Hashtag 2.0 : Pockemon Crew à Bobino !

Les Pockemon Crew comptent parmi les plus célèbres compagnies de battle dans l’hémisphère hip hop. Sacrés champions du monde à plusieurs reprises, ils sont pourtant de vrais artistes dans l’écriture chorégraphique. Leur nouvelle pièce, « Hashtag 2.0 », le prouve plus que jamais. Après  un triomphe à Biarritz, au festival Le Temps d’Aimer, les voici  à Paris  pendant plus de trois semaines! 

Avec « Hashtag 2.0 », cette compagnie, « la plus titrée au monde » comme ils  disent eux-mêmes, fait apparaître son art sous un jour empreint de poésie et de délicatesse. Les voilà tout en fluidité, en douceur et totalement jazzy. Ils aiment la guitare, celle des manouches ou du flamenco ou bien l’autre, électrique et en pulsation obsédante. Avec sa qualité musicale et une finesse digne d’une compagnie de ballet, « Hashtag 2.0 » charme les oreilles autant que les yeux.

Les neuf B-Boys embarquent leur public  pour un voyage dans le temps. Après un tableau de ballet romantique décliné en hip hop, on part comme dans un film américain, à la fois contemporain et très  années 1940.  Les jeunes se cherchent, cherchent à s’évader ou bien on cherche son portefeuille dans une partition des mains presque percussive et irrésistiblement burlesque. Et en même temps ça swingue, parfois jusque rappeler les balades d’un Maxime Le Forestier, surfant sur une sérénité ensoleillée.

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=qVAqNS0t8Lc[/embedyt]

Un hip hop poétique et humoristique

« Hashtag 2.0 » regorge d’idées chorégraphiques et visuelles. Les corps peuvent vriller tout près du sol et pourtant donner l‘impression de voler. Les mains peuvent dépasser le rideau de perles et danser un tableau entier, ou bien disparaître dans les poches pendant que les corps entonnent un unisson gracieux. Et la partie théâtre montre le chorégraphe face aux danseurs, sur un poème inspiré de notre addiction quotidienne aux réseaux sociaux. Et même si ce lyrisme à la Prévert n’était pas nécessaire à la pièce de danse, le tableau a toutes ses qualités comiques.

Nous sommes ici loin de l’univers syncopé de la break dance et des musiques que l’on a l’habitude d’y associer. « Hashtag 2.0 » surprend parce que la  troupe et son chorégraphe Riyad Fghani ne misent pas sur le spectaculaire à tout va, mais sur une séduction subtile, une poétique visuelle et une douceur qui témoignent d’une évolution artistique plus qu’intéressante.

Un pas historique pour le hip hop

Le parcours de Riyad Fghani est emblématique de la vocation universelle de Pockemon Crew. C’est à quinze ans qu’il découvre le hip hop et navigue naturellement dans l’univers des battles. Mais il est aussi interprète dans des productions hip hop de chorégraphes contemporains comme Laura Scozzi.

Visiblement, il emprunte à l’expérience faite avec cette Italienne débridée une liberté d’esprit et un humour qu’on retrouve dans plusieurs tableaux de « Hashtag 2.0 ». Mais il devient également poète hip hop à part entière. La compensation méritée est la longue série parisienne à Bobino, un privilège encore jamais accordé à une production hip hop dans la capitale, ni ailleurs probablement, et surtout pas à une compagnie issue de la culture des battles.

Thomas Hahn

[Crédits Photo : © Michel Cavalca]