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Cravate Club – Théâtre du Marais

12 octobre 2011
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Cravate Club - Théâtre du Marais

Bernard tarde au bureau avec son ami et associé Adrien. Le premier s’apprête à fêter son quarantième anniversaire. Devinant la soirée surprise organisée par son épouse, il croit y retrouver Adrien. Il se trompe : son ami n’assistera pas à la réception et même, il se défile pour participer à un mystérieux dîner uniquement ouvert aux membres d’un certain club. Dès lors, la fête est contaminée, empoisonnée par la distillation d’un doute et par l’angoisse d’être tenu à l’écart voire rejeté d’un cercle qui n’intègre que des candidats triés sur le volet. S’entame un non-dialogue avec Adrien, emmuré d’incompréhension pour Bernard qui ne pense désormais qu’à intégrer la communauté fermée. Sa susceptibilité et son égocentrisme le mèneront à la violence et au désastre.

Fabrice Roger-Lacan a cette science du dialogue et de l’histoire frôlant juste le banal pour s’encanailler dans le borderline. On lui doit le scénario des films Barnie et ses petites contrariétés et dernièrement Je n’ai rien oublié, deux longs métrages co-écrits et réalisés par Bruno Chiche. L’auteur aime à dévier les trajectoires étudiées et simples. Le mécanisme régulier de l’horloge se dérègle par un dérisoire grain de sable. Bernard est un homme simple, au bonheur parfait mesuré au compac, un architecte dont l’affaire prospère mais pour un trois fois rien, une nuit pas comme les autres, les 40 ans peut-être, il envoie ses acquis valser, il « pète un plomb » pour une histoire de club.

Traduisant la fêlure ténue, l’imperceptible basculement d’une simple anecdote pour le chaos, Jean-Charles Schwartzmann propose une scénographie ancrée dans la réalité, épurée et très simple. Les personnages évoluent autour de tables design qui matérialisent leur profession d’architecte. Le vêtement est réaliste, celui de tous les jours, le costume de mise, sombre et peut-être ennuyant comme leur vie, leur travail. Une bouteille de champagne témoigne d’une célébration désormais dérisoire, inappropriée ou comme insolite. Seule la lumière très blanche de néons obliques confère à la scène une atmosphère spéciale, froide et inquiétante.

Interprètes d’une folie douce, sur le fil, Yves Bertaud, Bernard, et Pierre Khorsand, Adrien, sont les protagonistes funambules d’un duel de haute voltige. Pour Bernard les rôles sont distribués : amis, ils doivent s’y tenir et répondre à certaines obligations. Assister aux 40 ans de son associé en fait partie. Yves Bertaud est un chasseur impitoyable qui traque sa proie au moyen d’armes discursives. Derrière une allure bonhomme, une physionomie de monsieur tout le monde, se terre un dangereux psychopathe révélé par un véritable interrogatoire. Acculé dans ses retranchements Pierre Khorsand joue d’abord la victime calfeutrée dans un mutisme prudent. Dans la seconde partie de la pièce, il trahit un caractère plus sauvage, se défait d’une certaine impassibilité consternée pour se révolter devant  cet acharnement capricieux. Il ménage ainsi, lentement, un revirement de situation ; la mise en doute de son innocence dans cette affaire de club relance l’intrigue et laisse l’imagination échafauder les théories les plus farfelues.

Arbitre silencieux, le public se plaît à suivre une joute verbale dont les griefs et l’exaspération monteront crescendo pour mener ses opposants à la plus inconcevable violence. La mise en scène subtile et le jeu de comédiens louvoyant sur le sentier du bien et du mal, sèment l’opinion du spectateur qui se délecte justement de cette incertitude, de cette hésitation quant à la vraie distribution : qui du gentil et du méchant ? Girouettes cherchant le pôle par climat de tempête, nous devrons capituler, ne plus donner raison à l’un ou l’autre personnage ; admirer simplement les coups, les pièges et les ruses de ces fins stratèges.

Sang neuf en offrande, la talentueuse et jeune équipe colore Cravate Club d’une teinte de fin de jour, quand l’obscurité, déjà, enveloppe une nature torve et ambigüe.

Gaëlle Lescouarnec

Cravate Club

De Fabrice Roger-Lacan

Du 5 octobre 2011 au 28 octobre 2011
Les mercredis, jeudis, vendredis et samedis à 19h

Plein tarif : 20 € // Tarif réduit (chômeurs et étudiants de – de 26 ans) : 14 €

Informations et réservations : 01.45.44.88.42 (du mardi au samedi de 14h à 17h30)

Théâtre du Marais
37, rue Volta
75003 Paris

www.theatre-du-marais.com

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