, des clowns et des contorsionnistes viennent se mêler aux chanteurs, comme dans un cabaret où la magie opère, avec beaucoup d’élégance et de grâce. Les costumes de Bruno Fatalot sont extravagants et inventifs, jouant des haillons et des tissus précieux, à cheval entre le végétal, le minéral et l’univers marin.
Une distribution de chanteurs-comédiens
Elles sont toutes formidables, ces artistes au talent évident qui incarnent les personnages de cette pastorale, avec une mention au seul homme de la troupe, le ténor Cyril Auvity épatant dans son personnage truculent de Protée. Marie Perbost, révélation lyrique aux Victoires de la Musique 2020, est une nymphe explosive et délurée, à la voix chaude suave, Anthea Pichanick et Victoire Bunel forment un couple délicieux, Ménandro et Sirène, qui passent leu temps à se disputer comme dans la Mégère apprivoisée de Shakespeare, Marielou Jacquard en Apollon flamboyant et Caroline Meng en Neptune aquatique sont parfaites, comme Eugénie Lefebvre et Stephan Olry en Iris et Martha. Avec les danseurs et les acrobates c’est une troupe nombreuse et heureuse de nous séduire que nous admirons dans cette production festive et flamboyante, qui nous fait découvrir une oeuvre injustement méconnue. Bravo !
Hélène Kuttner
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