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Jan dans la peau d’Ella Styx : “La visibilité des minorités est quelque chose d’extrêmement important”

© Eric Delage

Burlesque, glamour, fashion ; Jan nous raconte son expérience dans le monde du drag et du cabaret, ainsi que la façon dont il se met dans la peau d’Ella Styx avant ses performances.  

Tout d’abord, peux-tu nous donner ta définition d’une drag queen ?

De manière générale, je dirais que c’est une personne qui se transforme pour exprimer une féminité exagérée, pour en faire un personnage soit imaginaire, soit lié à la personne qui le représente. Personnellement, Ella Styx est un personnage que j’ai créé en voulant la personnifier, c’est une sorte de fantasme.

Comment t’es venue cette envie d’aller dans le monde du drag ?

Je connais personnellement le Vicomte Harbourg, qui ne faisait pas du drag mais qui commençait à l’époque dans le burlesque, dans un groupe de cabaret. J’avais envie d’y participer sauf que je trouvais qu’il n’y avait pas grand-chose à proposer en tant qu’homme. Je me suis donc rapproché du groupe du cabaret La Flaque et je me suis dit que ça pouvait être intéressant d’y proposer quelque chose de nouveau. Ils n’avaient jamais eu de drag queens dans leur groupe et c’est comme ça que j’ai commencé ! Je voulais explorer ma féminité le plus possible, c’était une manière pour moi de m’accepter comme je suis et d’avoir plus confiance en moi.

© Didier Bonin

Quelle est ta place dans la mise en scène ? Est-ce que tu peux choisir les chansons, faire toi-même tes chorégraphies ou y a-t-il une personne qui s’occupe de cela ? 

L’organisation des spectacles dans le monde du drag est différente que dans la SCEP, le cabaret où je suis. Quand j’ai participé à des soirées drag, j’ai toujours eu carte blanche pour mes numéros, j’ai choisi moi-même les chansons et les tenues que je voulais mettre. Mais pour notre dernier numéro à la SCEP par exemple, on a un sujet général qui traite de la déconstruction de la masculinité ou des stéréotypes masculins ; je devais simplement respecter le sujet et son message, qui était de rendre compte des stéréotypes de genres qui créent une société sexiste. C’est une manière de déconstruire ces clichés pour que les hommes puissent vivre librement leur masculinité. En général, le choix des musiques vient en premier. S’il y en a qui m’inspirent, je les utilise et globalement, elles ont toutes des énergies différentes. Le choix des tenues arrive en dernier, si j’en trouve dans les magasins, je les achète directement et les retouche à ma guise afin qu’elles soient fonctionnelles pour la fin, où je dois les enlever. Concernant les chorégraphies, je sais comment j’aime bouger, ça vient donc assez naturellement et le Vicomte Harbourg m’apporte sa vision personnelle.

Distingues-tu la personnalité d’Ella de la tienne ou vous complétez-vous ? En quoi sont-elles différentes ou justement se complètent-elles ?

Ella était un personnage à part au début, je l’avais créée très différente de ma personnalité, et c’est au fil du temps que j’ai exprimé plus de mon caractère en elle. Je me suis inspiré des femmes que je connaissais et qui ont eu un impact dans ma vie. Je n’ai pas pris en compte mon caractère pour la créer mais comme les inspirations qui m’ont poussé à l’imaginer étaient des personnalités qui faisaient partie de ma vie, il y avait néanmoins une raison personnelle derrière sa création. Il y a eu un équilibre qui s’est établi petit à petit, surtout dans la construction des numéros, je mets de plus en plus l’expression de ma personne.

© Eric Delage

Comment décrirais-tu la personnalité d’Ella ?

Je dirais que c’est une jeune femme bisexuelle, indépendante, dominante, mystérieuse, très talentueuse, orgueilleuse et qui a confiance en elle.

Quelle partie préfères-tu de la préparation à ta performance ?

Ce que j’aime le plus c’est la création du visuel, commençant par penser à ce que je vais porter, comment je vais coiffer ma perruque et la préparation de mon maquillage. J’ai un profond amour pour le design et la mode, ce qui rend la préparation de la performance très excitante pour moi.

Comment est-ce que cela a changé ta vie ?

Premièrement, ça a changé ma vision sur l’art de s’amuser ; je sais maintenant comment m’amuser mais surtout comment aller plus loin dans la folie, explorer de nouvelles choses, assumer et montrer mon homosexualité. Depuis que je travaille au cabaret, je m’amuse avec des codes masculins et féminins du quotidien avec des amis à moi. Mon style vestimentaire a également évolué, je m’habille de manière plus androgyne. Ensuite, quelque chose qui a changé dans ma vie, et qui est fortement lié au premier point, c’est que j’ai pris conscience du privilège que beaucoup de personnes ont. Grâce à Ella Styx, ma conscience de certains privilèges que j’ai en tant qu’homme blanc cisgenre s’est renforcée. La visibilité des minorités est quelque chose d’extrêmement important pour dénoncer le système dans lequel nous vivons. 

© Didier Bonin

Quel est le public généralement ?

Ça varie selon les soirées. Dans les soirées drag, on a un public plutôt jeune qui fait partie de la communauté LGBT ou qui est proche de celle-ci. Au cabaret c’est plus divers, au niveau de la tranche d’âge on peut trouver de tout, et ces personnes-là sont très ouvertes d’esprit. Le public a d’ailleurs dit que c’était un spectacle très éducatif et qu’ils l’ont trouvé curieux et captivant. C’est ce que je préfère dans le cabaret, les gens viennent vraiment pour voir le spectacle et les performances qu’on apporte.

As-tu des conseils pour celles et ceux qui veulent s’initier à ce monde ? 

Un conseil que je pourrais donner c’est de définir le personnage que l’on veut créer, dans l’esthétique mais aussi au niveau de la personnalité, parce que c’est une partie très importante pour performer. Il faut également beaucoup d’entraînement dans le maquillage et surtout ne pas se décourager si l’on ne réussit pas à obtenir le maquillage qu’on veut dès le début. On ne s’améliore qu’avec le temps et de l’entraînement.

Quelle drag queen t’as le plus inspiré ? 

Une drag queen qui m’a beaucoup inspiré c’est Violet Chachki, elle est belle, glamour, elle fait du burlesque et a un côté fétichiste. C’est vraiment une référence pour moi.

© Eric Delage

Plus d’informations sur le compte Instagram d’Ella Styx.

Propos recueillis par Camilla Ruggaber

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