Und : une performance jouée par Natalie Dessay
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Und De Howard Barker Mise en scène de Jacques Vincey Avec Natalie Dessay et Alexandre Meyer Du 29 avril au 14 mai 2016 Plein tarifs : Tarif jeune : 18€ Théâtre des Abbesses |
Créé au Théâtre de Tours et promis à un bel avenir, le monologue de l’Anglais Howard Barker prend feu avec l’incandescente Natalie Dessay qui endosse aujourd’hui sa robe rouge de comédienne après avoir brillé en soprano à l’opéra. Le pari est très réussi. Une héroïne tragique Qui est cette femme plantée devant nous, drapée dans une robe de mousseline rouge qui sculpte son corps comme une vestale grecque ? De qui parle-t-elle, celle qui attend cet homme, son amant, son ennemi, la mort, le désir ? Le texte à trous de l’Anglais Howard Barker pétrit tous ces thèmes à la fois, les malaxe dans une logorrhée folle et obsessionnelle, anecdotique et tragique, totalement névrotique, qui dit la souffrance et la solitude des êtres pris dans la spirale d’une catastrophe. Hélène durant le siège de Troie, l’héroïne qui parle se dit “juive” et “aristocrate”, détachée de tous les affects et sentiments triviaux qui flattent l’orgueil de l’ennemi. Est-ce un bourreau nazi qui menace de faire exploser sa maison ? Est-ce par désir de domination féminine qu’elle se pare de tous les accessoires de la séduction féminine ? Barker, dans la traduction nouvelle de Vanasay Khamphommala, fait exploser les lignes narratives de la cohérence. Il convoque Beckett, Duras, les tragiques grecs, Genet pour voyager dans l’inconscient individuel de cette femme et notre inconscient collectif. Pour dire avec des mots choisis l’innommable et le politiquement incorrect, la douleur et le ridicule, la superficialité et la profondeur. Son théâtre perpétue ce voyage qu’il dédie aux femmes, compagnons de désir et de mort perpétrés par les hommes. Dessay divine Elle est là, droite et sculpturale, déesse immobile sur son promontoire d’airain, qui attend les spectateurs au milieu des gouttes de pluie. Au-dessus d’elle et de son volumineux chignon auburn, d’immenses blocs rectangulaires de glace cernent l’espace dans une lumière rasante, tandis que l’eau fond goutte à goutte en un clapotis régulier comme un cœur qui bat. Bientôt, les blocs de glace s’effondreront, fondus par les éclairages. À ses côtés, le musicien Alexandre Meyer invente une musique d’outre-tombe, sonneries pour appeler les domestiques ou explosion de bombes, basses telluriques d’un volcan en fusion ou frémissements d’effroi. Dans ce splendide dispositif scénique signé Mathieu Lorry-Dupuy qui conjugue l’eau et la lumière, Natalie Dessay compose un personnage d’une richesse théâtrale impressionnante, modulant chaque mot, chaque geste d’une couleur précise, riante ou douloureuse, arrogante ou angoissée. Son corps parle autant que ses yeux pour dire l’intimité de cette femme cloîtrée au cœur d’une catastrophe qui n’est pas nommée. Il faut saluer la direction d’acteurs de Jacques Vincey, fine, sensible, qui permet à la comédienne d’ouvrir ce monologue et de l’offrir aux spectateurs en un bouquet de questionnements et de révoltes. Le travail de transmission que Natalie Dessay effectue là durant une heure et dix minutes, interprète d’un texte qui est loin d’être facile, est à cet égard remarquable. Le début d’une prometteuse carrière. Hélène Kuttner [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=FDt6Uw-yYEs[/embedyt] A découvrir sur Artistik Rezo : [Photos © Christophe Raynaud De Lage] |
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