Mary Prince à la Manufacture des Abbesses
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Mary Prince Mise en scène d’Alex Descas Avec Souria Adele Du 8 janvier au 22 mars 2014 Manufacture des Abbesses |
Souria Adele décoche des mots simples et justes, aiguisés comme des flèches, qui viennent blesser nos cœurs et, dans la brèche ouverte, y faire germer la mémoire des esclaves.Des tréfonds de l’obscurité Mary Prince s’avance. Sa voix pénétrante troue les ténèbres où nous sommes plongés. Et les traits de son visage peu à peu se dessinent, en clair-obscur, à la lumière vacillante de cette vérité souvent occultée voire reniée. La comédienne Souria Adèle s’empare d’un témoignage historique unique. Née esclave aux Bermudes, Mary Prince est vendue à l’âge de douze ans. « Ballottée » de maître en maître, d’île en île, revendue ou louée, elle s’affranchit enfin en Angleterre. Encouragée son avocat abolitionniste, Thomas Pringle, elle livre son autobiographie. Editée, celle-ci constitue un témoignage clé dans le combat pour l’abolition de l’esclavage des colonies britanniques. Dans ce récit poignant, l’esclave raconte l’enfer vécu. Les violences atroces subies au quotidien, les sévices et tortures infligés à ses compagnons d’infortune, considérés comme des bêtes de somme. A ceux qui osent encore prétendre que les noirs sont « heureux » dans l’esclavage, elle révèle avec courage et indignation la réalité quotidienne de ce crime contre l’humanité. Le témoignage nous atteint d’autant plus profondément qu’il est raconté avec une rare pudeur, une retenue, une gravité dénuée de pathos et d’auto apitoiement. Le jeu et la mise en scène, minimalistes, sont dépourvus d’artefacts qui en atténueraient la force. Les faits parlent d’eux-mêmes. La comédienne, humblement transmet ; son récit nous appartient. Pourtant, le personnage qu’elle compose s’impose et bouleverse. Cette retenue confère au personnage dignité et grandeur d’âme. Sa voix forte et pleine rayonne de cette autorité du vécu. Debout, avec aplomb, le regard droit, avec pour seule assistance une béquille, témoin de ses traumatismes physiques, elle raconte sans faillir, courageuse jusqu’à la fin. Son allure soignée, son élégance et sa tenue, sa grande robe à fleur d’époque, la beauté de son visage ; tout concourt à faire naître un sentiment d’amour, mêlé de respect et d’admiration. L’indignation et la révolte qui naît dans le cœur du public n’en sont que plus vives. La consternation, l’effarement devant le spectacle ces êtres humains tortionnaires n’en sont que plus authentiques. Après le choc infligé, l’urgence est au recueillement et à l’échange de paroles. Le travail de mémoire est engagé. Derrière l’aspect brut du témoignage, une mise en scène très subtile donc. On pourra s’exclamer : « vraiment bien joué ! » Jeanne Rolland |
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