“Racines” ou trois ballets splendides qui traversent les siècles
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De la Russie en Afrique jusqu’en Grèce, de Tchaïkovski à Gershwin, jusqu’à Léonard Bernstein, cette création à l’Opéra de Paris propose trois courts ballets signés Balanchine, Mthuthuzeli November, jeune chorégraphe originaire de Cap Town et Christopher Wheeldon. De la perfection classique à l’abstraction géométrique, en passant par le jazz, les danseurs de l’Opéra de Paris transfigurent cette danse trois fois sublime.
Thème et variations : l’essence du classique

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Dans un labyrinthe qui ressemble à un jardin à la française, douze danseuses, couronnées de pierres scintillantes et aux tutus sertis, s’enroulent et développent des corolles évoquant des fleurs qui s’épanouissent. Ces chaînes de danseuses en guirlandes se propulsent sur des pointes avec la sensualité romantique des violons de Tchaikovski, tandis que huit servantes forment une autre guirlande pour soutenir une ballerine en équilibre précaire. Le ballet, puissamment inspiré du chorégraphe Petipa, recourt à un minimum de moyens produisant un maximum d’effets, de manière à composer une Belle au Bois Dormant merveilleuse, avec un nombre de danseurs réduit. Petits pas, sauts de chats, pirouettes avec jambe tendue, coupés et jetés, la chorégraphie précise énumère l’alphabet classique, réservant la part la plus spectaculaire au danseur qui enchaîne une série de sauts dans la diagonale du plateau de l’Opéra Bastille. Plus que parfaits lors de la première représentation, les étoiles Valantine Colasante et Paul Marque, magistraux, ont ouvert le bal des représentations, avec un corps de ballet à l’unisson de la perfection formelle.
Rhapsodies : entre chien et loup

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Avec ce deuxième ballet, créé pour le Ballet de Zurich, le jeune chorégraphe Mthuthuzeli November réalise une sorte d’hybride entre danse africaine et danse classique, sur la partition si puissante de Georges Gershwin. Ambiance de rue nocturne et de gangs news-yorkais, atmosphère sombre de tissus ocres dont le seul cadre, une fenêtre sur la nuit, contraste avec la brume automnale, Rhapsodies se veut une exploration de portraits au présent, questionnant les différents états d’âmes des danseurs. La musique semble improviser comme une pulsation langoureuse qui débute par un célèbre glissando de clarinette, pour se poursuivre avec la trompette et le piano, jouant comme des gosses à qui crie le plus fort. Les thèmes de Gershwin se déploient, richement, comme des numéros de music hall, pour des comédiens. L’énergie suave, la promenade sensuelle mais non moins dangereuse, sont ici portés par onze danseurs qui se cherchent, s’aiment et se déchirent. La métamorphose des tonalités musicales imprègne celle des corps qui portent les strates de la mémoire. Bras en corolle mais mains vers le sol, posture de suppliantes ou corps athlétiques conquérants, les danseurs ici obéissent à une protection animale, celle des tribus en proie à l’angoisse. La danse se fait magnétique, superbe pulsation mimétique et organique, qui fait écho à ces Rhapsodies.
Corybantic Games : l’ère solaire

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C’est peut-être le ballet le plus beau, le plus puissant. Dans un décor épuré, un bleu glacé et sombre, les corps des danseurs apparaissent dans des postures sculpturales, presque abstraites. Gainés de maillot blanc ultra découpés, retenus en haut du corps par des rubans noirs, ils dessinent des lignes géométriques obsédantes, en écho au Concerto pour violon de Léonard Bernstein, avec ses cinq mouvements, frénétiques ou lents. Postures acrobatiques des sports olympiques, enchaînements d’une complexité savante, la chorégraphie varie les tempos et multiplie une série de figures prodigieuses. Les hommes y sont beaux comme des Apollon, les femmes des Vénus stylisées façon années Trente, cheveux courts et gominés. Ce jeu d’échecs, qui ralentit ou accélère, obéit aux lois de l’attirance amoureuse dans le Banquet de Platon. Des corps athlétiques s’y côtoient, dans des configurations toujours changeantes. Garçon ou fille, peu importe le genre. Le magnétisme de cette attirance fulgurante propulse les corps dans une énergie toujours plus forte, plus dynamique, qui habite véritablement les danseurs. Superbe et sans appel, ce dernier ballet prouve une nouvelle fois l’exceptionnelle qualité artistique du ballet de l’Opéra de Paris, capable de se renouveler avec chaque chorégraphe.
Hélène Kuttner
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