Identité – Théâtre de la Bastille
La mise en scène est sobre, minimaliste, efficace. Le temps passe sans que les personnages, sans que les spectateurs ne s’en rendent compte : les changements de scènes, qui révèlent le délitement du couple de semaine en semaine, ne sont marqués par aucun artifice lumineux ou sonore. L’intrigue n’est rythmée que par leur participation à un jeu concours, découvert sur une bouteille de vin, et qui les mène à répondre à un questionnaire pour gagner, enfin, un peu d’argent. Tout est dit au travers du jeu des deux comédiens, qui habitent chacun leur personnage avec une présence nourrie de celle de l’autre.
En effet, dans ce huis-clos d’une blancheur blafarde, la relation qui s’installe entre Marion (Anne-Lise Heimburger) et André (Fabien Orcier) devient rapidement le thème central de la pièce. Elle commence une grève de la faim, « pour que la vie commence enfin à lui donner une nouvelle identité ». Lui boit, pour « s’oublier ». Ils ne se touchent, ne se regardent que rarement, et pourtant, ils n’existeraient pas l’un sans l’autre : lorsque le questionnaire insinue que leurs parents ne seraient peut-être pas leurs géniteurs, ils se raccrochent l’un à l’autre comme des naufragés agrippent le radeau qui les ramène à la terre ferme.
Réalisme poussé à l’extrême, minimalisme du texte et du jeu… Gérard Watkins réussit ici un tour de force : si l’économie est au centre de l’écriture et de la mise en scène, cela n’empêche pas la pièce d’explorer, avec profondeur et douleur, des thèmes fondateurs de ce que nous sommes. Cela va de l’identité la plus intime – qui choisissons-nous d’être ? –, à l’identité la plus visible, la plus partagée : en instituant l’Union européenne comme émetteur du jeu concours trouvé sur une bouteille de vin chilien, Watkins pose la question de la mondialisation, de la place de l’individu au coeur d’un univers bien plus vaste que ce qu’il peut même appréhender.
En véritable maestro, Watkins évite l’écueil de se faire déborder par ses ambitions grâce à ce choix d’une production épurée, où la force du propos se présente au spectateur dans la cruauté de l’immédiateté. Soutenue par le jeu de chacun des comédiens, la pièce est d’autant plus signifiante qu’elle est dépouillée d’artifices, et le spectateur, qui prend cette nudité comme une gifle, n’en ressort pas indemne.
Audrey Chaix
enjoy the theatre
Lire aussi sur Artistik Rezo, Absinthe au Théâtre de la Bastille.
© Hervé Bellamy
Identité
Texte et mise en scène de Gérard Watkins
Avec Anne-Lise Heimburger et Fabien Orcier
Du 10 janvier au 11 février 2011
Du mardi au samedi à 19h30, le dimanche à 15h30, relâche le lundi
Réservations au 01 43 57 42 14 et sur le site du théâtre
Tarifs : de 14 à 22 €
Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette
75011 Paris
Ligne 2, 5 et 8
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