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“L’Hôtel du Libre-Echange” : vaudeville dans un poulailler

Helène Kuttner 8 mai 2025
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©JeanLouisFernandez

À l’Odéon-Théâtre de l’Europe, Stanislas Nordey monte cette délirante pièce de Feydeau avec quatorze comédiens dans un décor surréaliste et sans portes qui claquent, avec le juste souci de la langue qui flambe autour de l’adultère. Une mise en scène originale mais qui manque de naturel et de surprise, quitte à ennuyer.

Des mots et des plumes

Il n’est pas courant de voir Stanislas Nordey, grand spécialiste des pièces contemporaines et des sujets sérieux, s’attaquer à un vaudeville. Depuis La Puce à l’oreille montée il y a une vingtaine d’années, l’artiste prolifique se concentrait surtout sur des auteurs vivants ou du XX° siècle. Georges Feydeau (1862-1921), qui se réclamait paresseux, noctambule des nuits parisiennes, s’est délecté à peindre  l’ennui, la solitude et l’impossibilité de communiquer des bourgeois parisiens, propulsés malgré eux dans une mécanique de l’absurde, en quête perpétuelle de leurs désirs inassouvis. L’Hôtel du Libre Echange met en scène deux couples, les Pinglet et les Paillardin, dont maris et femmes sont amis. Pourtant, Monsieur Pinglet, entrepreneur, frétille de désir pour Marcelle Paillardin, qui le lui rend bien, sous les yeux tranquilles de Monsieur Paillardin, un architecte trop occupé pour se préoccuper de son épouse et d’Angélique Pinglet, bien décidée à rester la maîtresse absolue de son ménage. Ces quatre-là vont se retrouver dans un curieux hôtel de passe situé rue de Provence dans le 9ème arrondissement, tout comme la bonne des Pinglet, qui drague ouvertement le neveu des Paillardin, Maxime, un lycéen de Stanislas ! S’ajouteront à cette colonie de vacances sexuelles l’avocat et ami des Pinglet, Mathieu, qui débarque de Valenciennes entouré de ses quatre filles aussi innocentes que la justice, sans connaître la « spécialité » de cet hôtel. 

Des comédiens au jeu burlesque

© Jean-Louis Fernandez

Si le souci du metteur en scène est de faire entendre le texte, cette prodigieuse architecture lexicale de l’auteur qui propulse une situation ordinaire vers un univers absurde, proche de Ionesco, de Jarry ou des surréalistes, le pari est largement gagné, car sans sonorisation -pour une fois- les dialogues, vivants, brouillés par les innombrables interjections, sont parfaitement audibles. Le problème, c’est que les comédiens finissent, à force d’un burlesque hypertrophié, par jouer le texte sans les affects, la fragilité, la vulnérabilité inhérents aux personnages. Exception faite pour Hélène Alexandridis, royalement tourmentée et insupportable dans le personnage d’Angélique Pinglet, de Claude Duparfait, magnifiquement torturé et lunaire dans celui de Paillardin et d’Anaïs Muller, femme de chambre nymphomane et hystérique, les autres comédiens ont tendance à surjouer le burlesque dans un sytème qui finit par tourner en boucle. Dommage, car Cyril Bothorel, grand échalas à la puissance de feu qui joue Pinglet et Marie Cariès, qui campe Marcelle, sont d’excellents artistes. Sans doute se perdent-ils sur ce plateau trop grand, cerné par les hauts murs emplies des discalies de la pièce.

Basse-cour

© Jean-Louis Fernandez

La scénographie change radicalement dans le fameux hôtel de passe, où l’ambiance  vire au rouge franc avec des personnages qui se transforment en poulets de basse cour, jambes nues et tunique de plumes blanches conçues par le très spirituel Raoul Fernandez, qui interprète Bastien. À moins que ce soient des autruches, dont les têtes géantes, percées d’yeux vitreux, jaillissent dans le tableau final. Passé l’effet comique de ces volailles blanches qui gambadent et se croisent avec la même obsession, ne pas être vus, on s’interroge sur le sens de cette tribu de gallinacés au plumage identique. Tout cela finit tout de même de manière effrénée par une revue de music-hall où dansent les palmipèdes, savamment chorégraphiée et mise en lumière par Philippe Berthomé. Comme une conclusion joyeuse après la tempérance judiciaire du commissaire qui tolère l’adultère dans un hôtel borgne pour des notables. 

Hélène Kuttner 

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